J.B. Hazo a, b, , , A. Prigent a, b, M. Auriol a, b, C. Dindorf a, b, J.L. Roelandt a, c, K. Chevreul a, b a ECEVE, UMRS 1123, université Paris Diderot, Sorbonne Paris Cité, Inserm, Paris, France
b AP–HP, URC-Eco, DHU Pepsy, F-75004 Paris, France
c Centre collaborateur de l’Organisation mondiale de la santé (CC-OMS), EPSM Lille-Métropole, Lille, France
b AP–HP, URC-Eco, DHU Pepsy, F-75004 Paris, France
c Centre collaborateur de l’Organisation mondiale de la santé (CC-OMS), EPSM Lille-Métropole, Lille, France
Available online 28 April 2017
Introduction
La
santé mentale est fortement soumise aux déterminants sociaux, mais elle
est également marquée par de forts taux de non-recours aux soins,
eux-mêmes socialement conditionnés. Afin de lutter au mieux contre les
inégalités sociales et territoriales de recours dans le champ de la
santé mentale, il est indispensable de connaître les facteurs associés
au fait de recourir ou non aux soins de santé mentale.
Méthodes
Une
revue systématique de la littérature a permis d’inventorier les
facteurs potentiellement associés au (non) recours aux soins de santé
mentale. Une fois catégorisés, ces facteurs ont été recherchés dans les
enquêtes en population générale. Les bases de données françaises
identifiées sont le Baromètre santé 2005, l’enquête sur la santé et la
protection Spsociale (ESPS) 2010, l’enquête Handicap-Santé 2008 (HSM) et
l’enquête santé mentale en population générale (SMPG). Une première
série d’analyses a porté sur un échantillon d’individus adultes
identifiés comme porteurs d’un trouble mental grâce au Mini
International Neuropsychiatric Interview (MINI) au sein de l’enquête
SMPG. Les répondants ont été sélectionnés aléatoirement dans des lieux
de passages de 47 sites français, en plus du MINI ils ont été interrogés
sur leurs représentations de santé mentale, leurs caractéristiques
socio-économiques, leur rapport à leur(s) trouble(s) et leur
comportement de santé vis-à-vis de ceux-ci. La base a été enrichie de
variables contextuelles relatives aux sites de l’enquête (secteurs ou
agrégats de secteurs de psychiatrie) : les densités médicales, l’offre
de soin de secteur, l’urbanicité, le fait d’être en DOM-TOM ou en
métropole et le niveau socio-économique du site. Les facteurs associés
au fait de recourir au système de santé pour raisons de santé mentale
ont été identifiés par une série d’analyses bivariées, les facteurs
trouvés significatifs au seuil de 20 % ont servi à construire plusieurs
modèles de régressions logistiques multi-niveaux inspirés du modèle
théorique de recours aux soins (somatiques) d’Andersen.
Résultats
Au
total, 13 565 individus sur les 39 617 participants à la SMPG ont eu au
moins un trouble et/ou un risque suicidaire identifié(s) par le MINI.
Parmi eux, 54,3 % n’ont pas recouru au système de santé pour leur
trouble. En analyses bivariées, on observe que les catégories les moins
éduquées et ayant un revenu moindre ont un recours significativement
plus important. De nombreuses variables démographiques et psychosociales
sont également fortement corrélées au recours. Concernant les variables
contextuelles, seul le fait d’être dans un DOM-TOM influait
négativement le taux de recours. Les régressions logistiques mettent en
évidence une corrélation du non-recours avec le fait d’être un homme,
d’avoir moins de 35 ans, de ne pas se sentir malade ou de déclarer de
gêne, d’être ou d’avoir une parenté (jusqu’aux grands-parents) issu(e)
de l’immigration extra-européenne, d’être musulman, d’être résident d’un
DOM-TOM, d’avoir recours à la religion pour se soigner, d’avoir un
faible soutien social, de ne pas connaître d’autre lieu que l’hôpital
psychiatrique pour soigner la maladie mentale et de penser que les
porteurs de troubles mentaux sont responsables de leur maladie.
Discussion
Ces
analyses–prenant en considération un nombre étendu de facteurs
potentiellement associés au recours aux soins pour raisons de santé
mentale–ne montrent pas d’inégalités sociales de recours basés sur le
revenu ou l’activité professionnelle mais révèlent plutôt l’importance
de facteurs culturels, qui pourraient d’ailleurs expliquer l’inégalité
territoriale de recours frappant les DOM-TOM. Ces résultats devront être
complétés par une recherche d’effets de médiations entre les
représentations en santé mentale et le statut économique et social. Ils
devront également être validés par la découverte d’associations
similaires dans d’autres enquêtes en population générale. Par ailleurs,
les taux de recours particulièrement bas (−20 % par rapport à la
moyenne) chez les 18–35 ans sont de nature à alerter les autorités
sanitaires.