Marie-Claude Savard Animatrice, chroniqueuse et journaliste 02/02/2016 sur
http://quebec.huffingtonpost.ca/marie-claude-savard/semaine-prevention-suicide_b_9140930.html
1986
Mes oreilles bourdonnent de plus en plus en fort, je sens que d'un moment à l'autre je vais perdre conscience et il sera trop tard.
Le temps file, mais je ne suis plus certaine de vouloir partir. J'ai peur. Je veux en finir avec la souffrance. Je me sens seule et isolée dans mon mal. Chaque minute, chaque heure, de chaque jour depuis deux ans. Le désespoir, la noirceur, la lourdeur prennent toute la place à l'intérieur de moi. Il n'y a plus d'espace pour autre chose. Je suis avalée par un immense gouffre que je suis incapable de décrire, de partager.
J'ai mal, je suis en colère, je suis découragée, j'ai honte, je suis fatiguée, je suis torturée. Il n'y a plus de lumière sur le chemin pour me guider vers un monde meilleur. Je suis perdue. Ceux qui me tendent la main n'arrivent pas à m'en sortir. Même si j'en parle, je souffre encore. Existe-t-il ce monde meilleur? Je ne vois pas beaucoup de bonheur autour de moi.
À quoi bon?
Mais si...
Si je pouvais trouver une façon de m'en sortir. Est-ce que j'ai vraiment tout essayé? Est-ce que je suis vraiment rendue au bout?
Mais je suis épuisée...
Mais si...
Machinalement, comme dans un épais brouillard, je m'empare du téléphone et j'appelle au secours. Je crie au secours. J'ai fait une erreur, venez m'aider!
2016
C'est la première fois que je raconte cette deuxième tentative de suicide de mon adolescence. J'ai souvent parlé de la dépression que j'ai traversée, mais jamais de ces moments de désespoir. Même si j'ai beaucoup partagé de ma vie comme auteure, que dans mon travail j'ai accueilli les confidences des autres sur des sujets douloureux et intimes et que je sais que la guérison est dans le partage, j'ai honte de ces moments où j'ai voulu en finir.
Je suis terriblement embarrassée parce qu'aujourd'hui je comprends la valeur de la vie et l'immense privilège d'en avoir une.
Après cette tentative, je me suis retrouvée à l'hôpital Général de Montréal pour enfants. À côté de moi, des parents et des jeunes qui se battaient pour cette même vie que j'avais voulu abandonner. J'ai gardé un immense sentiment de culpabilité.
Je commence à peine à essayer de guérir complètement cette déchirure. Chaque fois que j'entends aux nouvelles qu'un adolescent s'est enlevé la vie, je bascule à nouveau.
Si seulement j'avais pu lui dire...
Si j'avais pu lui faire comprendre que les moments de torture ne durent pas éternellement, que la vie ce n'est pas que ça.
En même temps, je me souviens de moi à cette époque, et rien n'arrivait à briser le mur de souffrance dans lequel j'étais prise.
D'être une adulte heureuse et de dire je suis passée par là, que le mal a voulu ma peau et que j'ai survécu, serait probablement plus puissant.
Pour ça, il faudrait que je passe par-dessus ma honte et ma culpabilité.
C'est ce que je fais aujourd'hui en acceptant le mandat de porte-parole de Jeunesse, J'écoute.
C'est de cette manière cette année que je m'implique dans la semaine de prévention du suicide.
Si vous êtes en difficulté, vous pouvez appeler Jeunesse, J'écoute au 1 800 668 6868.
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Marie-Claude Savard a trouvé le bonheur après deux tentatives de suicide
Mise à jour le jeudi 4 février 2016 ici.radio-canada.ca*
Marie-Claude Savard
« Je n'hésitais pas à dire que j'avais eu une adolescence troublée [...], mais je ne me rendais jamais plus loin », raconte l'animatrice et chroniqueuse Marie-Claude Savard, qui admet avoir déjà tenté de se suicider. En entrevue à l'émission 24/60, la nouvelle porte-parole de l'organisme Jeunesse, J'écoute témoigne de ce qu'elle a vécu pour dire à ceux qui souffrent de garder espoir.
