Rapport d’activité 2013 Contrôleur général des lieux de privation de liberté
Dossier de presse du 11 mars 2014
Extraits "La prévention du suicide : des efforts mal récompensés
Le cas des personnes détenues présentant des risques suicidaires est examiné avec sérieux au sein des
commissions pluridisciplinaires uniques (CPU)17. Parfois, les personnels médicaux ou soignants ne
participent pas à ces instances, en raison du respect du secret médical. Le regard croisé des professionnels
doit en tout état de cause être assuré pour permettre une meilleure connaissance des personnes détenues
et ainsi la prévention de l’acte suicidaire.
Au cours des contrôles de nuit, les agents pénitentiaires exercent avec conscience la surveillance des
personnes signalées comme fragiles. Certaines personnes se plaignent du trouble apporté à leur sommeil.
L’installation dans la cellule d’une caméra, parfois suggérée, serait un remède pire que le mal, incompatible
avec le respect de l’intimité
Les efforts fournis par l’administration pénitentiaire et ses partenaires n’ont pu empêcher le maintien à un
taux élevé, des personnes qui mettent fin à leur jour au sein des établissements18. La procédure d’accueil
des arrivants a limité les actes suicidaires pendant la période des premiers jours carcéraux mais ceux-ci
perdurent ensuite.
Face à cet échec et aux drames humains qu’il représente, l’administration pénitentiaire doit
s’interroger en profondeur. Et en premier lieu, sur les causes des suicides des personnes
détenues, celles qui relèvent de la personne elle-même, mais aussi celles qui sont liés à l’état
actuel des prisons.
La surpopulation carcérale, l’insécurité régnant au sein des lieux collectifs, la raréfaction de la présence des
personnels dans les étages et les coursives, l’inactivité des personnes détenues et leur absence d’expression
possible sont des facteurs qui contribuent à l’émergence d’une souffrance telle que l’acte suicidaire
apparait comme la seule issue possible.
18 - Il convient de rappeler que le taux de suicide de la population générale en France est aussi une des plus élevés de l’Union européenne : en
2010, 14,7 pour 100 000 habitants contre 9,9 en Allemagne, 6,4 au Royaume-Uni, 5,8 en Espagne (source : INSEE).
Le Contrôleur général recommande qu’un questionnement approfondi sur les causes des suicides en détention soit mené par la direction de l’administration pénitentiaire.
http://www.cglpl.fr
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/144000221/0000.pdf
ou sur http://fcuni.canalblog.com/archives/2014/04/21/29708651.html
"La formation des personnels de surveillance, principalement axée sur la
sécurité, ne les prépare aucunement à la confrontation à la maladie
mentale. Seule la prévention du suicide fait l’objet d’un enseignement
sous la forme du repérage de la crise suicidaire ; mais si la
convergence des efforts est assurée dans ce sens, les questions de
prises en charge des personnes dépressives ne sont pas abordées. Plus
globalement, la formation des personnels de surveillance les arme mal
pour comprendre la maladie mentale et mettre en oeuvre des modalités de
fonctionnement adaptées 1 à la pathologie. Souvent, ils ont pour seules
ressources leurs initiatives, parfois riches mais qui demanderaient à
être édifiées et interrogées, en tant que pratiques professionnelles.
Dans
les CEF du secteur associatif habilité visités par les contrôleurs, les
équipes sont composées, au mieux, de moniteurs éducateurs ou
d’éducateurs sportifs dont la qualification insuffisante ne garantit en
aucun cas leur capacité à identifier un trouble mental – ou, le plus
souvent, d’éducateurs non qualifiés « faisant fonction », encore moins à
même d’effectuer ce repérage.
Au sein des CRA, les contrôleurs ont
constaté l’absence totale de préparation des fonctionnaires de police à
la confrontation avec des personnes affectées de troubles mentaux,
confrontation rendue encore plus complexe du fait des problèmes de
langues et des différences culturelles. Dans un CRA de la région
parisienne, les contrôleurs ont reçu le témoignage de soignants
signalant l’intérêt qu’aurait une formation sur les cultures et les
civilisations. En outre, au regard de la tension vécue par les étrangers
dont la rétention signe l’échec d’un projet d’installation en France,
on peut déplorer que l’administration n’ait pas mis en place des actions
de sensibilisation à la prévention du suicide."