Santé mentale : pour mieux suivre leurs patients, ces soignants en psychiatrie se déplacent à domicile
France Inter
Au Centre hospitalier du Vinatier, dans la périphérie lyonnaise, le déploiement de secours mobiles à domicile améliore le suivi des patients et permet de désamorcer de nouvelles crises psychiques ou suicidaires.
Chaque intervention débute de la même manière… un départ à deux, un médecin, un infirmier. "Là, on part retrouver une patiente de 25 ans", lance Chloé Bois, psychiatre au Vinatier, en démarrant sa voiture. Depuis quatre ans, tous les pôles adultes de l’établissement spécialisé en santé mentale se sont dotés d’une équipe mobile pluridisciplinaire : une dizaine d’infirmiers, plusieurs médecins, des psychologues et des ergothérapeutes. En tout, une vingtaine de soignants par équipe pour suivre plus d’une centaine de patients.
"Une nouvelle pièce du puzzle" au service des patients
"Les collègues psychiatres de l’hospitalisation sentent que c’est un petit peu fragile et donc nous, on va sécuriser ce moment un peu stratégique de la sortie d’hospitalisation pour éviter que les soins s’arrêtent d’un coup", détaille Chloé Bois, que France Inter a suivi à l'occasion d'une journée spéciale consacrée à la santé mentale. "Quand le patient passe par les urgences, là, c’est un peu différent. C’est qu’il y a soit un état de crise psychique, soit une crise suicidaire, soit une décompensation de maladie psychiatrique. À ce moment-là, l’enjeu pour nous, c’est d’offrir des soins à domicile pour éviter une ré-hospitalisation."
Une prévention ciblée, extrêmement bien rodée, du sur-mesure pour ces patients fragiles. "Avec la création de ces équipes mobiles, on a vraiment eu l’impression qu’il y avait une nouvelle pièce du puzzle qui était créée et que cela permettait d’aller chercher des personnes qu’on perdait de vue habituellement ou qui sortaient du système de soins", s’enthousiasme cette jeune psychiatre. "Ce sont par exemple des personnes qui avaient été hospitalisées et qu’on perdait ensuite ou qui arrêtaient totalement leur traitement."
Un suivi temporaire pour les patients les plus fragiles
Les malades sont reçus dans des locaux adaptés du CMP, centre médico-psychologique, du Vinatier ou directement à leur domicile. Mais entre les lapins posés par certains patients, les oublis de rendez-vous, ces soignants s’adaptent en permanence. "C’est le cas de notre patiente de ce matin", explique l’infirmière Anaïs Buffelard. "On devait la retrouver au CMP. Elle n’est pas venue. Je l’ai appelé, je lui ai proposé une visite à domicile. Et elle a accepté."
On retrouve l’équipe mobile au neuvième étage d’un immeuble de la banlieue lyonnaise. Une jeune femme de 25 ans leur ouvre la porte, elle avait déjà été hospitalisée il y a quelques mois, mais ses idées suicidaires ont persisté. Après la visite, la psychiatre et l’infirmière décident d’un accompagnement poussé : trois visites par semaine, des appels entre chaque passage plus un traitement à prendre. "J’ai comme l’impression qu’ils s’inquiètent presque plus que moi de ma propre vie", explique Daniela. "Je pensais que quand j’allais rentrer chez moi, tout allait s’arrêter, mais pas du tout, ils me suivent et ça me rassure énormément." Ce suivi a même permis de mieux comprendre les souffrances de cette jeune femme, exhumant des épisodes douloureux dans son passé.
Ce service renforce le lien et la confiance entre soignants et malades. "Les patients sont très souvent surpris, et dans le bon sens du terme de ce suivi", assure Pierre-François Godet, chef du pôle psychiatrie générale au Vinatier, en charge de ces équipes mobiles. "La plupart de nos patients sont souvent seuls. Et quand ils rentrent d’une hospitalisation, un moment toujours très dur, ça leur permet de voir qu’il existe encore un lien. C’est capital pour eux."