Prisons : le silence et la mort
Comme
chaque année depuis cinq ans, un collectif d’associations dont fait
partie le Secours Catholique s’est mobilisé pour honorer la mémoire de
ces détenus morts derrière les barreaux, loin de l’affection des leurs.
- © Jean-François Joly/Secours Catholique
« Il ne s’agit que des décès recensés par les associations, les médias et les familles », précise le porte-parole du collectif d’associations qui organise chaque année depuis cinq ans ce type de rassemblement.
Depuis la création du collectif, il y a cinq ans, la situation ne s’arrange guère. La population carcérale est toujours en augmentation, les moyens humains sont toujours en baisse... et c’est toujours le détenu qui fait les frais de cette impossible équation. Le taux de suicide derrière les barreaux en France est deux fois supérieur à la moyenne européenne.
Rendre leur dignité à ces personnes mortes seules, manifester un soutien aux familles endeuillées par le départ prématuré d’un père, d’une mère ou d’un enfant : voilà l’objectif de cette commémoration annuelle, à laquelle participe le Secours Catholique précisément au nom de la dignité de la personne humaine. Les responsables du département Prison-Justice du Secours Catholique, Jean Caël et Paul Charvet, ainsi que l’aumônier général, le P. Dominique Fontaine étaient ainsi présents place du Palais-Royal, devant le Conseil d’État à Paris.
Dans l’assistance également, la sénatrice verte Aline Archimbaud, auteur d’un rapport sur l’accès aux soins des plus démunis, ainsi que Stéphane Cazes, le réalisateur du film Ombline, qui raconte le combat d’une prisonnière pour garder son bébé auprès d’elle au-delà des dix-huit mois prévus par la loi.
Silence
C’est du silence assourdissant qui entoure la mort en prison qu’est
venue témoigner, dans un texte puissant, Anne Lécu, religieuse et
médecin en milieu pénitentiaire : « Mourir en prison c’est d’abord un
silence, un grand silence qui recouvre le bruit, le silence de tous les
autres, enfermés, vivants. Un silence qui écoute de toutes ses
oreilles, un silence éveillé, désolé, rempli de colère et de malheur, un
silence d’effroi (...) Pour le soignant, la fatigue, l’angoisse d’avoir
mal fait, la grande fatigue de l’échec, de notre insuffisance
collective (...). Mourir en prison, c’est du malheur ajouté au malheur.
N’en rajoutons pas plus encore par le silence de l’oubli et le bruit du
bavardage. »Écoutez ce témoignage :
Karim Mokhtari, ancien détenu et fondateur du site d’information sur les prisons Carceropolis, s’est lui adressé, dans un témoignage très personnel, aux familles, au personnel pénitentiaire mais aussi aux détenus eux-mêmes pour « leur dire que leur vie, leur être ne se réduit pas à leur seule faute. Leur dire qu’ils ont le choix, qu’ils doivent être acteur de leur vie et de sa reconstruction. Leur dire que la culpabilité qu’ils ressentent ne doit pas être source de désespoir mais un motif pour se forger un nouvel avenir (...). Leur dire qu’ils ne sont pas seuls, pas si seuls que cela, pas seuls pour toujours ». Celui qui, souvent, a lui-même eu envie de céder au dernier renoncement a souligné l’importance d’une présence discrète et bienveillante.
Cette présence, les bénévoles du Secours Catholique l’offrent partout en France. Chaque délégation - ou presque - a son "équipe prison". Les actions sont diverses, de la préparation de la sortie de prison à l’accompagnement des femmes notamment pendant leur maternité, en passant par la confection et la distribution de colis de Noël.
Au-delà de ce type d’actions, et alors que débutent aujourd’hui les Journées Nationales Prison consacrées cette année à la santé, les associations continuent de demander le placement en cellules individuelles pour faire baisser la violence et la désespérance.
Elles soulignent la nécessité d’une prise en charge hospitalière des malades mentaux et celle d’un meilleur suivi des autres malades. Selon les chiffres du ministère de la Santé, 35 à 42 % des détenus souffrent d’une maladie mentale, et selon une étude récente 80 % d’entre eux présenteraient au moins un trouble psychiatrique.
Marina Bellot