Suicides et travail: un débat biaisé
Il est toujours hasardeux d'attribuer un suicide
à une organisation de travail. Les origines d'un tel geste sont souvent
multiples, avec des facteurs d'ordre professionnel et privé. C'est
pourquoi je ne commente pas aujourd'hui, le suicide, lundi 8 septembre, d'un salarié de Renault, au Plessis-Robinson, en l'absence d'informations précises.
Le nombre de suicides fait l’objet d’une macabre bataille de chiffres entre les partisans de l’adaptation de l’entreprise aux impératifs du marché et les syndicats. Le suicide, acte ultime de la manifestation du désespoir, est une donnée emblématique reprise par les médias pour traiter ce sujet douloureux. Pour l’expert en stratégies managériales, Olivier Babeau, le suicide est vu sous la froide analyse statistique selon l’âge, le sexe, la catégorie socio-professionnelle, le secteur d’activité. De son analyse retenons que France Telecom, critiqué pour un changement d’organisation de travail mené au pas de charge, devrait connaître un taux de suicide théorique de 16,9 pour 100.000 à comparer en 2009 au chiffre réel, légèrement supérieur, qui est de 19 pour 100.000. Selon notre expert, la marge d’erreur statistique ne permet pas d’incriminer le travail comme facteur de suicide à France Telecom. Cette explication biaisée, penche du côté de l’employeur. Elle suggère implicitement que les arguments des syndicats et les commentaires de la presse reposent sur l’exposé exclusif du nombre de suicides. Il faut aller plus loin que cette explication rationnelle, reprise en coeur par les dirigeants et DRH de France Telecom, de La Poste et autres organisations incriminées. Un suicide sur le lieu de travail , justifié par un mail de l’employé comme ici, à La Poste ou une lettre d’un salarié du technocentre de Renault Guyancourt est une preuve majeure indiscutable du rôle mortifère d’une organisation ou environnement de travail, dont la pondération devrait dépasser un simple énoncé chiffré . Vouloir noyer cette évidence dans une froide statistique participe d’une entreprise de désinformation institutionnelle ou idéologique.
D’autres symptômes passés sous silence Les médias, globalement, ont tendance à n’envisager la souffrance au travail que sous le prisme du suicide ou des TS (tentatives de suicide), plus faciles à "vendre" aux lecteurs, auditeurs ou téléspectateurs. Il s’agit là d’une information percutante, facile à comprendre, mesurable. A ce sujet, j’ai pu vérifier lors d’une enquête que les syndicats SUD ou la CGT ne communiquent sur le lien entre un cas de suicide et le travail, qu’après avis du CHSCT (comité d’hygiène et de sécurité et conditions de travail). Ils éliminent ainsi objectivement des causes d’ordre privée. Les médias d’information responsables agissent de même. Pour rendre compte des réelles souffrances de dizaines de milliers de salariés face à des organisations de travail brutales dont ils sont la variable d’ajustement, il existe d’autres indicateurs qui rendent compte du mal-être au travail. Malheureusement, ils sont plus diffus et difficiles à caractériser que le suicide ou les TS, comme les dépressions et autres troubles psychiques. L’Institut national de veille sanitaire ( INVS) reconnait aujourd’hui que la conduite suicidaire est un processus multifactoriel dans lequel l’activité professionnelle pourrait jouer un rôle. Si le conditionnel est encore utilisé, l’INVS dresse néanmoins le tableau des professions les plus exposées dans son enquête Risque suicidaire et activité professionnelle . Cette étude repose sur les réponses d’un échantillon de 4128 salariés ayant répondu à un autoquestionnaire puis à un questionnaire proposé par un réseau de 80 médecins du travail dans le cadre de l’enquête Samotrace en Rhône-Alpes. Des secteurs d’activité comme la santé et l’action sociale, les transports et communications présentent des taux de prévalence élevés pour les tendances suicidaires. Cela démontre bien le rôle de certains environnements de travail sur la santé psychique. Certains résultats vont à contre-courant des idées reçues. Ainsi, le personnel de l’administration publique présente la plus forte proportion de personnes à risque suicidaire élevé. Notez que les entreprises de moins de 50 personnes ne font pas l’objet d’études détaillées à ce sujet alors que leurs personnels sont plus isolés face à des contraintes abusives de production. Au lieu de se lancer dans des ruptures organisationnelles de taille et réfléchir ensuite aux conséquences sur les salariés et fonctionnaires puis reculer sous la pression de la justice ( affaire BPCE Rhône-Alpes) et des médias, les entreprises devraient anticiper les dommages importants causés par des méthodes de travail brutales et inefficaces. Comment ? En questionnant sérieusement leurs personnels et ses représentants en lieu et place d’une écoute trop proche des actionnaires, selon des règles de marché toxiques.
