lundi 12 novembre 2012

ALGERIE : La mise en place d’un Observatoire national sur le suicide recommandée à Oran

Algérie 

 Suicide à Oran : une prévalence chez les filles
http://echoalgerie.com/article.php?id=1116

Depuis vendredi et durant deux jours, le Sheraton d'Oran abrite les travaux du 6ème congrès de la société algéro-française de psychiatrie, fondée il y a 10 ans, et consacrée cette fois à des problématiques de l'heure à savoir le suicide et les addictions, cela en rapport avec la santé et par conséquent à la population. Au premier jour, la cérémonie d'ouverture marquée par l'absence des officiels mais en revanche par la présence de Jean Louis Soriano, le consul général de France à Oran s'est déroulée devant une faible assistance et a permis au professeur Taleb, éminent spécialiste exerçant Outre-Méditerranée et président de la société de situer l'importance de ce congrès qui, selon lui, dépassera le stade des simples questions théoriques et du constat afin de passer à des propositions concrètes, pour d'une part briser les tabous autour de ces questions et d'approfondir la réflexion autour des moyens idoines pour mettre en place des systèmes de prévention, d'autre part. De son coté, le diplomate français a rappelé l'importance que revêt ce congrès et ce de par le thème ainsi que le renforcement des relations bilatérales entre les deux pays dans le domaine de la recherche commune pour laquelle la France alloue annuellement 12 millions d'euros du fait que l'Algérie demeure un partenaire de choix et du fait que dans le domaine de la psychiatrie, l'Algérie s'installe au second rang de l'espace francophone après la France. Pour sa part, le M. Mokhtari, le doyen de la faculté de médecine d'Oran a mis l'accent dans son intervention sur les efforts déployés dans le but de former des spécialistes de rang magistral avec la création du premier CES en psychiatrie au niveau national. Au plan communications et à la lecture du programme, quelques études retiennent l'attention du fait qu'elles ont été menées sur le terrain du suicide, dans toutes ses formes ainsi que les différentes addictions et plus particulièrement à la drogue en tenant compte de deux données de base à savoir l'arrivée depuis quelques années des drogues dures et le passage de l'Algérie de simple pays de transit à celui de consommateur. A ce sujet, une étude inédite a été menée à Oran par le laboratoire de recherche accidentologie pédiatrique au sein du service de ranimation pédiatrique du CHUO et qui a ciblé 39 cas de suicide avéré. Les chercheurs ont dû passer au peigne fin plus de 3500 dossiers d'admissions pour déceler 39 cas de tentative de suicide entre janvier 2006 et fin 2011. La tranche d'âge de ces candidats à l'autodestruction se situe entre 9 et 16 ans avec une prévalence chez les filles du fait que sur les 39 cas, figurent 34 jeunes filles. L'étude a conclu également que le mode de tentative de suicide, les médicaments représentent le moyen le plus utilisé avec un taux de près de 29%, suivi des insecticides et enfin les produits caustiques (détergents). Parmi les catégories du variable « évènement déclenchant », 64% sont dus à des conflits familiaux alors que 15% sont issus de familles ayant vécu le drame du divorce. Parmi ces cas, figure un seul cas de récidive. Cette étude a permis de jeter les bases d'une banque de données, un atout jusque là inexistant, et l'étude conclut que relativement à la France, dont les données statistiques sont certes mieux maîtrisées, la tentative de suicide en Algérie demeure encore faible. Cependant malgré les origines religieuses et culturelles, les tentatives de suicide sont relativement fréquentes et constituent un SOS pour une meilleure prise en charge avant l'irréparable. Une autre étude effectuée par une équipe de chercheurs à Blida conclut que les tentatives de suicide touchent plus les femmes que les hommes, ce qui reflète la réalité de la société algérienne, l'acte du suicide concerne la tranche d'âge entre 18 et 35 ans, les célibataires sont plus nombreux, les conditions de précarité socio-économique. En résumé, les psychiatres s'accordent à dire que le suicide n'est pas une maladie que l'on soigne, mais il constitue un comportement social que l'on doit prévenir. En attendant les recommandations de ce congrès et les initiatives des pouvoirs publics à mettre en place une véritable politique de prévention, la rencontre a permis de lever quelques zones d'ombre et de libérer le débat sur cette question tabou.

