Une association mobilisée pour prévenir le suicide chez les policiers en appelle à Emmanuel Macron pour agir contre ce fléau qui a coûté la vie à plus de 1200 fonctionnaire en 25 ans.
12/06/2020 https://www.huffingtonpost.fr*
Par Paul Guyonnet
POLICE
- “Quelle que soit l’époque ou la saison, que ce soit les gilets jaunes
ou les attentats, il y a toujours quelque chose qui nous ramène à la
police.” Alors que la France et le monde ont le regard tourné vers la question des violences policières,
certains fonctionnaires, eux, préféreraient que l’on se souvienne qu’il
s’agit avant tout d’une corporation dans laquelle la plupart des agents
font leur travail du mieux qu’ils peuvent. Parfois jusqu’à y laisser
leur vie.
En 2019, soixante policiers français se sont donné la mort. En 2020, ils sont déjà au moins seize à s’être suicidés, selon le décompte des associations et collectifs. Et au cours de ces 25 dernières années, ils sont plus de 1200 à avoir commis l’irréparable, soit une moyenne annuelle de 49 morts.
″Ça fait 25 ans que ça dure, et on ne change pas de route”, déplore Christophe Girard, le vice-président et porte-parole de l’Association PEP’S (pour Policiers entraide prévention suicide). “Et si on continue comme ça, je peux vous reparler dans 25 ans et les chiffres seront les mêmes. Ou pires.”
Au départ, le fonctionnaire faisait simplement partie d’un groupe Facebook sur lequel les collègues s’entraident et se soutiennent face aux baisses de moral, à la dépression, aux problèmes mentaux et jusqu’aux idées les plus sombres. Puis face à l’inaction de la hiérarchie sur ces questions, il a créé avec la douzaine de modérateurs du groupe une association fin septembre dernier.
Des policiers en exercice, bénévoles, non formés
À chaque message relatant la pression écrasante de la fonction, le sentiment de dénuement matériel, les supérieurs sourds au mal-être ou encore les envies suicidaires, l’équipe met tout en œuvre pour rassurer, consoler, éviter le pire. “On en a sauvé deux cette semaine et un la semaine d’avant. La dernière fois, c’était une collègue qui voulait se jeter sous un train”, raconte-t-il.
Sauf que PEP’S, si elle est une structure enregistrée, ne dispose pour l’heure d’aucune existence propre dans l’organigramme policier. “On gère ça avec nos cœurs et nos tripes”, relate encore Christophe Girard, qui aimerait être guidé quand les envies suicidaires émanent d’un compte anonyme auquel il est impossible d’envoyer un équipage de police pour l’empêcher de mettre fin à ses jours.
“Sur les 60 de l’an dernier et les 16 de cette année, il n’y en avait pas un seul qui était en contact avec nous”, regrette-t-il. C’est pour cela que l’association aimerait être reconnue par la Direction générale de la Police nationale. “On voudrait qu’ils nous fassent connaître à tous les policiers, via l’Intranet, nos journaux, nos bulletins d’information...”
D’autant qu’en face, les outils officiels semblent loin de faire leurs preuves. Alors que la plateforme d’écoute lancée par la direction reçoit environ 80 appels par mois, les policiers actifs, bénévoles et non formés de PEP’S en ont 350 à 400, “et même plus” depuis mars. “On rogne sur notre vie de famille et notre temps de sommeil.”
“On attend donc d’être reconnus officiellement”
C’est pour faire connaître leur combat que les membres de l’association ont décidé de s’adresser au sommet de l’État. Mi-mai, ils ont écrit un courrier à Emmanuel Macron en personne, que vous pouvez retrouver ci-dessous.
“J’ai
bien entendu Emmanuel Macron pendant le confinement”, nous explique
encore Christophe Girard. “Il a dit qu’en voyant les soignants à
l’œuvre, il avait réalisé que les meilleures solutions naissaient sur le
terrain. Eh bien je partage son avis: on attend donc d’être reconnus
officiellement par l’administration, qu’elle s’engage à nous faire
connaître largement, qu’on ait les moyens de se former.” En clair, qu’un
nouveau programme de soutien aux policiers soit mis en œuvre. En 2019, soixante policiers français se sont donné la mort. En 2020, ils sont déjà au moins seize à s’être suicidés, selon le décompte des associations et collectifs. Et au cours de ces 25 dernières années, ils sont plus de 1200 à avoir commis l’irréparable, soit une moyenne annuelle de 49 morts.
″Ça fait 25 ans que ça dure, et on ne change pas de route”, déplore Christophe Girard, le vice-président et porte-parole de l’Association PEP’S (pour Policiers entraide prévention suicide). “Et si on continue comme ça, je peux vous reparler dans 25 ans et les chiffres seront les mêmes. Ou pires.”
