Présentation de la feuille de route pour la prévention du mal-être et l’accompagnement des agriculteurs en difficulté
23/11/2021
https://agriculture.gouv.fr/*
Xavier Remongin / agriculture.gouv.fr
Mardi 23 novembre 2021, Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé, Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, et Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État chargé des Retraites et de la Santé au travail, ont présenté la feuille de route pour la prévention du mal-être et l’accompagnement des agriculteurs en difficulté.
Cette feuille de route a été dévoilée en présence de Françoise Férat, sénatrice de la Marne, Henri Cabanel, sénateur de l’Hérault, Olivier Damaisin, député du Lot-et-Garonne, Josiane Voisin, ergonome, à l'origine du film « Et si on parlait travail ? », Franck Bethys, technicien à la coopérative Apis Diffusion, membre du réseau Agri Sentinelles et Édouard Bergeon, réalisateur qui a présenté un extrait de son documentaire « L’Amour vache » en ouverture de la table-ronde.
À télécharger
Dossier de presse - Feuille de route pour la prévention du mal-être et l’accompagnement des agriculteurs en difficulté (PDF, 1.7 Mo)
(Re)voir la présentation de la feuille de route pour la prévention du mal-être et l’accompagnement des agriculteurs en difficulté :
https://twitter.com/Agri_Gouv/status/1463088202525331465?s=20
*https://agriculture.gouv.fr/presentation-de-la-feuille-de-route-pour-la-prevention-du-mal-etre-et-laccompagnement-des
ARTICLES SUR LE SUJET
Suicides d’agriculteurs : le gouvernement lance une «mobilisation collective» pour lutter contre contre ce fléau
Par CNEWS avec AFP - Mis à jour le 23/11/2021 à 12:50 Publié le 23/11/2021 à 12:47
Selon les données les plus récentes de la sécurité sociale agricole (MSA), 529 suicides ont été dénombrés en 2016. [MEHDI FEDOUACH / AFP]
Face à la multiplication des suicides d’agriculteurs, le gouvernement lance ce mardi 23 novembre, une «mobilisation collective» pour tenter de réduire l’ampleur du phénomène et répondre à la détresse du monde paysan.
Une «feuille de route» gouvernementale doit être détaillée dans la journée, au ministère de l'Agriculture, par les ministres de la Santé, Olivier Véran, et de l'Agriculture, Julien Denormandie, ainsi que par le secrétaire d'État chargé des Retraites et de la Santé au travail, Laurent Pietraszewski.
«Il importe de lever les tabous sur la question du mal-être et d'en parler au sein de la société», a tenu à faire savoir, à la veille de la rencontre, Julien Denormandie dans une interview donnée à La Croix.
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Parmi les mesures attendues : la «création de comités de pilotage dans chaque département», courant 2022, afin de mieux coordonner la prévention localement
Ces comités réuniront «un très large panel d'acteurs», que cela soit des représentants de l'Etat, du monde agricole, des professionnels de santé ou bien des banques.
Un constat national alarmant
L'exécutif entend aussi structurer et former des réseaux de «sentinelles», des volontaires gravitant autour des agriculteurs «à même de détecter les situations de détresse». Il prévoit aussi de renforcer financièrement des dispositifs permettant de soulager les agriculteurs, notamment l'«aide au répit». Cette dernière finance le remplacement jusqu'à dix jours des exploitants en situation d'épuisement professionnel et le crédit d'impôt remplacement. Au total, l'enveloppe dédiée au mal-être agricole passera de 30 à 42 millions d'euros par an.
Selon les données les plus récentes de la sécurité sociale agricole (MSA), 529 suicides ont été dénombrés en 2016 parmi les 1,6 million d'assurés du régime agricole âgés d'au moins 15 ans (ayant-droits des exploitants et salariés agricoles inclus).
Chez les assurés de la MSA âgés de 15 à 64 ans, le risque de suicide était alors supérieur de 43,2% aux assurés de l'ensemble des régimes de sécurité sociale. Au-delà de 65 ans, le risque de suicide était deux fois plus élevé par rapport à la population de cette tranche d'âge.
