Repérage du risque suicidaire Un chaînon qui n’est plus manquant
Frédéric Fromentin
Depuis de nombreuses années, les administrateurs et la direction de la MSA Poitou ont la volonté d’être dans une logique de détection précoce des personnes en situation de mal-être sur les territoires.
La volonté de base
Le projet RETS Poitou et les formations qui s’y rattachent répondent à cette volonté et au besoin d’un réseau de sentinelles facilement accessible et susceptible d’intervenir rapidement.
Prévenir le suicide et les tentatives de suicide par un meilleur repérage, faciliter l’accompagnement et l’accès aux soins, impulser et coordonner la mise en œuvre d’actions de sensibilisation et d’information, développer et valoriser les compétences de chacun sur la question du risque suicidaire, renforcer le partenariat et la coordination des acteurs intervenants, sensibiliser et informer la population, telles sont les missions principales assignées au projet RETS Poitou, réseau territorial de sentinelles, mis en œuvre sur la totalité du périmètre Asept Poitou (Association de santé, d’éducation et de prévention sur les territoires) soit les départements des Deux-Sèvres et de la Vienne.
Faire jouer le réseau
Pour réaliser ce maillage territorial, il est essentiel de former les personnes volontaires provenant d’institutions ou d’associations (salariés ou bénévoles) afin de les soutenir dans leur fonction de détection et d’orientation, de poser les prérequis pour préserver leur engagement et leur santé mentale, de favoriser le travail en réseau, d’identifier les différentes phases associées au processus suicidaire, d’identifier les facteurs de risque, de reconnaître et d’évaluer une crise suicidaire et de se sentir moins démuni dans la rencontre auprès des personnes en crise suicidaire.
Grâce à l’enveloppe financière substantielle validée par les administrateurs de la MSA Poitou en fin d’année dernière, les formations au repérage du risque suicidaire et la constitution du réseau sont désormais possible.
Inter institutionnel et inter régime
À l’origine 100 % MSA, ce projet est tout d’abord centré sur le monde agricole et rural. Mais rapidement, « les choses se sont construites dans une logique territoriale avec les élus et en partenariat avec les centres hospitaliers de Poitiers et de Niort où nous avons la chance d’avoir le docteur Jean-Jacques Chavagnat, président national de la Fédération Trauma Suicide Liaison Urgence (FTSLU). Psychiatre au centre hospitalier Laborit, il est responsable de la coordination territoriale de la Vienne de prévention du suicide, de la dépression et la promotion de la santé mentale, explique Sébastien Caillaud, responsable adjoint de l’action sanitaire et sociale à la MSA Poitou. Il a évoqué le fait que nous allions être confrontés à une difficulté : avoir à intervenir pour des personnes pour lesquelles nous n’avions ni la légitimité, ni les compétences pour vraiment assurer une suite ».
Apparaît alors l’intérêt et l’importance de pouvoir associer d’autres acteurs pour répondre aux différents publics pouvant être repérés. Le projet devient ainsi interinstitutionnel et interrégime. « Nous avons également étendu ces partenariats aux artisans, aux commerçants, au régime général pour les salariés et aux organismes gravitant autour des personnes âgées. Notre souhait est de communiquer de façon plus large ensemble, de pouvoir mutualiser nos moyens et d’être dans une logique de territoire et de proximité » précise Sébastien Caillaud.
La formation sentinelle
Ainsi, financées par la MSA, l’ARS, la CPAM79, la CPAM86 et la CFPPA (conférence des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie), les formations « Comment prévenir, repérer la dépression et le suicide… Formation sentinelle en prévention du suicide » destinées à « toute personne ressource et souhaitant s’engager sur la promotion de la santé mentale sur son territoire » ont débuté le 14 décembre 2020.
Vingt sessions sur deux journées de sept heures et réparties sur l’ensemble du périmètre Poitou sont prévues. Les groupes sont constitués de douze personnes maximum, avec pas plus de trois ou quatre issues d’une même entité afin d’être dans une logique d’interconnaissance et d’ouvrir la problématique à l’ensemble de la population sur un territoire. Malgré la crise sanitaire, « notre direction, les différents intervenants partenaires et les lieux qui nous accueillent ont accepté, en lien avec un protocole sanitaire très strict, qu’elles se déroulent en présentiel. Du fait du contenu, des échanges, de l’identification et des jeux de rôle proposés, elles n’auraient pas pu se faire en distanciel », indique Sébastien Caillaud
Le premier jour et la matinée du second, ce sont des formateurs
régionaux des coordinations territoriales de prévention du suicide de la
Vienne et des Deux-Sèvres, agréés par l’ARS, qui interviennent. Les
participants découvrent le rôle de sentinelle et ce qu’est le risque
suicidaire : comment l’évaluer et quelles en sont les différentes
étapes.
La matinée du second jour est consacrée à des jeux de rôle mettant en
pratique ce que les participants ont appris la veille. L’après-midi, un
binôme santé sécurité au travail (SST) et action sanitaire et sociale
(ASS) de la MSA entre en scène.
« Nous avons fait le choix, en coordination avec l’équipe intervenante, de participer à ce moment-là, décrit Magali Cathalifaud, médecin du travail. Nous
arrivons en fin de formation de manière à ce que les personnes aient
déjà entendu une multitude d’informations. Nous essayons de partir
d’exemples pris dans la salle pour réécrire l’histoire en y intégrant la
dimension sentinelle. Nous intervenons pour expliquer le système. Les
personnes ayant détecté une situation doivent passer l’information et
surtout être assurées qu’une suite va être donnée. »
Sur le terrain
En effet, la formation n’est que le premier niveau du dispositif mis en place comme l’explique Sébastien Caillaud : « Nous disposons d’une ligne téléphonique dédiée aux sentinelles. Elle leur permet d’appeler une personne de l’Asept formée à l’écoute qui va recueillir les premières informations et assurer l’aiguillage vers le bon intervenant. Ce dernier va ensuite prendre contact avec la personne repérée et tenir informé la sentinelle des suites données. Pour un salarié agricole, le lien est fait avec la SST, pour un exploitant c’est avec l’ASS, pour un salarié du régime général, c’est avec l’association Santé sécurité au travail du régime général. Grâce à ce numéro unique, nous évitons aux volontaires sur le terrain un parcours du combattant pour trouver le bon interlocuteur. »
Pour Justine Rambaud, assistante sociale à la MSA Poitou et référente dans la prévention du risque suicidaire au niveau du département de la Vienne, comme pour Magali Cathalifaud, cette simplification du processus est essentielle pour que la personne qui identifie un cas soit le plus à l’aise possible dans le réseau et qu’aucun stress supplémentaire ne s’ajoute à celui qu’occasionne ce genre de situation.
« Notre objectif est de limiter le nombre d’appels à passer. Quand les participants repartent de la formation, il faut qu’ils aient des éléments concrets et qu’ils prennent confiance en eux au moment d’intervenir. Le partenariat est la clé de la réussite de la prévention suicide, précise Justine. Et je pense que le maillage que nous mettons en place entre les élus, les travailleurs sociaux, les médecins du travail, les maires, la chambre d’agriculture, les voisins, la famille, est essentiel. »