Un escape game cible les troubles dépressifs
Découvrir le trouble dépressif sous la forme d'un jeu d'énigmes peut paraître saugrenu. C'est pourtant l'ambition d'un escape game (jeu d'évasion) proposé depuis cette semaine par la Mission locale du Libournais, à destination de ses jeunes bénéficiaires mais également du grand public. Créé par la société Tricky, qui l'a déjà mis en place sur le campus universitaire bordelais, ce dispositif vise à éclairer la jeunesse sur une problématique tenace: 32% des 18-24ans seraient victimes de troubles de santé mentale, selon la fondation Fondamental.Cela prend la forme d'un escape game classique, à l'atmosphère dystopique. Trois participants investissent une petite pièce, l'appartement d'un jeune homme appelé Thomas, dans un futur indéterminé. Ils suivent son compagnon virtuel avec pour objectif de réunir les symptômes dont il souffre et d'établir ainsi un diagnostic pour lui permettre de reprendre une vie normale. À cette heure de jeu, s'ajoute une heure de débriefing, avec la volonté de libérer la parole sur un mal peu enclin aux mots.«Il s'agit de désacraliser le recours au psychiatre, au psychologue ou au médecin pour des consultations liées au syndrome dépressif. Chez les jeunes, on observe parfois un enfermement, et les maladies mentales sont un frein considérable à l'insertion sociale et professionnelle. On les amène à avoir une vigilance sur ces troubles, pour eux mais également pour leur entourage», explique le jeune médecin David Labrosse, à l'origine de la création de Tricky. Sa société multiplie les escape games, physiques ou digitaux, dans le domaine de la prévention de la santé, abordant les thèmes de l'hésitation vaccinale dans les Ehpad ou les troublesmusculo-squelettiques.Hier, la Mission locale du Libournais, qui aide à l'insertion sociale et professionnelle des 16-25ans et regroupe 2800jeunes sur l'arrondissement, a inauguré son espace de jeu. Cinq conseillers ont été spécialement formés pour en assurer l'animation. Trois bénéficiaires en Garantie jeunes, âgés de 16à 20ans, ont étrenné le dispositif. Ils ont rempli leur mission en cinquante minutes et découvert comment reconnaître certains symptômes du syndrome dépressif : «La tentative de suicide, bien sûr, mais aussi la perte de poids ou d'appétit notamment», cite Thomas, le plus âgé.Quelques adultes se sont également prêtés au jeu. Marie Queraz, cadre de santé aux urgences pédiatriques, reconnaît volontiers son scepticisme avant de l'avoir expérimenté. «Le jeu est sympa, mais nous avons surtout observé ce qu'il pouvait se passer durant le débriefing, dit-elle. Le ludopédagogique permet d'aborder certains sujets délicats et de déstigmatiser - ici, les troubles de la dépression. En règle générale, on manque d'empathie en ce qui concerne les troubles psychiatriques. On montre plus d'affect pour quelqu'un qui s'est cassé le bras, par exemple. Alors que beaucoup de jeunes sont confrontés à la dépression, sans qu'ils ne le sachent eux-mêmes.»Cet escape game innovant et gratuit, proposé dans les locaux de la Mission locale à Libourne, doit rester en place une année au moins. Des sessions sont organisées chaque mardi dans un premier temps. Réservées prioritairement aux jeunes bénéficiaires de l'espace d'intervention, elles sont ouvertes au grand public sur inscription en ligne(1). Pour sa première année, il est financé à hauteur de 46000euros, bénéficiant de subventions de la Région et de l'État. Une demande d'aides a également été adressée à l'Agence régionale de santé.
«Il s'agit de désacraliser le recours au psychiatre, au psychologue ou au médecin»
«Beaucoup de jeunes sont confrontés à la dépression, sans qu'ils ne le sachent eux-mêmes»