Vers l'âge de 14 ans, elle a tenté de s'enlever la vie. À deux reprises.
Dans un texte intitulé La fois où j'ai failli y laisser ma peau, publié mardi sur le site du Huffington Post, la jeune femme a pour la première fois levé le voile sur cette période difficile de sa vie.
« J'ai mal, je suis en colère, je suis découragée, j'ai honte, je suis fatiguée, je suis torturée. Il n'y a plus de lumière sur le chemin pour me guider vers un monde meilleur. Je suis perdue. » — Extrait du texte de Marie-Claude Savard publié sur Huffington Post
De sa deuxième tentative, elle a bien failli ne pas ressortir indemne. « Je suis allée trop loin, j'ai presque perdu mon foie, j'ai passé plusieurs semaines à l'hôpital », confie Marie-Claude Savard.
Elle en est ressortie avec une culpabilité. Celle d'avoir voulu mourir alors que des enfants hospitalisés luttaient pour leur survie. Mais cette culpabilité, qui l'a emmenée à chercher de l'aide, lui a sauvé la vie.
Si elle a déjà parlé de sa jeunesse difficile dans des autobiographies, elle n'avait jamais osé briser ce « tabou » « Je posais un regard très dur sur les gestes que j'avais posés à l'adolescence », dit-elle.
Sa réflexion sur la pertinence de briser le silence été alimentée par plusieurs événements. Puis, à l'automne, un jeune de son entourage a commis l'irréparable. « Là, ça a été le coup de massue », indique-t-elle.
« Si je prends le mandat, je vais le faire de manière honnête et authentique », s'est-elle dit quand elle a accepté d'être l'ambassadrice de Jeunesse, J'écoute.
Après l'ombre, la lumière
Le processus de guérison a été long, se rappelle Marie-Claude Savard. Un message qu'elle tient à transmettre à ceux qui souffrent.
« J'ai fini par trouver la solution, j'ai fini par avancer et trouver le bonheur. »
« Quand on traverse une dépression, quand on est dans la noirceur, la détresse, c'est le temps qui apporte la solution. [...] Mais pour ça, il faut demander de l'aide » — Marie-Claude Savard
En cette semaine de prévention du suicide, elle encourage les jeunes qui traversent une période difficile à contacter l'équipe de Jeunesse, J'écoute. Les personnes à qui l'on peut parler au téléphone ont « beaucoup d'ouverture et beaucoup d'outils » pour aider, assure-telle, insistant sur le fait que le service est confidentiel et anonyme.
On peut joindre Jeunesse, Jécoute au 1-800 668-6868 et à jeunessejecoute.ca.
* http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/societe/2016/02/04/003-marie-claude-savard-suicide-jeunesse-jecoute-espoir.shtml
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Ma maladie mentale: «Je ne peux plus mourir, j'ai mon fils» - Véronique Bannon (VIDÉO)
Le Huffington Post Québec | Par Mélissa Pelletier http://quebec.huffingtonpost.ca/2016/02/04/ma-maladie-mentale-veronique-bannon-video_n_9029426.html
Publication: 04/02/2016
Vivre avec la maladie mentale. Chercher à retrouver la santé. La trouver, la perdre. La retrouver. Tout ça sous le regard bienveillant (ou pas) de la famille, des amis... Et du public. Vivre avec une maladie mentale dans la sphère artistique, ça a quel genre d'impact? Est-ce possible de trouver et garder la santé malgré la pression ambiante? Pour le découvrir, on a eu envie de faire le point avec 6 artistes d'ici qui vivent ouvertement leur maladie. Avec humilité, franchise (et beaucoup d'humour), François Massicotte, Véronique Bannon, Stefie Shock, Florence K, Marie-Claude Savard et Jonathan Roberge se sont prêtés au jeu de la série Ma maladie mentale. Tour d'horizon.
