mardi 17 décembre 2013

GUYANE MOBILISATION D'UNE ASSOCIATION DE PREVENTION DU SUICIDE

Le “faible engagement de l’Etat et des collectivités” met en péril la prévention suicide sur le Haut Maroni



L’association Ader qui se dit lâchée par « l’État et les collectivités » annonce l’éventuelle disparition de son programme de prévention du suicide à Maripa-Soula. La situation financière délicate que rencontre pour son exercice en cours l’association compromettrait ses missions, alors que les suicides et tentatives sur le fleuve continuent de meurtrir les habitants.

C’est un courrier aux airs de dernier recours qu’a fait parvenir lundi l’association Ader, à ses « partenaires opérationnels et sympathisants » ainsi qu’à ses « partenaires financiers (ou tout du moins ceux qui devraient l’être) ».
Ader, est l’un des (trop) rares acteurs de terrain à s’investir pour la prévention du suicide sur le Haut Maroni. Fin novembre, un nouveau suicide survenu à Trois Sauts venait alourdir la situation et mettait à nouveau à jour un « phénomène [qui] s’est accéléré depuis les années 2000 » selon Ader. « 44 suicides [ont été recensés par l’association] depuis les années 80 sur le Haut Maroni, 12 suicides depuis 4 ans soit une moyenne de 3/an pour une population de 1200 habitants. 35 tentatives de suicides en 2012 et 2013 ».
3 suicides par an
Ramenés à la moyenne métropolitaine de 16,5 suicides en 2010 pour 100 000 habitants (Sources du ministère de la Santé), les chiffres du Haut Maroni explosent avec un indicateur de 250, soit 15 fois la moyenne hexagonale. La comparaison est à prendre avec prudence, elle montre cependant que le phénomène s’est drapé depuis longtemps de l’effroi. En matière de santé publique, c’est un devoir pour les instances dirigeantes de la République que d’infléchir cette situation.
A ce drame social, s’ajouterait donc désormais la crainte de voir disparaître les missions de l’association, suite à un « bilan financier pour l’exercice 2013 (…) déficitaire (…) du fait du désengagement du Conseil Général et de la Région Guyane » dénonce Élodie Berger, la présidente de l’association.
En 2011, lorsqu’une vague de suicides frappait les habitants des fleuves frontières et agitait la sphère médiatique, les figures politiques n’avaient pas tardé à s’émouvoir, surenchérir sur ce phénomène social depuis trop longtemps maintenu sous couvert. Mais qu’y a-t-il derrière les discours ? Le « faible engagement financier des différents acteurs concernés » estime Ader « en particulier les représentants de l’État et les collectivités ».
Aucune subvention en 2012 et 2013 par les deux collectivités selon Ader

Interrogés, ces derniers, piqués au vif, démentent. « Pour l’année 2013 le conseil général [a accordé] 5 000 euros sur les 10 000 euros réclamés répond le service com’. Pour 2014, il faut que la commission passe pour donner une réponse. La commission se tiendra en mars [sic !]. Il faut attendre, il n’y a pas de désengagement du conseil général ». [Le Conseil général n’a pas été en mesure de nous communiquer le montant d’une éventuelle subvention attribuée à l’association en 2012].
Le Conseil régional n’a pas donné suite à notre demande.
Mais pour l’association, il s’agit bien d’un « désengagement du CG [conseil général] et CR [conseil régional] en 2012 et 2013, 0 € versé à Ader sur le programme de prévention du suicide malgré les bonnes intentions énoncées dans les médias à chaque suicide ».
Difficile succès du plan préfectoral
Du côté des services de l’État, à l’inverse des deux collectivités, les subventions ont été accordées en 2012 et 2013. L’association aurait reçu de l’Agence régionale de santé « 30 000 euros » par an en 2011 et 2013, « 45 000 euros en 2012 » selon le sous-préfet Benoît Vidon. « L’association est très subventionnée par l’argent public » selon ce dernier. Pour 2013, les aides étatiques cumulées atteignent « 70 000 euros ». « J’interprète [les reproches d’Ader] comme une demande de plus d’engagement, pour aller plus loin et effectivement les montants ne sont pas allés plus loin, c’est une association utile ».
En 2011, les services de l’État brandissaient « 10 propositions de mesures urgentes en faveur de la communauté amérindienne ». Un plan qui coïncidait avec la prise de fonction du sous-préfet chargé des communes de l’intérieur, Benoît Vidon (Guyaweb du 21/01/11).
« Concernant la préfecture, nous avons demandé à plusieurs reprises une évaluation de ce fameux plan sans succès. Ça a été un effet d’annonce suite au suicide survenu dans la cellule de dégrisement à Camopi mais qui n’a pas entraîné un véritable changement de politique. Par exemple, il faudrait certainement relancer le Copil initié par la préfecture qui ne s’est réunit que deux fois depuis 2011 [plus d’une fois par an selon la préfecture] » commente Rozenn Le Pabic, directrice d’Ader.
Évoquant les propositions « d’urgence » faites en 2011, Benoît Vidon le reconnaît, « on peut difficilement dire que c’est un succès, mais il y a toujours une réflexion. Il y a des dispositifs dont on a vu plus ou moins l’utilité, qui n’ont pas été concrétisés ou qui ont évolué ».
Ader vient d’annoncer que « l’animateur (en service civique pendant des mois, jusqu’à l’arrêt soudain du financement de son service/poste) » ne sera pas recruté. « Le deuxième poste de médiateur dont le contrat arrivait à échéance le 31 octobre dernier » est quant à lui non reconduit. « Il est impératif de recruter un nouveau médiateur le 1er janvier 2014 afin de soulager la médiatrice qui porte actuellement la souffrance de nombreux habitants sur un territoire extrêmement vaste » s’alarme l’association.

