« Je me suis dit : “je me supprime et on n’en parle plus. Je ne souffrirai plus et je n’embêterai plus personne.” Ce qui me pesait le plus était le passage à l’état de dépendance. J’allais être une charge pour tout le monde.»
Après une tentative de suicide échouée, Georgette est soignée pour dépression et reprend petit à petit goût à la vie. Dans la plupart des cas, malheureusement, la fin de l’histoire est plus tragique : 90 % des tentatives de suicide chez les plus de 65 ans sont réussies. Dans la salle Jean Moulin, au Mans, l’auditoire est un peu sonné après ce témoignage. Mais les 250 professionnels et bénévoles venus pour l’occasion n’en perdent pas de vue l’objectif de la journée : échanger et trouver des solutions pour améliorer la prise en charge du risque suicidaire des personnes âgées.
28 % des suicides survenus en 2010 en France concernent des personnes de 65 ans et plus.Avec entre 700 et 800 décès par an, le territoire des Pays de la Loire connaît une mortalité par suicide particulièrement importante, notamment chez les hommes, qui représentent les trois quarts des décès. Si la détresse des personnes âgées est souvent sous-estimée, elle est bel et bien réelle.
Maladie, baisse de l’autonomie, perte d’un être cher ou d’un animal de compagnie, précarité… les facteurs psychosociaux qui favorisent le passage à l’acte augmentent avec l’avancée en âge. « Une modification de leur environnement peut provoquer l’entrée dans la période de mal-être et basculer dans une modification du sens de la vie », explique Nathalie Gourde, psychologue.
Premier incriminé : l’isolement. 60 % des personnes qui en souffrent ont plus de 50 ans (étude 2012, Fondation de France). « Ce qui est important, ce n’est pas le nombre de contacts dans la journée mais la qualité des liens sociaux. Beaucoup ont l’impression d’être là physiquement mais de ne pas participer au groupe ; ils se sentent inutiles socialement. » D’où l’importance de travailler très en amont sur le risque d’isolement et de repérer les signes avant-coureurs de la dépression.
Action et coordination
« À l’hôpital, en Ehpad ou à domicile, le risque de suicide doit être une préoccupation constante du soignant », déclare Florence Delamarre-Damier, gériatre. « Un faciès figé, des gestes lents, une voix monocorde, des difficultés à parler, un repli sur soi, le refus de voir des gens, l’absence d’intérêt pour toute activité, une perte de l’appétit… sont les signes d’une dépression qui peut amener au suicide. »
Sur le terrain, les initiatives ne manquent pas pour combattre le fléau. La Société française de gériatrie et gérontologie (SFGG) a créé le support pédagogique « Mobiqual » pour sensibiliser les professionnels (médecins, cadres de santé, infirmières, etc.) au repérage et à la prise en compte de la dépression chez la personne âgée. L’association Familles rurales tisse, de fil en aiguille, un réseau de voisineurs toujours plus étendu (voir www.lebimsa.fr).
SOS amitié, qui vient de fêter ses 50 ans, prête chaque jour une oreille attentive aux appelants, qui retrouvent, le temps d’une conversation téléphonique, leur dignité. « 20 % des appels que nous recevons émanent de personnes de plus de 60 ans. Pour beaucoup, nous sommes la seule voix entendue dans la semaine », déplore Marie-Pierre Lobrogère, vice-présidente de SOS amitié.
« Le sujet du suicide des personnes âgées (…) doit nous mobiliser tous. »L’association Recherche et rencontres de Nantes propose des actions d’entraide mutuelle, de lutte contre l’isolement, de prévention du suicide et de soutien à l’entourage des personnes décédées. « Notre objectif est d’amener les gens vers la parole, le dessin, la peinture, l’écriture… pour qu’ils expriment ce qui ne va pas », explique Nathalie Gourde, membre de l’association. « Nous voulons permettre à chacun de reconnaître ce qui lui apporte du mieux, ce qui n’est pas forcément évident avec cette génération pour qui prendre soin de soi est vu comme quelque chose d’égoïste. » La MSA Loire-Atlantique – Vendée, quant à elle, expérimente actuellement l’outil de prévention « Autrement dit » (voir témoignage), avec l’ambition de le diffuser plus largement sur d’autres territoires.
Des initiatives variées et des acteurs qui mettent un point d’honneur à nourrir une réflexion collective pour mutualiser les moyens. « Le sujet du suicide des personnes âgées est transversal. Il doit nous mobiliser tous : acteurs sanitaires, sociaux, associations de bénévoles, bref tous ceux qui connaissent bien le public concerné et qui ont une action prévenante envers lui sur le territoire, souligne Christophe Duvaux, directeur adjoint de l’ARS Pays de la Loire. Cela permet d’avoir une vision globale et de repérer des signaux qui permettent de détecter des situations à risque suicidaire. Nous devons réfléchir à comment mettre en commun, sur le principe de l’intersectorialité, tous les outils dont nous disposons pour construire une réponse logique et pertinente au problème du suicide. »