Saint-Nazaire. Pour les marins stressés, un numéro d’urgence de la psy
Recueilli par Matthieu MARIN.
Ouest-France (site web)
Pays de Loire, dimanche 9 août 2020 619 mots
En pleine mer, accidents ou autres événements causent régulièrement des chocs post-traumatiques. À l’hôpital de Saint-Nazaire, un centre d’aide psychologique a été créé.
Entretien avec Camille Jego, la directrice du centre ressource d’aide psychologique en mer, ouvert à l’hôpital de Saint-Nazaire en début d’année.
En mer, l’isolement peut causer des dégâts psychologiques ?
Pendant le confinement, nous avons reçu une dizaine d’appels. Le point commun était toujours celui-ci : l’isolement. On pourrait penser que les marins ont l’habitude d’être confinés. Mais là, qui se souciait d’eux ? Les équipages étaient interdits de débarquer dans la plupart des ports à cause de la pandémie et beaucoup le sont encore. Le temps passé en mer a souvent doublé, voire plus. Comment vivre aussi longtemps éloigné de sa famille alors que ce n’était pas prévu ? Pendant ce temps, à terre, la vie continue ! Les enfants, les joies et les peines, etc. Certains, par exemple, ont appris en mer que leurs proches étaient malades, voire décédés, sans rien pouvoir faire…
Quel est votre rôle dans ces cas-là ?
Une prise en charge psychologique à distance. Par téléphone, comme nous l’avons d’ailleurs fait pour tous nos patients de l’hôpital de Saint-Nazaire pendant le confinement. Évaluer l’état de stress de la personne, le risque suicidaire, et tenter de lui venir en aide. Une écoute, c’est déjà beaucoup : cela en a soulagé beaucoup qui se sentaient complètement isolés et démunis.
Qu’est le centre de ressource d’aide psychologique en mer ?
Il s’agit de proposer une aide psychologique aux marins en mer. Lorsqu’un événement survient, un accident, voire un décès, c’est déjà traumatisant. Les marins doivent apporter eux-mêmes les premiers secours au blessé. Mais en plus, la période que l’on appelle « temps de la dissociation traumatique » est plus longue. Il s’agit de ce temps pendant lequel on se met, inconsciemment ou non, en recul de la situation pour pouvoir agir, avant d’y repenser plus tard. Il y a souvent un long délai avant de revenir à terre, d’être pris en charge, de rapatrier un blessé ou une personne décédé, avec des questions très complexes sur le plan juridique, parfois le problème de la conservation du corps ; etc.
Pourquoi avoir créé ce centre ?
Au cours d’une formation sur les psycho-traumatismes, j’ai réalisé une étude dans le milieu des gens de mer. Sur 114 questionnaires remplis, il s’est avéré que 20 % des marins étaient en état de stress post-traumatique, contre à 1 à 2 % en moyenne dans la population générale. J’ai donc présenté un projet à l’hôpital et nous avons obtenu des financements de l’agence régionale de santé pour créer un poste à mi-temps et gérer ce centre à partir de février dernier. Le confinement est arrivé juste après.
Quel est l’objectif à l’avenir ?
À terme, de fonctionner sur le modèle des cellules d’urgence médico-psychiatriques, qui vont sur les attentats ou catastrophes naturelles. Former les médecins de ces cellules pour qu’ils interviennent aussi dans le milieu maritime, en première urgence lors du retour d’un marin, par exemple. Actuellement, il s’agit d’un numéro de téléphone, mis à disposition des marins français partout dans le monde, ou étrangers en zone française. Je suis en relation avec le centre de consultation médicale maritime, à Toulouse, qui gère le secours d’urgence en mer et s’occupe de faire savoir qu’il y a désormais cette possibilité d’aide psychologique.
INFO + CRAPEM : Centre Ressource d’Aide Psychologique en Mer 02.72.27.84.82 c.jego@ch-saintnazaire.fr
Source https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/Informations%20concernant%20le%20Centre%20ressource%20d%27aide%20psychologique%20en%20mer.pdf