AUTOUR DE LA QUESTION Regard de soignants "Les maladies mentales : pourquoi pas moi ?"
Les maladies mentales : pourquoi pas moi ? Par Christian Gay le 25/08/2017 sante.lefigaro.fr*
AVIS D’EXPERT - Les
troubles psychiques se situent au troisième rang des maladies les plus
fréquentes, après le cancer et les maladies cardio-vasculaires. Pour le
docteur Christian Gay, psychiatre, parallèlement aux progrès médicaux,
recréer du lien social est essentiel dans l’accompagnement de ces
maladies.
Il est de bon ton d’affirmer que les maladies mentales n’arrivent
qu’aux autres. C’est faux! Près de 2 millions de Français sont touchés
par des troubles psychiques sévères. Certains sont passagers, d’autres
plus durables. Au total, incluant les proches, cela représente
5 millions de personnes. Les troubles psychiques se situent au troisième
rang des maladies les plus fréquentes, après le cancer et les maladies cardio-vasculaires.
Sans distinction d’âge, de sexe ou de milieu social, les troubles
psychiques et les épisodes de souffrance psychique concernent tout un
chacun et sont souvent associés à une forte mortalité. Les «candidats»
aux troubles psychiques sont par conséquent nombreux.
Même s’il existe une inégalité en matière de chance
- nous ne présentons pas le même risque de développer un trouble
psychique -, la donne reste la même que pour le cancer, les maladies
cardiaques ou encore les maladies métaboliques comme le diabète.
L’environnement (contexte familial traumatisant, prise de drogue…) est,
en général, le facteur déclencheur.
« Ces maladies pas comme les autres, mais qui, comme les autres, sont des maladies »
Première cause d’invalidité et d’arrêts de longue durée, les troubles psychiques peuvent mettre la personne en situation de handicap,
détériorer sa qualité de vie et celle de ses proches. Leurs
répercussions économiques et sociales sont importantes: précarité,
exclusion, conduites à risques, repli sur soi, l’isolement pouvant aller
jusqu’à l’exclusion, la vie dans la rue (SDF) et le suicide. Ce sont les principales conséquences de «ces maladies pas comme les autres, mais qui, comme les autres, sont des maladies».
Pourtant, d’autres maladies s’attaquant à d’autres organes tels que
le cœur, les reins, les poumons ou le foie ne génèrent pas de honte, de
discrédit ou de culpabilité. Les hommes et les femmes fragilisés par un
handicap psychique sont dans notre société victimes de stigmatisations
en raison de la peur qu’ils suscitent alors que, dans l’immense majorité
des cas, ces personnes ne sont dangereuses que pour elles-mêmes.
S’en sortir n’est pas aisé. Parallèlement aux progrès médicaux, on sait désormais que recréer du lien social est essentiel dans l’accompagnement de ces maladies.
À la sortie de l’hôpital, les patients stabilisés grâce à leurs
traitements ont souvent beaucoup de difficultés à retrouver une vie
sociale normale. Ils ont perdu tout repère et sont souvent isolés,
repliés sur eux-mêmes, parfois abandonnés par leur famille. Sans
ressort. C’est à ce moment clé qu’une structure non médicalisée comme le
Clubhouse répond parfaitement à cette problématique. S’inspirant d’un
modèle qui a fait ses preuves dans plus de 30 pays, le Clubhouse
s’appuie sur l’autonomisation, la cogestion, la solidarité entre pairs
et l’ouverture sur l’extérieur, en particulier avec les entreprises.
Dans ce lieu d’accueil autogéré, sorte de passerelle entre l’hôpital
et la vraie vie, personne n’est considéré comme malade mais comme une
personne à part entière et, en l’occurrence, un membre - à vie -, d’où
l’idée de club. Grâce au partage des tâches, en fonction de ses
compétences, petites ou grandes, chacun retrouve vite de la dignité et
de la confiance en soi, renouant ainsi avec l’envie de vivre, signe
d’espoir s’il en est.
Le saviez-vous ? 20 % de la population en âge de travailler est concernée par un trouble psychique
Aussi, un taux important des membres du club retrouve après quelques
mois un emploi. En effet, la vocation du Clubhouse n’est pas uniquement
la réinsertion sociale mais aussi professionnelle des personnes vivant
avec un trouble psychique (30 % des membres sont en réinsertion).
Le saviez-vous? 20 % de la population en âge de travailler est concernée par un trouble psychique. En 2020, la dépression
sera la deuxième cause de maladie et d’arrêts de travail. Plus d’un
Français sur quatre estime que les personnes souffrant de problème de
santé mentale sont incompatibles avec une activité professionnelle. 90 %
des Français estiment que les organisations professionnelles ne
sensibilisent pas à la santé mentale. 37 est le score de Qualité de Vie
au Travail des personnes porteuses d’un handicap mental (score moyen de
52, toutes situations de handicap confondues).
Alors, comment faire lorsque l’on ne doit pas montrer ses faiblesses
dans le monde de l’entreprise? L’accompagnement individuel du Clubhouse
permet d’aider à travailler sur un projet professionnel et de définir
les facteurs clés de bonne intégration pour préparer par exemple une
prise ou reprise de poste. À l’inverse, il permettra d’identifier les
signaux d’alerte et pourra intervenir à tout moment en tant que
médiateur dans une situation de blocage avec le collectif de travail
dans l’entreprise.
Nous l’aurons compris, le rétablissement est un sujet très vaste
qu’il est difficile d’aborder en quelques lignes. Il implique
l’environnement familial, social, professionnel et scolaire. S’il existe
d’autres structures, le modèle du Clubhouse permet de résumer à lui
seul le type d’approche personnelle favorisant un rétablissement
durable. Le docteur Christian Gay est aussi cofondateur de France Dépression et du Clubhouse France