lundi 9 septembre 2024

Évaluer le risque suicidaire des jeunes : un guide pratique pour le MG

Évaluer le risque suicidaire des jeunes : un guide pratique pour le MG
Laura Martin Agudelo La Revue du Praticien ,
Publié le 9 Septembre 2024

Alors que les idées et gestes suicidaires ou auto-agressifs sont en hausse chez les adolescents et jeunes adultes en France, et les consultations en psychiatrie sont souvent difficiles d’accès, les médecins traitants sont de plus en plus confrontés à ces situations. Une équipe internationale de médecins généralistes et spécialistes en santé mentale vient de publier dans le BMJ des guidelines avec des conseils pratiques pour évaluer et prendre en charge ces risques au cabinet.

Chez les jeunes Français, le risque suicidaire et les gestes auto-agressifs augmentent depuis quelques années. Les données de Santé publique France montrent que, entre 2010 et 2021, la prévalence des pensées suicidaires chez les 18 - 24 ans est passée de 4,0 % à 9,4 % (femmes) et de 2,5 % à 5,0 % (hommes). Celles de la Drees font état d’une augmentation des hospitalisations pour « geste auto-infligé » (tentatives de suicide et automutilations non suicidaires comme les scarifications), en particulier chez les femmes de 15 à 24 ans et de façon vertigineuse depuis 2021. Ces tendances sont retrouvées dans d’autres pays (Royaume-Uni, États-Unis, Canada, Australie…).

Des facteurs de risque spécifiques

  • Pathologie ou mal-être psychiques en cours
  • Pathologies somatiques chroniques
  • Antécédents de gestes auto-agressifs ou pensées suicidaires
  • Consommation d’alcool ou substances illicites
  • Antécédents de maltraitance
  • Antécédents familiaux de suicide ; suicides dans l’entourage (amis…)
  • Événements tels que : séparation parentale, décès ou maladie mentale d’un proche
  • Environnement stressant : relations familiales conflictuelles ; à l’école ou université, pressions académiques, harcèlement, difficultés relationnelles
  • Présence de troubles du comportement alimentaire
  • S’identifier comme une personne LGBTQIA+

Comment bien conduire l’interrogatoire ?

  • Interroger avec empathie, respect et bienveillance
  • Recueillir des information complémentaires grâce à l’entourage (famille, amis, autres soignants…), tout en respectant le secret médical et la confidentialité
  • L’évaluation du risque et sa prise en charge sont un processus long, qui demande souvent plusieurs consultations, au gré du changement de circonstances du patient ; des consultations itératives favorisent aussi l’alliance thérapeutique

Ne pas se fier aux seules échelles d’évaluation du risque !

Quand orienter vers le spécialiste ?

  • la fréquence et le degré des gestes auto-agressifs ou des idées suicidaires sont croissants ou persistants ;
  • le niveau de détresse du patient ou la préoccupation de son entourage sont élevés, augmentent ou persistent ;
  • le patient demande un soutien spécifique de santé mentale ;
  • un trouble mental sous-jacent est décelé.

Quelques principes généraux de la prise en charge en MG

  • Traiter la maladie mentale ou physique sous-jacente
  • Pour éviter les intoxications médicamenteuses volontaires : prescrire les médicaments avec prudence, en tenant compte de leur toxicité, notamment en présence d’antécédents d’auto-empoisonnement ; dans ce cas, il convient aussi de limiter plus largement l’accessibilité aux médicaments dans le domicile du patient 
  • Prendre en compte des besoins sociaux ou éducatifs
  • Favoriser l’implication du jeune et de sa famille dans le plan thérapeutique
  • Personnaliser les soins (en fonction du contexte individuel, culturel, sociodémographique…)

Encadre

Quels dispositifs de prévention du suicide déployés aujourd’hui en France ?

  • Service d’écoute anonyme et gratuit pour les 12 - 25 sur les thèmes de la santé, de la sexualité, de l’amour, du mal être, etc.
  • Permanence d’écoute téléphonique tous les jours de 9 h 00 à 23 h 00.
  • Tchat individuel ouvert tous les jours de 9 h 00 à 22 h 00.
Pour en savoir plus
Mughal F, Ougrin D, Stephens L, et al. Assessment and management of self-harm and suicide risk in young people.  BMJ 2024;386;e073515.