Le suicide en prison
ou https://www.ined.fr/fichier/rte/General/Publications/Population/articles/2014/population_2014_4_suicide_prison_france.pdf
En France, le suicide est sept fois plus fréquent en prison qu’en milieu libre. Quels sont les détenus les plus vulnérables ? L’étude des données de l’administration pénitentiaire permet d’identifier plusieurs facteurs de risque propres à l’univers carcéral, comme la période de détention provisoire ou le placement en cellule disciplinaire.
En France, le suicide est sept fois plus fréquent en prison qu’en milieu libre. Quels sont les détenus les plus vulnérables ? L’étude des données de l’administration pénitentiaire permet d’identifier plusieurs facteurs de risque propres à l’univers carcéral, comme la période de détention provisoire ou le placement en cellule disciplinaire.
Dans les prisons françaises, près d’un décès sur deux est
un suicide. Le taux de suicide en prison a beaucoup augmenté depuis le
milieu du 19e siècle. Avec 18,5 suicides enregistrés pour 10 000
personnes écrouées sur la période 2005-2010, il est aujourd’hui sept
fois plus élevé qu’en liberté (dans la population générale, le taux
atteint 2,7 pour 10 000 en 2010 chez les hommes de 15 à 59 ans. Ce
groupe est plus proche de la structure par sexe et âge de la population
carcérale, plus de neuf détenus sur dix étant des hommes).
Géraldine Duthé (Ined), Angélique Hazard et Annie Kensey (Direction de l’administration pénitentiaire, ministère de la Justice) ont analysé des informations de la base nationale de Gestion informatisée des détenus en établissements (Gide). Leur étude, publiée dans la revue Population, porte sur 363 525 séjours sous écrous et 377 suicides survenus entre le 1er janvier 2006 et le 15 juillet 2009. Elle permet d’identifier certaines conditions de détention ou caractéristiques des détenus qui présentent un risque de suicide plus élevé :
Géraldine Duthé (Ined), Angélique Hazard et Annie Kensey (Direction de l’administration pénitentiaire, ministère de la Justice) ont analysé des informations de la base nationale de Gestion informatisée des détenus en établissements (Gide). Leur étude, publiée dans la revue Population, porte sur 363 525 séjours sous écrous et 377 suicides survenus entre le 1er janvier 2006 et le 15 juillet 2009. Elle permet d’identifier certaines conditions de détention ou caractéristiques des détenus qui présentent un risque de suicide plus élevé :
- la détention provisoire
- le placement en cellule disciplinaire
- la perte du lien social
- la gravité des faits reprochés
- les hospitalisations
Le nombre de personnes écrouées a fortement progressé dans la seconde moitié du 20e siècle, passant de moins de 20 000 en 1955 à 62 000 en 2010.
Avec 113 détenus pour 100 places au début des années 2010, les prisons françaises connaissent une situation de surpopulation.
Les maisons d’arrêt sont les plus touchées, avec un taux moyen d’occupation d’environ 130 %. Ces établissements sont réservés aux personnes condamnées à moins de deux ans d’emprisonnement. Ils reçoivent aussi celles placées en détention provisoire, dont le taux de suicide est plus élevé que les autres.
Le surpeuplement des prisons entraîne une forte dégradation des conditions de vie des détenus. Mais le lien avec le risque de suicide apparaît complexe, notamment parce que, au niveau individuel, la présence d’un codétenu peut réduire le sentiment d’isolement ou tout simplement rendre matériellement plus difficile un passage à l’acte.
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- Suicide des personnes écrouées en France : évolution et facteurs de risque [article]
-
Suicide en prison : la France comparée à ses voisins européens [article]
Le suicide des personnes écrouées en France : évolution et facteurs de risque
Géraldine Duthé*, Angélique Hazard**, Annie Kensey**
* Institut national d’études démographiques.
** Direction de l’administration pénitentiaire.
Correspondance : Géraldine Duthé, Institut national d’études démographiques, 133 boulevard
Davout, 75980 Paris Cedex 20, tél : 33 (0)1 56 06 22 47, courriel : geraldine.duthe@ined.fr
INED Population-F, 69 (4), 2014, 007-038
Le niveau de suicide en prison est actuellement élevé en France : 18,5 suicides pour 10 000 personnes écrouées pendant la période 2005-2010, soit sept fois plus qu’en population générale. Cet article présente l’évolution du suicide depuis le milieu du XIXe siècle, mettant en avant une spécificité croissante du suicide en milieu carcéral par rapport à la population générale. L’analyse porte ensuite sur les associations qui existent entre les risques de suicide et les caractéristiques individuelles, à partir de la base de gestion de l’administration pénitentiaire qui regroupe l’ensemble des séjours sous écrou observés en France entre le 1er janvier 2006 et le 15 juillet 2009. Sur cette période, près de 378 000 séjours ont été observés (correspondant à plus de 221 000 personnes-années) et 378 suicides ont été identifiés. Les résultats confirment la vulnérabilité des personnes en détention provisoire et montrent le rôle prépondérant de l’isolement, qu’il soit physique ou social, ainsi que celui de la nature de l’infraction qui a motivé la mise sous écrou. Si l’amélioration de l’environnement du détenu est un point mis en avant dans les nouvelles politiques de prévention, la nature de l’infraction, comme facteur de risque suicidaire, devrait également être prise en compte.
http://www.ined.fr/fichier/rte/General/Publications/Population/articles/2014/population_2014_4_suicide_prison_france.pdf
article sur le sujet
Le Monde.fr
Lundi 20 avril 2015
En prison la moitié des décès sont des suicides
Plusieurs facteurs
Les condamnés à plus de dix ans se suicident deux fois plus que les autres. Les personnes écrouées pour agression sexuelle sont très vulnérables (23,9), pour viol (27,2), et surtout pour meurtre (47,6), contre 9,6 pour une autre infraction. Plusieurs facteurs entrent sans doute en compte : « L'infraction elle-même, notent les auteurs, les sentiments de remords ou d'injustice, le stress et l'incertitude avant le procès, le verdict de culpabilité et la lourdeur de la peine. » La durée de la peine serait donc « un facteur secondaire », puisque la nature de l'infraction joue aussi un rôle. Enfin, le placement en cellule disciplinaire augmente dans d'énormes proportions le taux de mortalité par suicide (176,8).
Ainsi, résument les chercheurs, « le taux de suicide est particulièrement élevé pour les individus placés en cellule disciplinaire, les personnes écrouées pour des infractions graves, prévenues ou condamnés à de longues peines, les individus ayant vécu récemment une hospitalisation, ayant déjà atteint un certain âge au moment de la mise sous écrou. » D'autres facteurs, difficiles à isoler, tiennent aussi à l'état de santé du prisonnier avant son incarcération, ses antécédents judiciaires, son niveau socio-économique, le contexte (la surpopulation, la formation des surveillants), mais aussi le fait d'avoir tué un proche, ou même l'approche de la libération, qui génère un stress important.© 2015 Le Monde.fr. Tous droits réservés.