Au départ, le fonctionnaire faisait simplement partie d’un groupe Facebook sur lequel les collègues s’entraident et se soutiennent face aux baisses de moral, à la dépression, aux problèmes mentaux et jusqu’aux idées les plus sombres. Puis face à l’inaction de la hiérarchie sur ces questions, il a créé avec la douzaine de modérateurs du groupe une association fin septembre dernier.
À chaque message relatant la pression écrasante de la fonction, le sentiment de dénuement matériel, les supérieurs sourds au mal-être ou encore les envies suicidaires, l’équipe met tout en œuvre pour rassurer, consoler, éviter le pire. “On en a sauvé deux cette semaine et un la semaine d’avant. La dernière fois, c’était une collègue qui voulait se jeter sous un train”, raconte-t-il.
Sauf que PEP’S, si elle est une structure enregistrée, ne dispose pour l’heure d’aucune existence propre dans l’organigramme policier. “On gère ça avec nos cœurs et nos tripes”, relate encore Christophe Girard, qui aimerait être guidé quand les envies suicidaires émanent d’un compte anonyme auquel il est impossible d’envoyer un équipage de police pour l’empêcher de mettre fin à ses jours.
“Sur les 60 de l’an dernier et les 16 de cette année, il n’y en avait pas un seul qui était en contact avec nous”, regrette-t-il. C’est pour cela que l’association aimerait être reconnue par la Direction générale de la Police nationale. “On voudrait qu’ils nous fassent connaître à tous les policiers, via l’Intranet, nos journaux, nos bulletins d’information...”
D’autant qu’en face, les outils officiels semblent loin de faire leurs preuves. Alors que la plateforme d’écoute lancée par la direction reçoit environ 80 appels par mois, les policiers actifs, bénévoles et non formés de PEP’S en ont 350 à 400, “et même plus” depuis mars. “On rogne sur notre vie de famille et notre temps de sommeil.”
“On attend donc d’être reconnus officiellement”
C’est pour faire connaître leur combat que les membres de l’association ont décidé de s’adresser au sommet de l’État. Mi-mai, ils ont écrit un courrier à Emmanuel Macron en personne, que vous pouvez retrouver ci-dessous.
Un parcours du combattant (malgré les soutiens)
Une adresse au plus haut niveau de l’État français aux allures de dernier recours. Car jusqu’à présent, la quinzaine de policiers qui forme le “bureau” de PEP’S a toujours souhaité franchir les étapes une à une, dans le bon ordre.
Il y a eu la lettre au Directeur général de la police nationale d’alors, Éric Morvan, le rendez-vous subséquent à la sous-direction en charge de l’accompagnement du personnel qui s’est très bien passé, mais qui n’a été suivi d’aucun effet. Puis rebelote lorsque le DGPN a changé, comme tout le service de la sous-direction.
Il y a aussi eu les rendez-vous à l’Assemblée nationale pour rencontrer des députés. “On n’avait pas envie de faire n’importe quoi, et comme on est tous des policiers actifs, on a voulu être bien conseillés.” Les policiers ont ainsi obtenu les recommandations et l’accès au réseau de plusieurs élus: Fadila Khattabi (LREM, Côte-d’Or), Jean-Michel Fauvergue (ancien patron du Raid devenu député LREM de Seine-et-Marne), François Jolivet (LREM, Indre), Aude Bono-Vandorme (LREM, Aisne)...
″Ça nous a ouvert les portes et ça nous a permis d’être pris au sérieux par la hiérarchie”, raconte encore le porte-parole de PEP’S. Et grâce au courrier de l’un de ces élus, ils ont réussi à prendre attache avec le cabinet de Christophe Castaner au ministère de l’Intérieur. Avant d’être renvoyés... vers la DGPN.
S’il y a eu des avancées, notamment grâce au Délégué ministériel à la Santé mentale Frank Bellivier, ou en nouant un lien privilégié avec la clinique du Val Dracy près de Chalon-sur-Saône qui reçoit désormais les policiers en grande souffrance psychiatrique envoyés par PEP’S, les fonctionnaires sont toutefois toujours aussi esseulés face à leur combat bénévole. Alors ils espèrent que la situation actuelle et leur courrier au président de la République feront bouger les choses. D’autant qu’une députée a promis de les aider à avoir une réponse -et positive- du cabinet de l’Élysée.
https://www.huffingtonpost.fr/entry/suicide-police-macron-lettre_fr_5ee35cc4c5b69dd56aeb1b15