Strasbourg SOCIETE Des détenus de la maison d'arrêt de l'Elsau surveillent et aident leurs codétenus aux tendances suicidaires...
Strasbourg: Des détenus pour vaincre le suicide en prison
G.V. avec AFP Publié le La maison d'arrêt de Strasbourg expérimente depuis mars 2010 une méthode afin de prévenir les suicides en prison grâce aux détenus eux-mêmes. Le principe? Des «codétenus de soutien» sont chargés de soutenir les prisonniers psychologiquement fragiles et de repérer les comportements à risque afin de les signaler au personnel pénitentiaire.Strasbourg, établissement pilote
Strasbourg figurait parmi les premiers établissements pilotes. Ils sont aujourd'hui sept et l'on ne parle plus d'expérience. Au moins trois autres sont sur les rangs. Les volontaires n'ont pas d'avantages matériels ni de remise de peine et ne sont pas rémunérés.A. est codétenu de soutien, recruté par la direction de la maison d'arrêt de Strasbourg et mobilisé lorsqu'un pensionnaire semble sur le point d'attenter à ses jours. «Les codétenus sont là au moment où les autres mécanismes de prise en charge ne sont pas disponibles», notamment la nuit et le week-end, explique Alain Reymond, directeur de la maison d'arrêt de Strasbourg. Comme la vingtaine d'autres codétenus de soutien qu'a connus Strasbourg depuis 2010, A. a été formé par Jean-Louis Terra, référent sur le sujet au niveau national et professeur à l'université Lyon 1. «Le principal souci qu'on rencontre, c'est l'érosion des équipes», souligne Alain Reymond.
Une nouvelle session de formation aura lieu mi-mai. Les «bons profils sont rares et les volontaires encore plus . Car il n'y a rien à gagner de concret pour ceux qui s'engagent», explique une volontaire de la Croix Rouge.
Des expériences difficiles mais enrichissantes
«Quand je sors de trois jours avec quelqu'un et que je sens que ça va mieux, c'est gratifiant», dit B., un autre codétenu de soutien de Strasbourg. «J'ai le sentiment de redevenir celui que j'étais dehors. Parce qu'il faut le dire: quand on entre ici, on perd tout. On n'est plus rien.»Souvent, les cas les plus préoccupants sont d'ailleurs de nouveaux arrivants, confrontés au fameux «choc carcéral». «Il y a une angoisse, explique B. C'est vrai qu'on voit beaucoup de choses à la télé. Ils ont peur de se faire agresser. On les rassure. Parler, mais surtout écouter. Parfois pendant des heures, des nuits entières. Et régulièrement, s'il y a bien une angoisse, elle n'a rien à voir avec la prison.» Après deux ou trois jours dans cette ambiance extrême, B. ne sort pas indemne. «Il y a une décompression. J'en ai chialé, des fois.»
Une aide qui a ses limites
Les volontaires doivent ensuite remplir une fiche pour rendre compte de son action et «donner un diagnostic», mais ne diront rien du véritable contenu des échanges avec son codétenu. «C'est la question sur laquelle on insiste beaucoup auprès d'eux, détaille Alain Reymond. S'ils sont perçus comme des auxiliaires d'administration, ils n'auront plus la confiance des gens qu'ils pourraient prendre en charge.»Une aide qui a pourtant ses limites. En 2014, la maison d'arrêt de l'Elsau a compté deux suicides. Selon la direction, ils concernaient des détenus qui ne présentaient aucun signe extérieur identifié et n'avaient pas fréquenté les codétenus de soutien.