Véronique Bannon semble tout mener de front avec succès. Comédienne (Virginie, Watatatow), fondatrice de la compagnie de sacs à main et de lunettes de soleil Collections VB, conjointe du chanteur Marc-André Niquet et mère comblée du petit Milan, l'artiste en a surpris plus d'un en avouant publiquement son dur combat contre la dépression, le trouble panique et l'anorexie, qui l'a menée vers une tentative de suicide en 2010. Depuis, Bannon assume pleinement dans le but de dédramatiser la maladie mentale, et a même accepté de devenir la porte-parole de l'organisme Revivre avec Stefie Shock.
Du plus loin qu'elle se souvienne, Bannon admet qu'elle a toujours eu des problèmes de santé mentale: «J'ai l'impression que j'ai très tôt eu des épisodes dépressifs. Avec le recul, je me rends compte que j'ai fait mes premières crises de panique très tôt. Mais l'élément déclencheur, ça a été la naissance de mon fils, le 19 juillet 2008. Mes critères étaient très, très hauts. En haut des nuages. Je me disais qu'il fallait que je sois une bonne mère, que tout fonctionne bien. Les souvenirs de mon enfance et mon adolescence revenaient. Je projetais ça sur mon fils... Et pouf, j'ai craqué.»
Très vite, l'état de Véronique s'est détérioré. «Je me suis dit que je ne serais jamais une bonne mère, jamais une bonne personne. C'était la déchéance. J'avais de la difficulté à me lever le matin et à avoir le goût de vivre. Je ne savais pas si ça valait la peine. J'avais le mal de vivre. Mais je me disais: je vais m'en sortir toute seule. Tout le monde passe au travers, je suis une grande fille.»
Et finalement non. Le 24 septembre 2010, l'artiste a décidé de mettre fin à ses jours. «Milan était parti avec son père pour faire quelques courses. Je me suis dit: c'est fini. J'ai commencé à écrire des lettres à mon fils. Pour lui dire qu'il méritait mieux que moi. Je me disais que Milan est trop merveilleux pour que je sois sa mère. J'avais écrit à Marc-André de se trouver quelqu'un de plus lumineux...»
Heureusement, Véronique a appelé son frère pour lui indiquer son intention avant de passer à l'acte. Un appel à l'aide qui a tout changé. «Très vite, la police et les ambulanciers sont venus cogner à ma porte. Marc-André et Milan sont arrivés 5 minutes plus tard. En entrant dans l'ambulance - en voyant mon fils dire mon nom en pleurant - j'ai réalisé que ce que je venais de faire n'avait aucun sens.»
«Les gens jugent encore.»
Après cet épisode traumatisant, l'artiste a dû faire face à la réalité: elle aurait besoin de soutien et vite. Elle est allée chercher de l'aide professionnelle et a parlé plus ouvertement de son état avec son entourage. Comment ses proches ont-ils accueilli ses confidences? «Ça n'a pas été super. Quand j'en ai parlé pour la première fois à la télévision à Sucré Salé, ma mère ne m'a pas parlé pendant une semaine. Si j'avais dit que j'avais le diabète, il n'y aurait pas eu de problème. Elle m'a dit: "Mes voisins ne sont pas au courant de ça."»
Dommage, mais cette incompréhension face à la maladie mentale semble avoir toujours fait partie de la vie de Véronique Bannon: « Quand mon père m'entendait pleurer, il ouvrait la porte et la refermait. C'est de l'ignorance. Un mal de tête, c'est concret. Pas la maladie mentale. Ça a été dur plus tard de parler à un thérapeute, de dire les vraies affaires. Ma mère était plutôt une fan de l'attitude: "Tes problèmes sont les tiens: garde ça pour toi et règle-les toute seule." Je trouve qu'on n'évolue pas tant pas rapport à notre vision de la maladie mentale. Les gens jugent encore ça.»
Pourtant, la sphère publique a eu une réaction tout à fait différente: «Quand j'en ai parlé, Guy Jodoin m'a dit: "Tu vas peut-être aider des gens". Je n'ai eu que des bons commentaires. Les gens me disaient que j'étais courageuse. Quand je faisais des rechutes, je me sentais comme un imposteur. Je dois pourtant accepter que je suis malade: je suis médicamentée. Comme pour le diabète ou le rhume.»