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Mal-être agricole Le plan suicide suscite approbations ou regrets
24.11.21
La feuille de route du gouvernement pour prévenir le suicide des agriculteurs satisfait la FNSEA, les JA, la MSA et les chambres d’agriculture (photo d’illustration). © Cédric Faimali/GFA
Alors que les organisations professionnelles agricoles saluent les mesures annoncées par le gouvernement pour la prévention du mal-être et l’accompagnement des agriculteurs en difficulté, l’association Solidarité Paysans s’alarme du manque de réponses concrètes.
Dans un communiqué de presse conjoint du mardi 23 novembre 2021, la FNSEA, les Jeunes Agriculteurs (JA), la MSA et les chambres d’agriculture (APCA) « saluent la feuille de route pour la protection et l’accompagnement de la population agricole (salariés et non-salariés) en détresse ».
Présentée par le gouvernement, elle entend réorganiser les missions des acteurs sur le terrain et faire de la rémunération des agriculteurs un élément « central », affirme le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie.
Félicitations au gouvernement
Cette feuille de route portant sur le mal-être des agriculteurs et des salariés agricoles marque « la volonté partagée par la profession et les pouvoirs publics de tout faire pour réduire une surmortalité de 30 % par suicide au sein des populations agricoles », approuve le communiqué de presse.
Et pour cela, en plus de « créer les passerelles qui manquent entre les initiatives et les structures », ces mesures vont « aussi remettre en chantier ce qui ne marchait pas », telle que la simplification de l’aide à la relance de l’exploitation agricole (AREA). « Il faut que dans chaque ferme de France, les agriculteurs sachent où s’adresser en cas de besoin », poursuivent les auteurs.
La FNSEA, les JA, la MSA et l’APCA « saluent » également « le renforcement d’Agri’écoute et la pérennisation du financement de l’aide au répit également gérée par la MSA à hauteur de 5 millions d’euros par an ». Autant de projets qui donnent « de l’ampleur au travail réalisé par nos organisations et nos associations dans les territoires et les départements », se félicite les organisations.
« On doit tous s’y mettre. Ne nous faisons pas de concurrence entre organisations par rapport à ça », a plaidé Pierre Thomas, président du Modef, quatrième syndicat représentatif chez les agriculteurs.
Couac sur la transmission et le rôle de la MSA
Toutefois, souligne encore le communiqué de presse, « il aurait été intéressant que la proposition d’aide relais qui aurait permis aux agriculteurs les plus usés, de pouvoir partir quelques années avant que la retraite soit retenue. Il s’agissait en effet d’une mesure capitale pour des gens en mal-être sur leur exploitation. La fin de carrière étant une période particulièrement à risque, il est important d’accompagner des transmissions sereines à des jeunes. »
De son côté, Solidarité Paysans déplore que cette feuille de route « ne s’attaque pas aux responsabilités collectives des difficultés » et affirme que le ministre de l’Agriculture « n’est pas à la hauteur des enjeux et ne répond pas aux besoins concrets des agriculteurs en difficulté ».
Dans un communiqué de presse du 23 novembre 2021, l’association détaille ses regrets face notamment à « l’amalgame constant entre “agriculteur en difficulté économique” et “agriculteur présentant des signes de mal-être” » ; « l’identification des agriculteurs en difficulté par des “sentinelles” en grande partie créancières des agriculteurs » ; ou encore, face au fait que la feuille de route « renforce la mission des chambres, donne un rôle clé à la MSA et aux cellules d’accompagnement, alors même que ces dernières ne sont toujours pas opérationnelles sur l’ensemble du territoire ».
Solidarité Paysans « salue cependant le suivi envisagé après une tentative de suicide », mais réclame une modification des conditions d’exercice du métier.
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Suicide : le gouvernement annonce 12M€ supplémentaires par an et deux mesures phares
24-11-2021
Actualité
Le gouvernement va allouer environ 12 millions d’euros supplémentaires par an aux « dispositifs d’intervention financière » pour lutter contre le suicide et le mal-être des agriculteurs.
Cette enveloppe recouvre le doublement du budget consacré aux dispositifs d’accompagnement économique – aide au diagnostic de l’exploitation et aide à la relance (Area) – qui passe « de 3,5 à 7M€ par an »; et la hausse du budget dédié à l’aide au répit qui passe « de 3,5 à 5M€ par an ». Elle recouvre aussi l’augmentation du crédit d’impôt remplacement, le droit à un capital décès pour les ayants-droit d’exploitants, et le renforcement de l’aide financière simplifiée visant à améliorer les conditions de travail.