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(APS) samedi 10 novembre 2012 13 : 44sur http://www.aps.dz/La-necessite-de-la-mise-en-place-d.html
La mise en place d’un Observatoire national sur le suicide recommandée à Oran
ORAN - Le président de la Société franco-algérienne de psychiatrie (SFAP) le Pr. Mohamed Taleb a plaidé vendredi à Oran, pour la mise en place d’un Observatoire national du suicide afin de mieux cerner et suivre ce phénomène.
Le président de la SFAP, a souligné en marge du Congrès tenu sur le thème " Suicide, addictions, santé et population", dans une déclaration à l’APS, que cet observatoire doit englober aussi bien les praticiens (psychiatres, psychologues et autres spécialistes) que les autres intervenants (magistrats, police, sociologues) confrontés à ce problème.
Cet organe aura pour mission de recueillir toutes les données relatives à ce phénomène pour les mettre à la disposition de la communauté scientifique pour mieux comprendre et expliquer ce phénomène qu’il a qualifié de "véritable problème de santé publique", a-t-il précisé.
"L’apparition du suicide en Algérie comme préoccupation de santé publique est récente. Il reste encore difficile d’en évaluer l’ampleur et seule une cinquante de pays dans le monde disposent de chiffres fiables", a-t-il dit.
"En France on compte plus de 10.500 morts par an par suicide », a-t-il noté en soulignant la nécessité de mettre en place des équipes pluridisciplinaires pour étudier ce problème, et de lancer des filières en addictologie et en suicidologie dans les cursus de la formation médicale.
M. Taleb a mis en exergue l’importance de la prévention estimant que la création de l’Office national de lutte contre la drogue a été une démarche "primordiale" dans ses volets de lutte et de répression, "mais restent les volets médical et scientifique qui doivent être pris en charge", a-t-il indiqué.
La création de cet Observatoire a été également soulignée par le Pr.Abbès Ziri, directeur général du CHU de Tizi Ouzou qui s’est intéressé depuis des années au problème des suicides en Kabylie.
"Il faut mettre en place un Observatoire qui constituera une base de données sur les suicides et les tentatives de suicides à partir des statistiques et informations détenues par les différents organismes", a-t-il expliqué à l’APS.
"Contrairement à ce qui a été avancé par les médias, on se suicide moins à Tizi-Ouzou. L’absence de données ne nous permet pas actuellement de comparer une région par rapport à une autre", a-t-il indiqué, tout en précisant "qu’aucun paramètre ne peut expliquer à lui seul le phénomène du suicide".
"C’est un phénomène multifactoriel qu’il faut étudier sous des angles différents comme la société, la culture, la religion, l’environnement, etc", a-t-il ajouté.
Les travaux de cette rencontre se sont déroulés en ateliers spécialisés qui ont permis d’aborder et d’approfondir les thèmes liés à la thématique retenue pour cette session, avec la présentation de plusieurs travaux de recherche entrepris par des équipes médicales comme celles consacrées au phénomène des harraga menées à Oran, au phénomène du suicide chez l’enfant à Annaba.
Ce congrès de deux jours réunit des spécialistes algériens et français. Il a pour objectif de contribuer à la réflexion sur ces sujets et à la mise en place de recommandations destinées aux soignants, médecins, psychologues, travailleurs sociaux et autres intervenants.

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 sur http://www.liberte-algerie.com/actualite/le-suicide-et-l-immolation-en-algerie-des-phenomenes-inquietants-theme-d-un-congres-ouvert-hier-a-oran-188483 le Samedi, 10 Novembre 2012