Des côtés positifs à la maladie mentale?
À force de lutter contre le nuage noir qui n'est jamais bien loin de sa tête, l'artiste et femme d'affaires en est venue à voir des côtés lumineux à tenter de trouver la santé: «J'ai un ami, Hugo Saint-Cyr, qui est dédécé du cancer. Il n'a pas eu le choix. Moi oui. Je n'ai pas à mourir de la dépression. J'ai les outils pour être bien. Comme dirait mon fils: "Maman, tu répares des morceaux de ta vie pour être heureuse." C'est tellement vrai!»
Cette tornade d'émotions aura aussi permis à Véronique Bannon d'être plus à l'aise dans le jeu. «Ça fait de moi une meilleure comédienne. Je suis capable d'aller chercher des émotions, des états, dont j'avais peur avant. Maintenant, je plonge!»
Ma maladie mentale: une série à suivre sur Le Huffington Post Québec.
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Quand le mal de vivre fait place à l’espoir
Pierre-Alexandre Maltais Samedi, 6 février 2016 sur http://www.journaldequebec.com/2016/02/06/quand-le-mal-de-vivre-fait-place-a-lespoir
Il y a eu environ 38 suicides par année entre 2011 et 2015 au Saguenay–Lac-Saint-Jean, selon les plus récentes données de l’Institut national de santé publique du Québec.
S’il est un sujet difficile à aborder avec ses proches, c’est bien celui du suicide. Mélissa*, une jeune étudiante de 24 ans de Chicoutimi, en sait quelque chose. Car si elle mord aujourd’hui dans la vie à pleines dents, des violences physiques et psychologiques infligées par une belle-mère abusive ont poussé la jeune femme au bord du gouffre il y a quelques années.
C’est pourquoi la Semaine nationale de la prévention du suicide, dont la 26e édition se conclut aujourd’hui, revêt une importance toute particulière année après année.
Et si ce fléau a affligé les familles d’environ 38 personnes par année entre 2011 et 2015 au Saguenay–Lac-Saint-Jean, selon les plus récentes données de l’Institut national de santé publique du Québec, celle de Mélissa n’a pas eu à endurer ce deuil si lourd à porter.
Peur d’être jugée
Car à 18 ans, Mélissa n’en peut plus, et c’est la peur d’être jugée qui l’empêche de se confier, que ce soit à ses parents ou encore à son entourage. Les idées noires, elles, continuent de s’accumuler. Mais ce qui est au départ une simple idée se transforme peu à peu en une funeste éventualité.
«Le fait que je craigne la mort me rassurait au départ. Les pensées suicidaires étaient là, mais sans façon précise de ce que je voulais faire. Mais un moment donné, je me suis mis à ne plus avoir peur de la mort. C’est à ce moment que je me suis fait peur moi-même et je suis allé chercher de l’aide», explique l’étudiante, qui préfère garder l’anonymat.
L’importance du soutien
Cette aide, elle la trouve d’abord chez un psychologue qu’elle décide de consulter, puis auprès de ses parents, à qui elle choisit enfin de se confier. Et c’est ce soutien qui constitue la clé pour venir en aide à une personne suicidaire, explique le coordonnateur du Centre de prévention du suicide 02, Laurent Garneau.
«Il faut aborder la question directement avec la personne, s’assurer de laisser la porte ouverte au cas où elle voudrait se confier. C’est aussi important qu’elle comprenne que ce n’est pas parce que ça va mal que ça va toujours mal aller.»
Un conseil que Mélissa a bien assimilé, et qu’elle n’oubliera plus jamais.
«Je souris quand je pense à la chance que j’ai d’avoir cherché de l’aide et de m’en être sortie. Quand je repense à ce moment-là, quand j’ai été suicidaire, je me dis que c’est tellement beau la vie et que par chance, je n’ai rien fait [d’irréversible]», conclut la jeune femme, qui malgré les difficultés passées, transpire aujourd’hui la confiance.
*Le nom a été modifié par souci de confidentialité