Partenariat entre ASC
sécurité et infosuicide.Org : élaboration d’un protocole d’intervention de
prévention du suicide pour les agent.e.s de sécurité
La question du suicide sur les lieux publics est difficile, c’est un évènement
relativement rare et pour lequel il est difficile de s’y préparer. Par
définition les lieux sont publics et chacun est principalement concentré sur sa
tâche : visiter, traverser , y travailler etc. L’acte suicidaire casse
donc de façon soudaine, brutale et inattendue le quotidien et l’ordre public du
lieu.
Par ailleurs, ces évènements sont difficiles à quantifier. En effet la
détermination du lieu du suicide, à partir des certificats de décès, sur
lesquels les données des suicides en France s’élaborent, est partielle. Elle
repose sur le certificat de décès qui indique le lieu du décès, et qui n’est
pas forcément le lieu du suicide. Si une personne meurt à l’hôpital à la suite
d’un suicide, le certificat de décès mentionnera l’hôpital comme lieu de décès,
sans que l’on sache si l’acte a eu lieu à l’hôpital, au domicile ou dans un
lieu public.
Les tentatives quant à elles ne sont quantifiées que par les données hospitalières, un réseau sentinelles de médecins généralistes ainsi que des sondages ou baromètre en population générale, et la question du lieu de la tentative n’est jamais abordée et/ou recensée. Il existe quelques études locales dans la littérature de psychiatrie internationale mais il est difficile d’en esquisser des généralités. Une étude anglaise suggère qu'environ un tiers de tous les suicides ont lieu à l'extérieur du domicile, dans un lieu public[i] [ii].
Des préventions spécifiques, reconnues efficaces, de
limitations d’accès aux moyens sont envisagées sur certains sites, par exemple
pour les suicides par sauts (filets de sécurité, pose de hautes parois vitrées
etc.), néanmoins elles peuvent s’avérer difficiles par leur coût
financier, la faisabilité architecturale ou même pour des raisons esthétiques.
Par ailleurs pour penser une problématique, faut-il encore reconnaitre le
risque même quand celui-ci se produit, hors aucun site ne veut être associé à
un suicide et encore moins à des suicides ou des tentatives de suicide.
Toutefois, il en est autrement dans la réalité de terrain et
il arrive que des tentatives de suicide ou suicides se produisent sur ces
lieux : monuments historiques, centre commercial, administrations, métro,
building etc. Des lieux qui sont susceptibles d’avoir de la surveillance humaine
(agent.e de prévention et de sécurité, gardien.ne, etc. ), avec pour aide un
système de vidéosurveillance pouvant aider à détecter des comportements inquiétants.
Suite à des échanges et retours d’expériences de terrain avec des opérationnels,
intervenant pour le compte de la société ASC sécurité sur la question, plusieurs
constats ont été avancés :
des suicides et tentatives de suicide ont lieu dans les espaces publics ou établissement
recevant du public et la première personne primo-intervenante qui est souvent
sur place est un.e agent.e de sécurité, en adéquation avec ses missions
premières à savoir la protection des personnes.
Dans les faits de nombreux agent.e.s de sécurité sauvent ou contribuent à
sauver des vies du suicide. Néanmoins, ces intervenants à qui on ne pense pas
forcement restent souvent invisibles. Bien qu’ils/elles y soient régulièrement
confronté.e.s, on ne leur a pas
donné d’outils spécifiques ni de reconnaissance. Les agent.e.s ont dans leurs
formations une approche des soins en premiers secours mais quand est-il des
soins en premiers secours de l’ordre de la souffrance psychique, d'autant si la
question des suicides est occultée parce que personne ne veut ni n’admet qu’elle
arrive ?
Ils/elles sont par ailleurs susceptibles de pouvoir repérer des comportements
ou attitudes inquiétantes ou significatives avant un passage à l’acte grâce à
l’analyse comportementale (ex : une personne qui passe des rambardes de
sécurité d’un haut lieu, une personne qui semble abattue ou au contraire très
agitée restant de longues heures dans un coin avec un objet tranchant etc.). Même
si la majorité des procédures ou le bon sens consiste à appeler les pompiers ou
la police, il n’empêche qu’il y a un temps où l’équipe de sécurité et de sureté
peut être la seule sur place ou la première à pouvoir rentrer en contact avec
la personne afin de tenter de temporiser et intervenir dans la limite de leur
sécurité, en attendant les équipes de secours.
On envisage de former à l’évaluation et à l’intervention de crise suicidaire
les pompiers, voir les policiers, les psychologues, psychiatres mais qu’en
est-il des autres professions qui sont présentes lors de la crise à sa plus
haute intensité ?
Il nous a donc paru intéressant d’élaborer un protocole donnant
des éléments d’interventions possibles mais aussi un cadre, des ressources
adaptées, des éléments afin de pouvoir ouvrir une discussion avec les personnes
en crise suicidaire, des limites d’intervention et surtout une visibilité
de leur action.
Le cadre de leurs missions, leurs ressources déjà existantes et inhérentes à
leur fonction ne sont pas anodines pour la prévention du suicide :
l’humain et son pouvoir relationnel tout d’abord mais aussi les vidéos
surveillances, les rondes, une surveillance des lieux avec peu de passage ou
donnant accès à des espaces dangereux, des procédures complémentaires déjà en
place, une culture etc. Mais aussi un cadre d’intervention : veiller à la
sécurité des biens et des personnes.
Ce protocole permet aussi de mettre des mots sur la difficulté de ce type
d’interventions auxquelles ils.elles sont confronté.e.s et permet d’être
informé.e.s sur l’existence des espaces vers lesquels ils.elles peuvent
s’orienter. Par ailleurs l'impact d’un suicide public s'étend bien au-delà du
cercle habituel des membres de la famille, des amis et des connaissances. Les
spectateurs, y compris les agent.es de sécurité, peuvent souffrir de
traumatismes durables en étant témoins d'un suicide dans un lieu public ou en
découvrant un corps. Certaines méthodes de suicide impliquent également
directement une autre personne, ce qui peut avoir des conséquences
psychologiques importantes.
En dehors même de ces actes graves, les agent.e.s peuvent être aussi être les
dépositaires d’un mal être voire de propos suicidaires d’habitué.e.s du site, de
collègues, de proches etc. Il est donc important de proposer des ressources
pour que ces agent.es puissent orienter si besoin et ainsi, participer à une
prévention primaire du suicide.
Liens : https://ascsecurite.fr/ & http://www.infosuicide.org/
[i] Preventing suicides in public places A practice resource Public Health England 2015 https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/769006/Preventing_suicides_in_public_places.pdf
[ii] Owens C, Lloyd-Tomlins S, Emmens T, Aitken P. Suicides in public places: findings from one English county. European Journal of Public Health 2009; 19(6): 580-2.