***

LE COMMUNIQUE D'ADER


Mesdames et Messieurs,
Veuillez trouver ci joint un courrier relatif aux difficultés que nous rencontrons sur notre programme de prévention du suicide à Maripasoula. Un courrier sensiblement identique à déjà été envoyé aux partenaires financiers.
Lire le courrier ici :
  Courrier_ADER_partenaires_et_sympathisants_dec_13.pdf (126,9 Ko, 17 hits)
Depuis la mise en place de notre programme communautaire de prévention du suicide en 2009, nous ne cessons de constater le faible engagement financier des différents acteurs concernés, en particulier les représentants de l’État et les collectivités. Fin 2013, la situation est particulièrement alarmante du fait du désengagement du Conseil Général et de la Région Guyane. Le bilan financier d’ADER pour l’exercice 2013 sera de fait déficitaire.
Cette situation nous a conduits à ne pas recruter l’animateur (en service civique pendant des mois, jusqu’à l’arrêt soudain du financement de son service/poste) et à ne pas reconduire le deuxième poste de médiateur dont le contrat arrivait à échéance le 31 octobre dernier. L’équipe salariée actuelle est composée d’une médiatrice et d’une coordinatrice, basées à Maripasoula et d’une directrice (0,4 ETP), basée sur l’Ile-de-Cayenne. Il est impératif de recruter un nouveau médiateur le 1er janvier 2014 afin de soulager la médiatrice qui porte actuellement la souffrance de nombreux habitants sur un territoire extrêmement vaste.

L’association est de plus en plus sollicitée car elle constitue, par son ancrage local, une véritable porte d’entrée pour les habitants des villages du Haut Maroni ce dont nous nous réjouissons mais nous ne pouvons pas assurer ces missions de service public sans suffisamment de moyens dédiés et surtout sans le concours des partenaires, notamment celui des représentants des différents ministères et des collectivités.
Face à l’ensemble de ces constats, nous vous informons que nous ne sommes plus en mesure d’assurer les missions qui nous sont habituellement confiées faute de financement. Les deux missions dans les villages programmées en décembre, la réunion sentinelles du 20 décembre, le suivi régulier des personnes en souffrance psychique sont interrompus jusqu’à ce que nous ayons une visibilité sur les possibilités de financement de nos actions. Nous vous tiendrons informés des suites données à cette décision, que nous sommes contraints de prendre.
Nous espérons vivement que les principaux partenaires financiers réagiront dans les meilleurs délais et apporteront leur soutien financier afin que les activités reprennent dans les meilleurs délais. Pour ce faire, votre soutien moral nous est essentiel. Nous espérons donc pouvoir compter sur vos contributions (ex : courriers, signatures… -voir document joint) qui permettront de montrer aux pouvoirs publics que nos activités ont un sens pour vous et que leur poursuite vous semble nécessaire.

Nous vous prions de recevoir, Mesdames et Messieurs les partenaires et sympathisants d’ADER, nos sincères salutations.

Votre soutien est indispensable pour nous permettre d’engager des négociations et de faire valoir la pertinence et l’utilité de ce programme. Vous pouvez nous envoyer un mail, écrire un courrier, signer la pétition (page 2) ou envoyer le logo de votre structure le cas échéant. Nous vous remercions par avance pour vos marques de soutien et vous tiendrons informés des suites données à cette mobilisation.
Très cordialement
PO La Présidente
Contact :
Rozenn LE PABIC
Directrice d’ADER
7 lotissement Mordicé 2
Route de Montabo
97300 CAYENNE
0694 41 52 53