Suicide d’agriculteurs : un rapport mi-septembre, les premières pistes
Après six mois de mission, le député Olivier Damaisin s’apprête à rendre au Premier ministre son rapport sur le suicide et le mal-être des agriculteurs. Il préconise notamment d’instaurer des référents locaux, d’impliquer davantage les vétérinaires et de mieux communiquer sur le dispositif Agri’écoute.
Dernière ligne droite pour le député Olivier Damaisin (LaREM, Lot-et-Garonne) qui a finalisé, le 20 août, la mission sur le mal-être et le suicide des agriculteurs lancée en mars. « Mon rapport sera remis officiellement au Premier ministre courant septembre », confiait-il à Agra Presse le 31 juillet. Après avoir interrogé une vingtaine d’acteurs (syndicats, banques, assurances, associations, institutions vétérinaires et comptables, agriculteurs et familles d’agriculteurs) essentiellement en visioconférence du fait du confinement, et effectué trois visites de terrain en Saône-et-Loire, Ille-et-Vilaine et Lot-et-Garonne, émerge un premier constat qui devrait largement orienter le rapport.
« Il faut vraiment que le côté humain soit remis en place », affirme Olivier Damaisin. « Tout ce qui est administratif, on le fait de mieux en mieux. Les banques aident le plus qu’elles peuvent, la MSA aussi. Tout ce qui est matériel est relativement bien fait mais tout le côté humain est complètement absent. »
L’humain, la clef
La première piste de réflexion qu’il propose est d’avoir, dans chaque département, « un référent ou un service dédié au sein de la préfecture, de la MSA ou de la chambre d’agriculture » qui accompagne et oriente les agriculteurs en difficulté vers les dispositifs de soutien existants, lesquels sont nombreux mais pas connectés et souvent méconnus, explique-t-il. « Il faut qu’il y ait vraiment quelqu’un de référencé et que chaque maire de village sache que c’est cette personne qu’il faut appeler si un de ses concitoyens ne va pas bien. »
Ce référent pourrait par exemple orienter un exploitant en difficulté économique vers une procédure de sauvegarde judiciaire, ou le mettre en relation avec l’association d’aide psychologique aux entrepreneurs en souffrance (APESA) qui propose un accompagnement au tribunal de commerce. « Là où tout le monde insiste, c’est qu’il faut que ce soit l’agriculteur qui fasse les démarches […], qu’il demeure le décideur de son avenir », souligne le député.
Impliquer les vétérinaires
Durant sa mission, Olivier Damaisin a échangé avec le Conseil national des vétérinaires et le Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral. Car, explique-t-il, le vétérinaire est souvent la seule personne que côtoient régulièrement un certain nombre d’éleveurs, et étant en mesure de détecter une situation de mal-être. « Ils ont dit qu’il faudrait davantage les impliquer dans les tables rondes [ndlr. qui réunissent l’agriculteur en difficulté économique et ses partenaires (banque, MSA, coop…)] car ils peuvent vraiment être les premiers lanceurs d’alerte. »
D’autre part, les experts-comptables ont une « une responsabilité » dans la manière d’annoncer les mauvaises nouvelles, ajoute le député. « Quand le bilan est bon, on peut l’envoyer par email. Mais quand il n’est pas bon, il ne faut pas faire la même chose », assure-t-il, citant le témoignage d’un éleveur qui lui a confié prendre du retard sur son courrier par « trouille » de la boîte aux lettres.
Mieux « vendre » Agri’écoute
Par ailleurs, Olivier Damaisin estime qu’il faut mieux communiquer sur le dispositif de soutien psychologique Agri’écoute de la MSA car « beaucoup d’agriculteurs n’osent pas prendre leur téléphone pour confirer leurs problèmes à une institution à laquelle ils doivent de l’argent », assure-t-il. « Le comble, c’est que j’ai appris récemment que c’est une structure complètement indépendante que la MSA finance, mais que ça n’a rien à voir avec la MSA. Et ça, si vous voulez mon avis, ce n’est pas assez bien vendu. »
Interrogée à ce sujet le 24 août, la Caisse centrale de la MSA (CCMSA) a indiqué que le service d’écoute est réalisé par l’entreprise privée Psya, spécialiste de la santé psychologique au travail (ndlr. qui a fusionné avec Stimulus en avril pour conformer le groupe leader européen Human & Work). « Nous avons plus de vingt psychologues cliniciens derrière Agri’écoute », confirme le prestataire de service assurant que les informations recueillies sont anonymisées.
L’aide au répit
En dernier lieu, il faut rendre plus accessible l’aide au répit aux agriculteurs en surtravail ou surmenage, conclut le député. « C’est clairement une histoire de financement pour le coup : quelqu’un qui est en difficulté financière ne peut pas payer quelqu’un qui le remplace donc elle ne prend pas de repos. »
En 2018, plus de quatre mille deux cents personnes (salariés et non salariés) ont bénéficié du dispositif d’aide au répit pour un montant total de 2,7 millions d’euros, selon la MSA. Ce dispositif se décline sous forme d’aide au départ en vacances ou d’accès aux loisir, d’accompagnement au répit ou d’action de prévention. Ceux qui sollicitent cette aide pour la première fois peuvent également bénéficier d’une aide au remplacement pour une durée de un à dix jours, précise la MSA.
LM