Parmi les autres mesures phares, le gouvernement prévoit de créer « plus de 100 comités de pilotage » dans les départements « d’ici fin 2022 », pour coordonner la mise en œuvre de la feuille de route « au plus proche du terrain ». Il prévoit aussi de structurer et renforcer le réseau de sentinelles via les caisses locales de MSA et en lien avec les Agences régionales de santé.
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Suicides d'agriculteurs : «L'exploitation familiale renforce le sentiment d'isolement»
Par Coline Renault
Publié 24/11/2021 https://www.lefigaro.fr*
Tous les deux jours, un agriculteur se suicide en France. GAIZKA IROZ / AFP
ENTRETIEN - Plus que les difficultés financières, l'isolement social contribue à expliquer le taux de suicides chez les agriculteurs, selon la psychologue Nadia Butakova. Celui-ci est 43% plus élevé que dans le reste de la population.
En France, un agriculteur se suicide tous les deux jours. À tel point que le gouvernement a présenté, mardi 23 novembre, un plan d’action de prévention de mal-être et d’accompagnement des agriculteurs en difficulté. Comment expliquer un tel malaise de cette profession ? Pourquoi en arrive-t-on à une telle perte de sens ? Nadia Butakova, psychologue du travail et coordinatrice de la ligne Agri’écoute, revient sur ses échanges avec les agriculteurs en souffrance.
LE FIGARO - Le facteur économique est-il au cœur du suicide des agriculteurs ?
Nadia BUTAKOVA - Les agriculteurs que nous écoutons doivent concilier une baisse des revenus, une montée des charges et de nouvelles contraintes environnementales. Les difficultés financières, souvent liées aux réglementations économiques et aux problèmes de récolte, empêchent les agriculteurs d’embaucher d’autres mains pour les aider. Ils tiennent souvent leur exploitation seule, à bout de bras. À cette charge de travail vient s’ajouter une montagne d’exigences administratives auxquelles ils ne sont pas tout le temps formés. La plupart évoquent une grande solitude.
Cet isolement est-il géographique ?
Oui, mais pas seulement. Il s’agit le plus souvent d’un isolement social. L’agriculteur travaille seul, et de plus en plus. Il perd peu à peu l’habitude de prendre soin de lui et d’avoir des activités sociales. J’entends fréquemment des patients dire qu’ils n’ont pas pris de congés depuis plusieurs années. L’un m’a confié un jour : «Je ne pense même pas à partir en vacances, je voudrais simplement un ou deux jours pour souffler». Les agriculteurs se sentent coincés par l’exploitation, qui efface petit à petit le reste du monde. Ils se renferment sur eux-mêmes, jusqu’à, parfois, oublier d’aller chez le médecin quand ils sont malades. Pour ceux qui sont seuls, le célibat devient une sorte de fatalité.
La famille n’est-elle pas un soutien ?
Souvent, la famille vit sur le lieu de l’exploitation, et le couple y travaille à deux. Les frontières sont brouillées. Les difficultés du travail empiètent sur la vie familiale, et vice-versa. Cela fait augmenter l’angoisse de l’agriculteur qui ne sait pas s'il va pouvoir parvenir à nourrir sa famille, quand le travail le poursuit jusqu’à la maison. Sans parler du poids que peut représenter une exploitation familiale établie depuis plusieurs générations.
C'est-à-dire ?
Je reçois beaucoup de patients pour qui reprendre l’exploitation familiale n’était pas une option. Ils n’ont jamais interrogé leur vocation, et comprennent qu’ils ne se retrouvent finalement pas dans cette activité agricole. Ils sont coincés dans un conflit de loyauté entre la perte de sens à laquelle ils font face et le devoir de reprendre le flambeau familial. Il y a souvent une cohabitation intergénérationnelle qui accentue cette pression sourde du devoir familial, et rend d’autant plus honteux le sentiment d’échec. Beaucoup des agriculteurs interrogés ont du mal à exprimer leurs difficultés, parce que c’est un devoir de réussir à perpétuer l’héritage familial, qui exclut toute possibilité d’abandon ou de reconversion.
Souffrent-ils de l’image de la profession dans la population ?