Quelques organismes et institutions travaillant sur les RPS:
Le nombre de suicides fait l’objet d’une macabre bataille de chiffres entre les partisans de l’adaptation de l’entreprise aux impératifs du marché et les syndicats. Le suicide, acte ultime de la manifestation du désespoir, est une donnée emblématique reprise par les médias pour traiter ce sujet douloureux. Pour l’expert en stratégies managériales, Olivier Babeau, le suicide est vu sous la froide analyse statistique selon l’âge, le sexe, la catégorie socio-professionnelle, le secteur d’activité. De son analyse retenons que France Telecom, critiqué pour un changement d’organisation de travail mené au pas de charge, devrait connaître un taux de suicide théorique de 16,9 pour 100.000 à comparer en 2009 au chiffre réel, légèrement supérieur, qui est de 19 pour 100.000. Selon notre expert, la marge d’erreur statistique ne permet pas d’incriminer le travail comme facteur de suicide à France Telecom. Cette explication biaisée, penche du côté de l’employeur. Elle suggère implicitement que les arguments des syndicats et les commentaires de la presse reposent sur l’exposé exclusif du nombre de suicides. Il faut aller plus loin que cette explication rationnelle, reprise en coeur par les dirigeants et DRH de France Telecom, de La Poste et autres organisations incriminées. Un suicide sur le lieu de travail , justifié par un mail de l’employé comme ici, à La Poste ou une lettre d’un salarié du technocentre de Renault Guyancourt est une preuve majeure indiscutable du rôle mortifère d’une organisation ou environnement de travail, dont la pondération devrait dépasser un simple énoncé chiffré . Vouloir noyer cette évidence dans une froide statistique participe d’une entreprise de désinformation institutionnelle ou idéologique.
D’autres symptômes passés sous silence Les médias, globalement, ont tendance à n’envisager la souffrance au travail que sous le prisme du suicide ou des TS (tentatives de suicide), plus faciles à "vendre" aux lecteurs, auditeurs ou téléspectateurs. Il s’agit là d’une information percutante, facile à comprendre, mesurable. A ce sujet, j’ai pu vérifier lors d’une enquête que les syndicats SUD ou la CGT ne communiquent sur le lien entre un cas de suicide et le travail, qu’après avis du CHSCT (comité d’hygiène et de sécurité et conditions de travail). Ils éliminent ainsi objectivement des causes d’ordre privée. Les médias d’information responsables agissent de même. Pour rendre compte des réelles souffrances de dizaines de milliers de salariés face à des organisations de travail brutales dont ils sont la variable d’ajustement, il existe d’autres indicateurs qui rendent compte du mal-être au travail. Malheureusement, ils sont plus diffus et difficiles à caractériser que le suicide ou les TS, comme les dépressions et autres troubles psychiques. L’Institut national de veille sanitaire ( INVS) reconnait aujourd’hui que la conduite suicidaire est un processus multifactoriel dans lequel l’activité professionnelle pourrait jouer un rôle. Si le conditionnel est encore utilisé, l’INVS dresse néanmoins le tableau des professions les plus exposées dans son enquête Risque suicidaire et activité professionnelle . Cette étude repose sur les réponses d’un échantillon de 4128 salariés ayant répondu à un autoquestionnaire puis à un questionnaire proposé par un réseau de 80 médecins du travail dans le cadre de l’enquête Samotrace en Rhône-Alpes. Des secteurs d’activité comme la santé et l’action sociale, les transports et communications présentent des taux de prévalence élevés pour les tendances suicidaires. Cela démontre bien le rôle de certains environnements de travail sur la santé psychique. Certains résultats vont à contre-courant des idées reçues. Ainsi, le personnel de l’administration publique présente la plus forte proportion de personnes à risque suicidaire élevé. Notez que les entreprises de moins de 50 personnes ne font pas l’objet d’études détaillées à ce sujet alors que leurs personnels sont plus isolés face à des contraintes abusives de production. Au lieu de se lancer dans des ruptures organisationnelles de taille et réfléchir ensuite aux conséquences sur les salariés et fonctionnaires puis reculer sous la pression de la justice ( affaire BPCE Rhône-Alpes) et des médias, les entreprises devraient anticiper les dommages importants causés par des méthodes de travail brutales et inefficaces. Comment ? En questionnant sérieusement leurs personnels et ses représentants en lieu et place d’une écoute trop proche des actionnaires, selon des règles de marché toxiques.
Quelques organismes et institutions travaillant sur les RPS:
- INRS: l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles
- ANACT: Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail
- Communication d’Etat sur les RPS
- INVS Institut national de veille sanitaire
- Revue de presse sur ce sujet sur le site Souffrance au travail