Thème d’un Congrès ouvert hier à Oran

Le suicide et l’immolation en Algérie, des phénomènes inquiétants
Par : D. LOUKIL
La Société franco-algérienne de psychiatrie (SFAP) tient depuis hier au Sheraton d’Oran son 6e congrès sur le thème : “Suicide, addiction, santé et population”. Cette rencontre intervient au vu de l’évolution inquiétante du phénomène des suicides et des addictions en Algérie, ces dernières années.
La communauté médicale et particulièrement les psychiatres, se sentent de plus en plus interpellés par le phénomène des suicides et des addictions, au point où les participants au congrès demandent la création en urgence d’un observatoire national des suicides et des drogues.
À ce propos, le Dr Mohamed Taleb président de la SFAP dira : “l’Algérie était considérée comme un pays où le nombre de suicides était faible à l’image des pays musulmans puisque l’on avait une incidence de 3 à 4 suicides pour 100 000 habitants. Mais depuis les évènements tragiques, nous avons le sentiment que ce problème est devenu plus important au même titre que la consommation de drogue. La situation est préoccupante avec l’apparition de drogues dures comme la cocaïne, le crack ou l’héroïne… Il est urgent de mobiliser l’ensemble de la société algérienne, avec l’implication de tous, médecins, spécialistes, sociologues, représentants des corps de sécurité, de la justice”, ajoute notre interlocuteur.
Face à cette situation complexe, les différents psychiatres estiment qu’il faut aller vers des enquêtes épidémiologiques fiables, de nature à permettre de cerner le phénomène des suicides dans notre pays afin d’élaborer de vraies politiques de prévention. Dans ce contexte, l’intervention du professeur  Ziri Abbas, psychiatre, à travers son étude sur les cas de suicides dans la wilaya de Tizi Ouzou, a été suivie avec beaucoup d’attention. “En temps de crise et partout dans le monde, l’on constate que le nombre de suicides baisse parce qu’il y a justement un resserrement des liens sociaux et familiaux”, explique notre interlocuteur. Et de poursuivre : “Ce sont les hommes qui sont les plus touchés.” Pour les immolations par le feu, une communication présentée montrera qu’en 2011, 32 personnes sont décédées par immolation par le feu. Analysant ce mode de suicide, le Dr Gasmi expliquera que l’immolation par le feu “est une conduite qui peut survenir chez tous les sujets confrontés à un passage difficile qui déborde sur leurs capacités d’adaptation”, en arguant du fait que “se brûler est un moyen d’interpeller les pouvoirs publics sur le désir de vivre dignement”.