Il y a chez les patients une grande fierté de leur activité qui parfois tranche avec les reproches qu’ils peuvent entendre. Le temps que les agriculteurs consacrent à leur métier tranche avec les critiques qu’ils peuvent recevoir, notamment sur leur engagement. Cela renforce d’autant plus leur sentiment d’isolement.
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Suicide des agriculteurs : le sénateur de l’Hérault Henri Cabanel s’engage pour mieux les accompagner
Viticulteur de profession, le parlementaire installé à Montpellier a remis un rapport sur le mal-être des agriculteurs français. Le gouvernement vient de présenter une feuille de route qui s’appuie sur ce travail et qui doit renforcer les dispositifs d'aide aux agriculteurs en difficulté.
Publié le 24/11/2021 https://france3-regions.francetvinfo.fr*
“La détresse, tous les agriculteurs la subissent à un moment dans leur carrière”. C’est un constat sans appel que dresse le sénateur de l’Hérault, Henri Cabanel. Une détresse causée par différents facteurs : réchauffement climatique, crise économique, isolement social… La liste est longue, selon le parlementaire, qui sait pertinemment de quoi il parle.
Viticulteur de profession avant de siéger dans l'hémicycle du Sénat, Henri Cabanel, propriétaire de plusieurs vignes dans le département, a remis au mois de mars dernier un rapport sur l’augmentation des suicides dans le monde agricole. C’est ce rapport qui a permis au gouvernement de dresser une feuille de route qui comporte plusieurs mesures qui doivent permettre de lutter contre le mal-être des agriculteurs.
Briser l’omerta
Lorsqu’il s’est emparé de ce sujet, Henri Cabanel a dû faire face à une véritable levée de boucliers. Parmi les agriculteurs en grande souffrance, nombreux sont ceux qui refusaient, dans un premier temps, de se confier. “C’est un métier à part. C’est un métier de taiseux. On ne parle pas de ces choses-là, on garde tout pour soi”, déclare le parlementaire. “Quand j’ai annoncé que je voulais agir, on m’a dit “non, le métier va assez mal comme ça”.
Mais l’élu persévère. Lorsqu’en 2019 le film Au nom de la terre sort en salles, "c'est la France entière qui est émue”, selon les mots du sénateur. Réalisé par Edouard Bergeon, ce drame est en fait en partie autobiographique : il s’est inspiré de la vie de son père agriculteur, incarné par Guillaume Canet à l’écran, qui a mis fin à ses jours alors que son exploitation agricole était en train de faire faillite. “Le déclic, c’est quand Guillaume Canet a déclaré qu’on était face à une situation de non assistance à personne en danger.” Cette déclaration, faite en marge de la promotion du film, a suscité un vif émoi parmi les agriculteurs et la classe politique française. “À ce moment-là, je me suis dit que je ne pouvais plus mener une politique de l’autruche”, explique Henri Cabanel.
Dès lors, le travail entrepris par le sénateur héraultais prend une autre dimension. La problématique du suicide chez les agriculteurs prend place dans le débat public, le gouvernement en fait même l’une des priorités lors des états généraux de l’alimentation et les lois EGAlim.
Remettre l’humain au centre de tout
Ce mardi 23 novembre, Henri Cabanel a assisté à la présentation de la feuille de route du gouvernement pour la lutte contre le mal-être des agriculteurs en présence de plusieurs membres de l'exécutif. Une feuille de route qui reprend des éléments du rapport remis par le sénateur héraultais au mois de mars dernier. “Je suis globalement satisfait du résultat de ce travail”, a déclaré Henri Cabanel à France 3 Occitanie à l’issue de cette présentation. “Il y a beaucoup de nos propositions qui apparaissent dans la feuille de route. Le gouvernement se repose sur nos travaux, ça va dans le bon sens”, glisse le parlementaire.
Parmi les mesures retenues par l'exécutif pour mener une politique de prévention et d’accompagnement des agriculteurs en difficulté, la création de “sentinelles”, des cellules composées de volontaires issus de l’agriculture, de professionnels d’écoute, d’élus de terrain qui doivent identifier les premiers signes de détresse. “Il faut remettre l’humain au centre de tout. C’est une priorité absolue”, a martelé Henri Cabanel.
Il faut réhumaniser les rapports entre les administrations et les agriculteurs.
