Le bonheur est-il vraiment dans le pré ?
Publié le 09/12/2013 sur http://www.jim.fr/medecin/21_psy/e-docs/00/02/2C/8D/document_actu_med.phtml
Contrairement au titre du célèbre film d’Étienne Chatiliez (d’après un poème de Paul Fort), le bonheur n’est pas toujours dans le pré ! Et en Australie comme ailleurs, le taux de suicides est plus élevé dans les campagnes que dans les villes. Conduite dans ce pays d’après les données de l’enquête ARMHS (Australian Rural Mental Health Study), une étude longitudinale a porté sur plus de 2 000 participants dans l’intention d’analyser « l’association à long terme entre des idées suicidaires et certains facteurs sociologiques et psychologiques. »
Lors des suivis à 1 an et à 3 ans après le début de l’enquête, 8,1 % des participants rapportent des idées suicidaires, au moins lors d’une des phases de cette étude ; 76 % des personnes évoquant de telles idées suicidaires le font « de façon intermittente, plutôt que continue. » Ces idées de suicide sont associées de manière significative à une « détresse psychologique plus élevée » (Odds Ratio : 1,30 ; intervalle de confiance à 95 % [1,23–1,37] ; p<0,001) ou à un contexte « névrotique », traduction approximative du terme anglais neuroticism, instabilité émotionnelle (OR : 1,15 ; IC=95 % [1,04–1,27] p=0,005). À l’inverse, les idées suicidaires déclinent logiquement de façon significative (OR : 0,80 ; IC 95 % [0,69–0,92] ; p=0,002) en cas de « meilleure disponibilité d’un soutien » venant de l’environnement social. On observe du reste une « plus forte incidence » de cette aide extérieure chez les sujets rencontrant une détresse psychologique plus marquée. Sans surprise également, le fait de ne pas vivre seul constitue un facteur de protection contre le risque d’idées suicidaires : 76 % des participants sont « mariés ou engagés dans une relation de couple », avec un taux d’idées suicidaires « environ quatre fois moins élevé » que les sujets vivant seuls.
Pour réduire la prévalence des idées suicidaires en milieu rural, les auteurs estiment donc nécessaire d’encourager la recherche d’un soutien, notamment chez les personnes se trouvant le plus en détresse psychologique, isolées du point de vue social et familial, et/ou en difficulté professionnelle (travail instable, chômage).
Dr Alain Cohen
Handley TE et coll.: Longitudinal course and predictors of suicidal ideation in a rural community sample. Aust N Z J Psychiatry, 2013; 47 : 1032–1040.