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le 11/11/2012

Contribution : Le suicide, un véritable problème de santé publique

Par le Pr Ziri Abbès,
directeur général du CHU de Tizi-Ouzou
Etudier la problématique du suicide longtemps débattue et autour de laquelle beaucoup d’encre a coulé, je tiens avant tout à rendre un vif hommage à celui qui fut notre maître, notre enseignant, celui qui a été pendant de longues années un éminent clinicien et un expert hors pair.
Je ne saurais en quelques mots illustrer la grandeur de l’homme et du médecin, le Pr Bachir Ridouh, celle de l’enseignant qui, par un coup de magie, transmet le savoir et le savoir-faire à tous ses étudiants, celle du clinicien très proche de ses malades, soucieux de leur bien-être, fasciné par la médecine légale et pour laquelle il a consacré toute son énergie. Aujourd’hui, je me permets de rendre un hommage à ce maître qui nous a appris et nous a fait aimer la psychiatrie. En effet, aborder la question du suicide n’est pas chose aisée, en outre, elle fait appel incontestablement à toutes les études et travaux réalisés par ceux et celles qui ont contribué à faire avancer la recherche sur le suicide en Algérie et dans le monde et essayer également de cerner ce phénomène aussi complexe soit-il. Mais il est regrettable de voir des profanes à la question du suicide se substituer aux médecins chercheurs hospitalo-universitaires se prononcer sur la question, abstraction faite des différentes recherches et études. Ainsi, je me permets d’apporter ma modeste contribution sur ce sujet. Le suicide constitue aujourd’hui un véritable problème de santé publique dans le monde, compte tenu, d’une part, de la complexité étiopathogénique, et d’autre part, des conséquences socio-psychologiques qu’il engendre. Le suicide est un phénomène universel connu depuis l’antiquité, condamné par les doctrines religieuses et considéré comme un péché. Le terme suicide a été inventé par l'Abbé Desfontaines en 1737, remplaçant le terme «d'homicide de soi» longtemps considéré comme une infraction grave, ce dernier a été défini par Durkheim 1858-1917 comme tout cas de mort qui résulte directement ou indirectement d'un acte positif ou négatif accompli par la victime elle-même et qu'elle savait devoir produire le résultat. A noter qu’avant d’arriver à l’acte suicidaire, l’être humain passe par plusieurs étapes appelées «le processus suicidaire» au sein duquel on repère trois phases séquentielles, à savoir :
- la première phase marquée par l'apparition des idées suicidaires où le suicide est envisagé comme l'une des solutions possibles pour faire face à la souffrance, rumination de l'idée suicidaire correspondant au sentiment de ne plus avoir de solution puis c’est la cristallisation et la planification d'un scénario suicidaire ; à ce stade, la décision est prise et le scénario s'élabore ;
- la deuxième phase caractérisée par son passage à l’acte qui est fréquemment lié à un événement déclencheur qui peut paraître anodin ou, au contraire, très grave ;
- la troisième phase ; lorsque l’individu survit à son geste suicidaire, soit la crise se résout, et un réaménagement physique s’opère, soit au contraire une nouvelle crise se constitue annonçant une éventuelle récidive. Ce phénomène qui constitue aujourd’hui un sérieux problème qui inquiète de plus en plus les spécialistes qui tentent de nouvelles approches pour une meilleure compréhension de cette forme de violence complexe, jusqu'à présent aucune théorie ne suffit à elle seule de l’expliquer et parmi celles-ci on pourra citer les préceptes philosophiques dont chacun dépend du courant, de l’époque et l’auteur considéré, je cite par exemple Albert Camus dans son livre L’homme révolté. Il considère le suicide comme une solution à l’absurde puis il enchaîne qu’il ne faut pas résoudre l’absurde mais l’affronter par la révolte. Du point de vue sociologique, Émile Durkheim insiste sur la relation individu/société ; le courant psychologique d’Adler considère que l’acte suicidaire apparaît à l’occasion d’une situation dévalorisante ou humiliante qui attise le complexe d’infériorité ; quant aux cognitivistes, Beck rattache les préoccupations suicidaires à une conceptualisation de la situation présente comme intenable et désespérés, où le patient croit qu’il ne peut supporter la continuation de la souffrance et qu’il ne peut trouver une solution à ses problèmes. Du point de vue neurobiologique, les recherches sont toujours en cours, les résultats les plus récents mettent l’accent sur plusieurs anomalies, notamment l’augmentation des sous-types de récepteurs monoaminergiques ; 5HT2A et 5HT1A, des anomalies de la protéine G et son effecteur la PLC, tout aussi que son enzyme de phosphorylation la PKC. La complexité du suicide réside non seulement dans la variété de ses théories explicatives mais également dans la multiplicité de facteurs de risques, à savoir l’existence d’une pathologie psychiatrique aiguë ou chronique telle que :
- les états dépressifs majeurs où le risque suicidaire est plus grand, surtout dans les formes avec des idées d'auto-accusations ou dans les formes anxieuses ;
