jeudi 12 décembre 2024

ETUDE RECHERCHE Suicide : le taux de passage à l’acte a-t-il évolué depuis 2000 ?

Suicide : le taux de passage à l’acte a-t-il évolué depuis 2000 ?

Caroline Guignot | Publié 12 déc. 2024 https://www.univadis.fr/*

Une étude nationale confirme que, sur les 20 dernières années, les 18-25 ans, les personnes ayant les plus faibles revenus ainsi que celles ayant des antécédents de passage à l’acte restent les trois groupes de population les plus vulnérables face aux risques de tentative de suicide. Ce sont à leur égard que les actions de prévention doivent être orientées, comme le rappelle la Stratégie nationale de prévention du suicide, le maintien d’une évaluation régulière des dynamiques à l’œuvre au cours du temps permet à la fois d’apprécier l’efficacité des stratégies de prévention déjà mises en œuvre et d’identifier des leviers d’action émergents.

C’est dans cet objectif que lors de l’étude parue récemment dans European Psychiatry, les deux auteurs ont évalué le taux de transition dans la population française adulte sur les 21 dernières années afin de déterminer si les facteurs de risque cliniques ou sociodémographiques permettant d’expliquer cette transition avaient évolué au cours du temps. Pour cela, ils ont exploité les résultats des éditions successives du Baromètre santé, menées en population adulte auprès des personnes âgées de 18 à 75 ans vivant en France (2000, 2005, 2010, 2014, 2017, 2020 et 2021), soit un total de 133 827 personnes ayant répondu (51,3 % de femmes).
Il faut porter attention aux jeunes, précaires et suicidants

Le taux d’idéation suicidaire sur 12 mois était de 4,7 %, oscillant entre 4 % en 2010 et 5,9 % en 2000, avec une baisse notable entre 2005 et 2010, suivie d’une hausse en 2014. Une tentative de suicide dans les 12 derniers mois était rapportée par 0,5 % de la population, valeur comprise entre 0,3 % en 2005 et 0,8 % en 2014.

Ainsi, le taux de transition suicidaire depuis 2000 a été de 7,7 %, compris entre 4,5 % en 2005 et 11,9 % en 2014. L’augmentation avait été statistiquement significative en 2010 et la diminution significative en 2017. L’augmentation du taux de transition après la période de Covid était non significative (7,9 % en 2020 versus 6,5 % en 2017, puis à 9,3 % en 2021). L’analyse multivariée montre une association significative entre la transition suicidaire et trois principaux facteurs : les 18-25 ans avaient 80 % de risque supplémentaire de passage à l’acte (odd ratio ajusté [ORa] du taux de transition de 1,8 [1,2-2,8]) par rapport aux 26-55 ans. Les auteurs reconnaissent que l’une des limitations de ce travail est de ne pas avoir pris en compte les adolescents, une population vulnérable, chez laquelle le taux d’automutilation est relativement élevé ;
les patients ayant un revenu appartenant au plus bas tertile avaient 70 % de risque supplémentaire de passage à l’acte (ORa 1,7 [1,0-2,7]) par rapport à ceux ayant un revenu appartenant au tertile le plus élevé ;
toutefois, les antécédents de tentatives antérieures restaient le facteur prédictif le plus fort, les personnes concernées ayant 11 fois plus de risque que les autres de réitérer l’acte (ORa 11,1 [7,8-15,6]). Le dispositif VigilanS, dont le déploiement a encore été récemment renforcé sur le territoire, est précieux dans ce contexte, permettant de diminuer de 38 % le risque de réitération suicidaire (passage aux urgences ou hospitalisations pour tentative de suicide, ou décès par suicide) dans les 12 mois suivant une tentative, par rapport à des sujets n’en ayant pas bénéficié.

S’aider d’indicateurs pour orienter les actions

« Cette étude vient s’ajouter à la littérature, sans équivoque, qui montre qu’une très grande majorité (plus de 80 % et généralement 90 %) des personnes ayant des idées suicidaires dans la population générale ne tentent pas de se suicider », insistent les auteurs qui rappellent toutefois que le taux de transition est un indicateur très sensible sur lequel de petites fluctuations du numérateur ou du dénominateur peuvent avoir un impact important.
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Ce travail est essentiel, car le concept de transition suicidaire diffère de celui de suicidalité, qui englobe les idées suicidaires et les passages à l’acte. Ce dernier reste rare chez les personnes ayant des idées suicidaires (prévalence à 12 mois en France en 2021 : 0,5 % contre 4,2 %). En effet, les idées suicidaires ont une faible valeur prédictive de passage à l’acte (0,3 à 3,9 %) et celui-ci ne peut être déterminé par la seule présence concomitante d’une dépression, qui n’a de valeur prédictive que sur les idées suicidaires. Une prise en charge médicale indifférenciée pourrait être évitée en ciblant les personnes à haut risque.

Citer : Caroline Guignot. Suicide : le taux de passage à l’acte a-t-il évolué depuis 2000 ? - Univadis - 12 déc. 2024.
https://www.univadis.fr/viewarticle/suicide-taux-passage-%25C3%25A0-lacte-t-il-%25C3%25A9volu%25C3%25A9-2000-2024a1000muw?uuid=1583a6fe-4763-4f2b-873e-4779cef6ac75