Un dispositif unique en France pour prévenir les suicides
Le Progrès (Lyon)
Edition de Villefranche - Tarare
Actu | près de chez vous, lundi 21 novembre 2022 638 mots, p. VILL23
Frédéric BOUDOURESQUE
Le 19 novembre était la Journée internationale des endeuillés par suicide. Un sujet encore largement tabou en France où le nombre de suicides baisse lentement depuis une trentaine d’années. Pour celui des personnes âgées, souvent ignoré, l’association Ain’Appui a un dispositif unique en France.
On estime qu’environ 9 000 personnes se suicident chaque année en France, un chiffre en lente diminution depuis une trentaine d’années. Les gestes suicidaires ou tentatives de suicide , eux, sont quinze fois plus importants que les suicides, et touchent surtout les plus jeunes.
Un sujet encore tabou en France, même si, ces dernières années, il est mieux pris en compte avec la création du numéro d’appel 3114 de prévention du suicide ou du dispositif VigilanS , un dispositif de recontact téléphonique destiné à rappeler les personnes ayant fait une tentative de suicide.
« Dans la tranche des 15-24 ans, le nombre de tentatives de suicide (TS) est bien plus important que pour les tranches plus âgées, rappelle Olivier Molé, le directeur de l’association Ain’Appui, basée à Bourg-en-Bresse. Heureusement, chez les jeunes, le suicide n’aboutit que dans une tentative sur deux cents ou trois cents. »
Il en va autrement du suicide chez les plus âgées, sujet souvent largement ignoré. « Pour trois TS chez une femme de + 65 ans, un passage à l’acte aboutit, et même un sur deux pour les hommes. » Cette catégorie d’âge représente ainsi près d’un tiers des suicides.
« Il y a souvent une idée dans la population que les vieux ont le droit de choisir leur fin de vie, qu’on ne peut rien faire. Alors que ce n’est pas un choix, c’est souvent la seule solution pour sortir de leur souffrance morale. »
L’action d’Ain’Appui est couronnée de succès
Fort de constat, Ain’Appui, qui a fusionné trois associations, a mis en place depuis une vingtaine d’années un dispositif unique en France pour les seniors. Un véritable maillage du territoire aindinois avec les médecins, les infirmiers, les Ehpad et les aides à domicile pour repérer les personnes à risque de suicide et les aider.
« Certains seniors envoient parfois des messages inquiétants en disant que sans eux, ce serait plus facile pour tout le monde. D’autres deviennent agressifs ou font le vide autour d’eux. Ce sont des signaux d’alerte », explique la psychologue Nathalie Garnodier.
« Grâce à ce réseau, les seniors en détresse sont orientés vers nous. Nous abordons le sujet sans tabou, ce qui rassure les gens. Et nous faisons aussi des formations pour ceux qui interviennent auprès des seniors », rappelle sa consœur Norra Ben Hassine.
L’association pratique également la « postvention », un travail parfois collectif, « car on estime qu’en moyenne 135 personnes sont impactées par une tentative de suicide et il y a un risque de contagion ».
« Le sujet du suicide est encore tabou culturellement, estime Olivier Molé, et encore plus pour les seniors. Certains suicides ne sont d’ailleurs pas déclarés comme tel. Le geste suicidaire d’une personne âgée est souvent banalisé et invisibilisé. On dit qu’il y a eu une prise de médicament excessive ou une chute. »
L’action d’Ain’Appui est couronnée de succès puisque, sur les 195 personnes suivies l’an passé, aucun suicide n’a été constaté, et un seul les deux années précédentes. Ce qui a d’ailleurs valu à l’association le « Prix de l’accompagnement du patient » aux Trophées de la Journée de la santé organisée par Le Progrès à Lyon.
3114 , le numéro national de prévention du suicide. Ain’Appui : 04 74 22 11 11.
Illustration(s) :
Les psychologues d’Ain’Appui, Nathalie Garnodier et Dorra Ben Hassine, en compagnie du directeur de l’association, Olivier Molé. Photo Progrès /Frédéric BOUDOURESQUE.
https://www.leprogres.fr/sante/2022/11/18/ain-appui-un-dispositif-unique-pour-prevenir-les-suicides