mardi 5 janvier 2021

ETUDE RECHERCHE CANADA Utiliser la technologie pour aider les personnes suicidaires & les intervenants

Utiliser la technologie pour aider les personnes suicidaires 

21 décembre 2020 https://www.lavoixdelest.ca*

Alexandre Chagnon et son entreprise TherAppX, spécialisée dans l’analyse des applications numériques en santé, ont lancé il y a quelques jours un projet pilote destiné aux intervenants des 28 centres de prévention du suicide (CPS) du Québec. Un nouvel outil — un site web référençant les applications numériques les plus pertinentes — permettra de prolonger la relation entre l’intervenant et la personne aidée.

Dans la relation thérapeutique, «beaucoup d’actions recommandent au patient de changer son comportement, comme perdre du poids ou arrêter de fumer. L’application permet de prolonger ces recommandations une fois que la personne est de retour chez elle. Ça lui évite d’être laissée à elle-même [en attendant la prochaine rencontre avec son intervenant]», explique le Granbyen Alexandre Chagnon, directeur général de TherAppX.

La plupart des intervenants des CPS ont été informés de l’existence de ce nouvel outil, à l’occasion de conférences cliniques virtuelles données cet automne. Un psychologue de TherAppX y a présenté différentes situations cliniques propices à l’utilisation d’une application.

«Lorsque le projet nous a été présenté, l’ensemble des CPS a manifesté un vif intérêt à tester cet outil et quelques-uns d’entre eux l’ont déjà expérimenté», assure Lynda Poirier, présidente du Regroupement des centres de prévention du suicide du Québec.

« Les intervenants de première ligne ont de la broue dans le toupet depuis la pandémie, et pour nous c’était important de nous associer à ces gens-là, fortement éprouvés »
— Alexandre Chagnon, directeur général de TherAppX

Des applications par milliers

Le «dictionnaire» mis au point par TherAppX fait le tri parmi des dizaines de milliers d’applications numériques spécialisées en santé mentale, et au-delà.

Plus de 1500 applications de santé mentale — qu’on retrouve notamment dans les catalogues de type App Store ou Google Play — ont déjà été analysées par l’équipe de TherAppX, composée d’une vingtaine professionnels de la santé «de tous les horizons» parmi lesquels on retrouve notamment des psychologues, des travailleurs sociaux, des infirmières et des médecins.

Ces «réviseurs cliniques» sont aidés par un robot qui «suit l’évolution du marché» au niveau des applications et qui prévient l’équipe lorsqu’une «app» est mise à jour. «Nous pouvons savoir si l’application a déjà été analysée par Santé Canada, donne en exemple M. Chagnon. Notre outil permet de cibler des considérations extrêmement précises.»

Ce robot distribue ensuite les applications aux différents réviseurs cliniques en fonction de leur spécialisation. Par exemple, si l’application traite de perte de poids, elle sera dirigée vers un réviseur nutritionniste. En effet, si le projet pilote concerne la santé mentale et la prévention du suicide, l’outil ne se limite pas aux applications liées à cette question.
Selon M. Chagnon, environ 70 % des professionnels de la santé se font interpeller par leurs patients quant à la crédibilité de telle ou telle «app». «Avec notre dictionnaire, les professionnels de la santé sauront quoi leur répondre.»

Évaluer le projet

M. Chagnon s’est assuré de l’évaluation indépendante de son projet pilote. Celle-ci a été confiée à l’équipe de la professeure Julie Lane, directrice du Centre RBC d’expertise universitaire en santé mentale affiliée à l’Université de Sherbrooke, une référence dans le domaine. «On voulait que le rapport soit transparent et non biaisé», précise M. Chagnon, pharmacien de profession qui enseigne également la santé numérique à l’Université Laval et à l’Université de Montréal.

Mme Lane indique que les intervenants souhaitant proposer une «app» à leur clientèle sont dépourvus quand vient le temps de choisir. «C’est là la puissance de l’outil proposé par TherAppX, croit Mme Lane. Il permet de connaître lesquelles sont cliniquement et scientifiquement solides.»

Et l’offre d’applications est vaste : il en existerait plus de 170 000 seulement en lien avec la santé et le bien-être. «Plus d’un patient sur trois a déjà utilisé une application de santé numérique sur son téléphone ou sa tablette», souligne M. Chagnon.

La recherche effectuée par Mme Lane consistera à évaluer l’expérience des intervenants dans leur utilisation de cette bibliothèque d’applications. «Verront-ils un bénéfice dans l’utilisation de cette plateforme ?» résume-t-elle. L’expérience des patients sera également prise en compte dans l’évaluation. «Quels impacts l’utilisation d’une application aura eu sur certains de leurs symptômes psychologiques, au niveau du stress, de l’anxiété ou de l’humeur ?», autant d’éléments qui seront analysés.

Ce dictionnaire web recensant les meilleures applications est en préparation depuis le mois de mars, quand la pandémie s’est abattue sur nous. «Les intervenants de première ligne ont de la broue dans le toupet depuis la pandémie, et pour nous c’était important de nous associer à ces gens-là, fortement éprouvés par cette période», précise M. Chagnon.

Distribution pancanadienne

Le DG de TherAppX prévoit ensuite élargir ses partenariats avec les intervenants de la ligne info-Social 811, ceux des CLSC et des hôpitaux, et ce, partout au Canada.

En effet, en marge de ce projet pilote, le catalogue d’applications TherAppXCore a déjà été vendu auprès d’intervenants en Colombie-Britannique et en Alberta. Les révisions cliniques sont ainsi proposées simultanément en français et en anglais. «Les professionnels de la santé peuvent aussi nous interpeller via le site internet de TherAppX Core pour nous demander d’analyser une app ; nous leur répondons dans les 24h», précise l’entrepreneur, qui était encore pharmacien à l’urgence de l’hôpital de Granby en septembre dernier.

Spécialiste en santé numérique, M. Chagnon a également conclu un partenariat avec l’Université Laval pour proposer une formation de 2e cycle universitaire sur les technologies numériques de la santé afin d’aider les professionnels de la santé à mieux comprendre cet univers.

Un domaine dans lequel le Québec figure parmi les mauvais élèves. «Nous accusons un retard dans l’utilisation des technologies en santé, incluant la santé mentale, confirme la professeure Julie Lane. TherAppX permet une avancée pertinente à ce sujet.»