14/04/2019 https://www.olympic.org*
Chaque année, la commission médicale et scientifique du CIO adopte une déclaration de consensus sur un problème prédominant ayant une incidence sur le bien-être des athlètes. En 2018, la commission a tenu une réunion de consensus sur la maladie mentale dans le sport de haut niveau, un sujet discuté aujourd'hui au Forum international des athlètes à Lausanne.
De Michael Phelps révélant avec sincérité son combat contre la dépression après les Jeux olympiques de 2012 à Londres à Lindsey Vonn expliquant ouvertement avoir souffert de cette maladie pendant dix ans, un nombre croissant d'athlètes parlent de leur lutte souvent cachée contre les troubles psychiques.
Les études scientifiques signalent actuellement que les troubles de santé mentale affectent jusqu'à 35 % des athlètes d'élite à un stade ou à un autre de leur carrière. Cela peut aller de l'épuisement et de la toxicomanie aux troubles de l'alimentation, à la dépression et à l'anxiété. Les facteurs déclencheurs peuvent être extrêmement variés, les études relevant une palette de facteurs contributifs allant de la mauvaise qualité du sommeil aux pressions subies dans le cadre des processus de sélection ou à une retraite prématurée pour cause de blessure. Dans le cas de Phelps et de bien d'autres, c'est la baisse radicale d'activité après les Jeux qui a provoqué une spirale descendante menant à des pensées suicidaires.
“Bien qu'il n'y ait aucune preuve que la maladie mentale soit plus répandue chez les athlètes d'élite que dans la population en général, il est important d'aborder ces problèmes chez les athlètes, en tenant compte de la situation particulière dans laquelle ils se trouvent et du stress important auquel ils sont confrontés dans leur vie,” indique le Dr Richard Budgett, directeur médical et scientifique du CIO.
Ainsi, au cours des deux dernières années, le CIO a cherché à lancer un certain nombre de projets qui améliorent notre compréhension de la santé mentale des athlètes et à trouver des moyens d'aider les athlètes et les membres de leur entourage à détecter et à traiter d'éventuels troubles psychiques.
IOC/Greg Martin
Pour commencer, un groupe de 20 experts du monde entier - composé
d'éminents psychiatres, psychologues, représentants des athlètes et
professionnels de la médecine sportive – s'est attelé à l'étude de près
de 15 000 articles de recherche pour produire un document de consensus,
avec données probantes, sur les troubles de santé mentale chez les
athlètes d'élite. Ce document sera publié en mai 2019. Si cette vue d'ensemble des connaissances scientifiques actuelles revêt une importance vitale, elle ne constitue toutefois qu'une partie du puzzle. Peu d'entraîneurs et d'officiels dans le sport ont une compréhension approfondie de la santé mentale, et le CIO reconnaît également qu'il existe un grand besoin d'outils d'évaluation pratique susceptibles d'être utilisés par les professionnels de la santé et toute personne s'occupant d'athlètes. Un petit groupe de travail doit se réunir le 15 avril pour examiner les nouvelles mesures qui pourraient être mises en place à l'avenir par les Fédérations Internationales (FI) et les Comités Nationaux Olympiques (CNO) afin de protéger la santé mentale des athlètes.
"Nous avons un projet similaire portant sur les commotions cérébrales, qui est revu tous les quatre ans ", ajoute le Dr Budgett. "Il est réalisé en collaboration avec un certain nombre de Fédérations Internationales pour lesquelles les commotions cérébrales sont une source de préoccupation, et ce projet a abouti à la création d'un outil d'évaluation des commotions cérébrales dans le sport appelé SCAT. Il se présente sous la forme d'un questionnaire qui permet d'identifier très facilement les commotions cérébrales ; ce questionnaire comporte également des lignes directrices sur la durée de repos à observer par l'athlète blessé et sur les moyens à mettre en œuvre pour sa rééducation la plus rapide et la plus sûre possible. Nous voulons donc adopter une approche similaire pour la maladie mentale chez les athlètes, à savoir créer un outil qui peut faire partie du processus normal de soins et d'évaluation, et la commission des athlètes y est très favorable."
Mais pour bien s'attaquer à la santé mentale dans le sport d'élite, il faut aussi continuer à sensibiliser le public et à réduire la stigmatisation qui entoure encore le sujet. Selon le Dr Budgett, les efforts déployés par des athlètes de renommée mondiale et aux multiples succès, comme Michael Phelps, pour parler de leurs combats personnels, ont déjà eu un impact positif majeur.
“Je pense que les athlètes qui parlent franchement de problèmes dont d'autres ont eu du mal à s'ouvrir peuvent être d'un grand secours, surtout s'il s'agit d'athlètes de haut niveau et célèbres. Cela a été très utile dans ce cas-ci pour sensibiliser le public à l'importance de ce thème."
Toutefois, il reste encore beaucoup à faire. La santé mentale a été un sujet de discussion important aujourd'hui au Forum international des athlètes 2019 ; par ailleurs, en décembre dernier, le CIO a organisé un atelier sur le sujet avec des représentants de l'ensemble des FI et d'un certain nombre de CNO. L'objectif était d'assurer que toutes les commissions médicales olympiques et les différentes commissions d'athlètes soient informées des projets du CIO en cours et d'entendre les différents points de vue sur les chantiers nécessaires pour l'avenir.
"Ce que nous avons surtout entendu aujourd'hui, c'est que les problèmes de santé mentale devraient être abordés plus ouvertement dans le sport ; on peut en effet aisément comprendre que les athlètes s'inquiètent en permanence pour leur sélection et qu'ils veuillent paraître aussi solides que possible ", relève le Dr Budgett. "Mais en fin de compte, cela peut être contre-productif, et c'est pourquoi les problèmes de santé mentale doivent être reconnus et abordés de manière constructive par les entraîneurs et le reste de l'entourage.
"C'est donc là notre objectif : reconnaître et réduire la stigmatisation afin que les athlètes puissent bénéficier d'une aide adéquate lorsqu'ils en ont besoin. Le Forum des athlètes est vraiment utile pour sensibiliser à cette question et recueillir d'autres idées sur ce qui permettrait d'améliorer la gestion et la reconnaissance des problèmes de santé mentale. C'est un processus à double sens. Nous écoutons les athlètes, et nous espérons qu'ils pourront apprendre de nous."