- les psychoses : Le suicide peut être présent dans la schizophrénie, soit à la phase initiale de la maladie (bouffée délirante aiguë inaugurale), soit à la phase d’état (suite à des hallucinations auditives et l’automatisme mental), ou au moment fécond de la schizophrénie, aussi lors d’une phase dépressive (dépression post-psychotique). Dans les troubles délirants chroniques, les conduites suicidaires sont moins fréquentes ;
- troubles anxieux : Le risque suicidaire est présent mais le passage à l’acte est souvent incomplet, le geste suicidaire prend valeur d’appel à l’autre, de quête affective où il peut être l’aboutissement d’une lutte inefficace contre la pulsion dans le trouble obsessionnel compulsif, alors qu’il est théâtral, souvent en réponse à une sensibilité aux frustrations dans les troubles conversifs ;
- personnalités pathologiques : Essentiellement, la personnalité antisociale (se caractérise par son impulsivité, son intolérance à la frustration, impossibilité à différer la satisfaction, les conduites dépendantes (alcool, toxiques), qui sont autant de facteurs favorisant le passage à l'acte) et les états limites ou borderline (sont fréquemment sujets à des angoisses d'abandon, des effondrements dépressifs les rendant particulièrement vulnérables aux conduites suicidaires) ;
- abus de substances psychoactives ou d'alcoolisme : Il est utile de distinguer les équivalents suicidaires (overdose toxicomaniaque ou conduites d'alcoolisation massive aboutissant au coma éthylique) et les tentatives de suicide. La comorbidité alcoolique augmente le risque de passage à l’acte suicidaire dans les pathologies psychiatriques, par effet désinhibiteur ;
- l’existence de facteurs prédisposant : Il s’agit des facteurs susceptibles d’augmenter la vulnérabilité d’une personne au regard des actes suicidaires, ils peuvent être regroupés en facteurs individuels, familiaux, et surtout psychosociaux, comme le chômage et les problèmes économiques, le célibat, les conflits professionnels… Des facteurs précipitant peuvent être associés et agissent comme des déclencheurs pour des personnes vulnérables au suicide et enclines aux comportements suicidaires. En effet, ce sont des évènements ponctuels susceptibles d’augmenter la perception de vulnérabilité de la personne et qui peuvent ainsi précipiter le passage à l’acte. Parmi ces facteurs on peut citer les ruptures amoureuses, échec scolaire, perte de l’autonomie fonctionnelle et les maladies chroniques surtout chez les personnes âgées. Un élément d’une importance capitale à signaler c’est l’existence des signes précurseurs au moment d’un éminent passage à l’acte qu’il faut repérer et à prendre au sérieux, tels que les messages verbaux directs qui indiquent une intention claire et précise de mettre fin à ses jours : «J’ai perdu le goût de vivre» ; «Je vais en finir» ; les messages verbaux indirects qui consistent en un message où la personne sous-entend qu’elle serait mieux morte : «Vous seriez mieux sans moi» ; les indices comportementaux qui incluent les changements majeurs et rapides au niveau des comportements, des humeurs et des attitudes «s’isoler physiquement ou psychologiquement», «Négligence de la tenue vestimentaire et l’hygiène personnelle » et les signes psychologiques pouvant indiquer un état dépressif masqué. Cette complexité et ampleur du phénomène nous a conduit à organiser, plusieurs congrès à l’EHS Fernane-Hanafi de Oued-Aïssi et au CHU de Tizi-Ouzou sur les conduites suicidaires. Cette année, c’était les journées nationales sur «L’actualité des suicides et les tentatives de suicide en Algérie, perspectives et prise en charge» organisées les 9 et 10 juin 2012 au CHU de Tizi-Ouzou. Des spécialistes algériens de la majorité des wilayas du pays ainsi que des spécialistes étrangers, des représentants de la Gendarmerie nationale, la Sûreté nationale, la Direction de l’action sociale, la Protection civile, l’éducation nationale, des représentants des affaires religieuses, des sociologues, des médecins généralistes et des psychologues ont participés massivement où le phénomène du suicide a été débattu en long et en large, afin de mieux le comprendre pour mieux le prévenir. Des résultats épidémiologiques récents ont été donnés pour illustrer la réalité du suicide. Dans le monde, selon des études internationales, 815 000 personnes se sont suicidées en 2000, soit 14,5 décès/100 000 habitants (un décès toutes les 40 secondes), le suicide est plus fréquent dans les pays développés tels que les Etats-Unis, environ 30/100000 habitants, la Finlande 28/100 000 habitants, la France 17/100 000 habitants, tandis que les pays qui enregistrent les taux les plus faibles de suicide dans le monde sont les pays de la rive sud de la Méditerranée tels que la Grèce, l’Espagne et l’Italie avec un taux de 3-6/100 000 habitants. Cependant, la réalité du suicide chez nos voisins du Maghreb (Tunisie et Maroc) demeure méconnue où aucun chiffre officiel n’est donné. Cependant, un taux de 3 à 4 suicides/100 000 habitants est officieusement avancé.
Mais quelle en est de cette réalité en Algérie ?

