Santé mentale: un coffre à outils pour hommes
14 Juin 2021 à 15H06
Après plus d’une année de pandémie, pourquoi ne pas profiter de la fête des Pères, le 20 juin prochain, pour s’enquérir de la santé mentale des hommes autour de soi ? «Nous savons depuis longtemps, études à l’appui, que les hommes sont moins enclins que les femmes à chercher de l’aide», rappelle Janie Houle, dont la thèse, soutenue il y a plus de 15 ans déjà, portait sur la prévention du suicide masculin.
En mai dernier, la professeure du Département de psychologie a lancé un Coffre à outils pour hommes, lequel comprend six mini guides à l’intention des personnes susceptibles d’intervenir auprès de cette clientèle, des hommes eux-mêmes et de leurs proches.
Le croisement des savoirs
«Lorsque le gouvernement du Québec a déposé son Plan d’action en santé et bien-être des hommes, en 2017, les régions ont dû emboîter le pas et définir chacune à leur tour un plan d'action, raconte Janie Houle. À Montréal, les responsables ont constaté le manque d'outils concrets pour aider les spécialistes en santé mentale à adapter leurs pratiques aux réalités masculines. On m’a demandé de développer des outils à cet effet.»
Fidèle à sa façon de mener des recherches sur le terrain, Janie Houle a réuni une équipe composée d’une douzaine de personnes: des hommes utilisateurs de services en santé mentale, des chercheurs et des intervenants professionnels. «Je privilégie systématiquement le croisement des savoirs, dit-elle. Pour créer des outils en santé mentale, il importe de tenir compte de l'avis des professionnels et de tester nos idées avec des patients habitués de collaborer à ce type de recherche.»
Six courtes synthèses
Ce groupe de travail a identifié six outils prioritaires à développer, lesquels prennent la forme de textes synthétiques qui ont été regroupés sous format pdf sur le site web Coffre à outils pour hommes. «Le premier texte est de portée générale et s'adresse aux spécialistes. Il s'agit d'une dizaine de bonnes pratiques à mettre en œuvre lorsque l'on intervient auprès des hommes», précise Janie Houle. On y souligne l'importance de faciliter l'accès aux services, de manifester de la proactivité par rapport au suicide, c'est-à-dire d'en déceler rapidement les signes, et de savoir reconnaître la différence entre la colère et la violence pour mieux les gérer.
Dans le réseau de la santé et dans le milieu communautaire, on retrouve surtout des femmes, rappelle Janie Houle. «Or, plusieurs hommes attendent d'être en crise pour demander de l'aide. Lorsqu'ils se présentent devant une intervenante, il peut leur arriver de gesticuler et de parler fort, manifestant ce qui est perçu comme un comportement agressif. Il est important d'outiller les intervenantes pour éviter une escalade verbale qui mène trop souvent à ce que l'homme soit expulsé des lieux. Ça n'aide personne d'en arriver là.» Le mini guide «Comment réagir face à l'agressivité» a été élaboré dans cette optique.
Deux mini guides ciblent les pratiques et les sensibilités particulières à développer pour intervenir auprès des hommes issus de l'immigration et des hommes issus de la diversité sexuelle. «Dans ce texte, nous avons inclus un lexique pour que les intervenantes se familiarisent avec la terminologie adéquate, et puissent aussi évaluer les pratiques déjà en place dans leur organisation à cet égard», note Janie Houle.
L'un des textes s'adresse directement aux hommes ayant besoin de soins en santé mentale. Il s'intitule «Comment se relever après un coup dur». On y aborde l'importance de se donner le temps pour absorber le choc en cas de coup dur – maladie, accident, séparation, décès ou perte d'emploi. On conseille également de reconnaître ce qui est arrivé et ce qu'on fait déjà pour que la situation n'empire pas, et de se rappeler ce qui a bien fonctionné par le passé lorsqu'on a eu à surmonter une ou des épreuves semblables.
Le principal défi, reconnaît toutefois Janie Houle, est d'amener les hommes à consulter un professionnel en santé mentale. «Les hommes qui demandent de l'aide tendent à le faire en dernier recours lorsque la situation s'est dégradée, rappelle-t-elle. Pour les amener à consulter, nous avons opté pour deux messages: "Vous serez peut-être agréablement surpris d'avoir plus de facilité à parler à un étranger" et "Tester une ressource ne vous engage pas à long terme. Vous verrez rapidement si c'est bon pour vous".»
Le dernier mini guide s'adresse justement aux proches des hommes en détresse et aborde la façon d'aider un homme à utiliser des services d'aide. «Nous conseillons au proche de faire les démarches avec l'homme qui a besoin d'aide et même, au besoin, de l'accompagner lors d'un éventuel premier rendez-vous avec un professionnel en santé mentale», souligne la professeure.
Janie Houle se réjouit que plus de 200 personnes aient assisté au webinaire de lancement du Coffre à outils pour hommes. «La prochaine étape est de concevoir des activités afin que les intervenantes et intervenants puissent s'approprier ces outils de manière optimale», conclut-elle.
https://www.actualites.uqam.ca/2021/sante-mentale-un-coffre-a-outils-pour-hommes