Plusieurs études ont été présentées lors de cette journée et selon le professeur Mohamed Saleh Laidli, chef de service de médecine légale au CHU de Bab-El-Oued, qui a enregistré 269 cas de suicide en 5 ans entre 2007 et 2011, avec 38 cas en 2007, 45 cas en 2008, 64 cas en 2009, 59 cas en 2010 et 63 cas en 2011 ; toutefois, ces taux ont été recensés dans un seul service à Alger, sans compter les cas enregistrés dans les services de médecine légale de Béni Messous, de Mustapha et de Rouïba. En dehors de quelques études hospitalières, l’étude que nous avons menée à Tizi- Ouzou s’étalant de 2007 jusqu’en 2012 demeure l’unique étude prospective faite en Algérie qui révèle que contrairement à ce que les gens pensaient, le taux de suicide dans la wilaya de Tizi-Ouzou est parmi les plus faibles en Algérie avec une incidence de 4 à 6/100 000 habitants, comparativement à Alger, Oran, Sidi Bel Abbès… Parallèlement à ces différentes interventions, nous avons organisé un atelier de formation continue sur les modalités d’une meilleure prise en charge, les stratégies d’une prévention efficace et des recommandations ont été données. Une tentative de suicide n’est jamais une conduite anodine, elle ne doit pas être banalisée. Outre la possibilité de survenue de complications somatiques potentiellement mortelles à court terme, le risque principal est la prolongation d’une souffrance psychique qui s’exprime fréquemment par une récidive suicidaire, sa prise en charge repose sur l’accueil des patients au pavillon des urgences, un examen somatique par une équipe multidisciplinaire qui permet de définir un traitement, une surveillance adaptée et une prise en charge psychiatrique par une équipe de médecins psychiatres et de psychologues. La prévention reste le bon moyen de lutter contre le risque suicidaire, elle est basée sur trois axes :
1 - La prévention primaire C’est le temps idéal puisque pouvant éviter le passage à l’acte. Elle vise à diminuer l’incidence du taux d’une affection ou d’un comportement dans une population non sélectionnée, par des mesures qui permettent d’améliorer la santé mentale : amélioration de la qualité de vie, renforcement de l’estime de soi, sensibilisation de la population sur la santé mentale, augmenter la couverture sanitaire en médecins spécialistes et améliorer le contenu du programme de formation des médecins généralistes, créer et animer des réseaux de sentinelles en s’appuyant sur l’associatif).
2 - La prévention secondaire : Concerne une population spécifique «la population vulnérable», c'est-à-dire ceux qui présentent des facteurs de risque comme le cas des jeunes, des adolescents, des personnes âgées et des détenus… ou ceux qui présentent des pathologies mentales.
3 - La prévention tertiaire : Ou encore ce qu’on appelle post ventions est celle d’éviter et de prévenir la récidive. Elle repose sur les soins aux suicidants et le repérage des dimensions pathologiques et leur prise en charge à un niveau individuel et collectif. Au terme de nos travaux, des recommandations ont été faites, à savoir :
• ne jamais banaliser les verbalisations suicidaires : parler des suicides est avant tout ouvrir la porte à un dialogue, écouter la souffrance de l’autre, ce qui permettra à la personne d’exprimer une idée, une émotion qui l’habite et peut-être de dissiper partiellement l’angoisse ;
• ne pas interpréter le suicide comme acte de lâcheté ou de manque de courage : puisque elle ne permet pas d’expliquer la réalité car pour la plupart des personnes suicidaires le suicide est considéré comme une manière de mettre fin à la souffrance ;
• insister sur le rôle des associations et des réseaux d’accueil et d’écoute dans la prévention du suicide ;
• le rôle capital des médecins généralistes et des psychologues : qui sont impliqués à tous les niveaux du repérage et de la prise en charge des crises suicidaires, car dans la majorité des cas, le motif des consultations sont des plaintes somatiques plus au moins précises. Ceci rend difficile la reconnaissance de la souffrance psychique sous-jacente, et donc le repérage de la crise suicidaire ;
• la nécessité de la création d’un observatoire national des tentatives de suicide et des suicides et d’une mise en place du développement d’une politique nationale de prévention du suicide.
Z. A.