Henri Cabanel
“Une concertation sera menée au niveau national (...) afin de déterminer les conditions nécessaires pour assurer la mission de sentinelles”, indique de son côté le gouvernement. “Afin de toucher un maximum d’agriculteurs, plusieurs dispositifs existent aujourd’hui pour accompagner les situations de détresse et être à l’écoute des situations personnelles” précise également l’exécutif.
Henri Cabanel, lui, entend “ surveiller ce que ce sera”, et espère qu’ “on va arrêter rapidement une date pour identifier les effets de ces mesures, voir si ça a été efficace”. Le parlementaire héraultais espère que “d’ici deux ans”, les premiers résultats seront probants.
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Indre-et-Loire : des dispositions pour prévenir les suicides des agriculteurs
Publié le 25/11/2021* https://www.lanouvellerepublique.fr/*
En 2016, la Coordination rurale avait dénoncé le mal-être des paysans lors de Ferme Expo.
© (Photo archives NR, Hugues Le Guellec)
Le ministre de l’Agriculture vient d’annoncer des mesures pour la prévention du suicide dans les exploitations. Mais pour les représentants de la profession, les causes du mal sont multiples.
Selon les derniers chiffres publiés par la Mutualité sociale agricole (MSA), 529 agriculteurs se seraient donné la mort en 2016 en France. Combien en Indre-et-Loire ? Difficile de le savoir tant ce sujet douloureux est entouré d’un voile pudique.
Une chose est sûre : le mal reste d’actualité et particulièrement prégnant. Au point que le ministre de l’Agriculture a décidé de s’en saisir très officiellement. Lundi, Julien Denormandie a annoncé de nouvelles mesures pour lutter contre le mal-être des agriculteurs. La rallonge budgétaire de 30 à 42 millions d’euros permettra notamment de financer la formation d’un réseau de « sentinelles » pour détecter les situations de danger et remplacer davantage les exploitants épuisés.
Cent dossiers suivis « Tout cela va dans le bon sens. Même si c’est en partie ce que nous faisons déjà en Indre-et-Loire depuis longtemps », commente Joël Lorilloux, le responsable de la chambre d’agriculture au sein de l’association Aide 37.
Créée en 1999, cette cellule de veille réunit les partenaires institutionnels, la MSA, les syndicats, mais aussi des représentants du secteur bancaire et des centres de gestion. Cette année, elle a apporté un accompagnement à une centaine d’exploitations en difficulté dans le département.
« Le problème, c’est qu’il n’est pas toujours évident d’aller chercher des gens repliés sur eux-mêmes qui sont dans le déni et ne veulent pas être aidés », souligne Henry Frémont, le président de la chambre d’agriculture.
Pour Jean-Michel Dionnet, bénévole au sein d’Aide 37, l’initiative ministérielle visant à renforcer le réseau des « sentinelles » sur le terrain est donc une bonne chose mais cet ancien exploitant – habitué aux situations les plus extrêmes – espère que cette démarche ne sera pas réservée aux seuls professionnels de la MSA.
Présidente régionale de l’association Solidarité paysans, Yveline Venier redoute que l’implication renforcée des créanciers dans ce réseau « sentinelles » ne génère des « conflits d’intérêts ». La Confédération paysanne, qu’elle représente, déplore que les mesures ministérielles ne prennent pas assez en compte la faiblesse des revenus des agriculteurs.
« Un gros problème de reconnaissance »
Reste que, pour la plupart des représentants de la profession agricole en Touraine, le mal-être des paysans n’est pas uniquement lié aux problèmes financiers. « Les causes d’un suicide sont multiples. Chez les agriculteurs, il y a souvent un gros problème de reconnaissance. Le malaise peut être lié à la pression sociale qui s’exerce sur la profession mais aussi aux pertes de repères et à l’isolement grandissant dans les campagnes », note le Dr Filiatre, spécialiste de la prévention du suicide.
« Les agriculteurs iront mieux le jour où l’on arrêtera de les dénigrer en cesse », renchérit Pascal Cormery, président national de la MSA. Pour cet éleveur de porcs à Neuvy-le-Roi, le malaise réside largement dans les contraintes administratives et « l’agribashing » ambiant qui sapent le moral de la profession.
« Les agriculteurs ont besoin d’être fiers de leur métier et d’en vivre dignement », résume Joël Lorilloux en rappelant qu’« il faut être courageux pour travailler 70 heures par semaine et gagner 700 € par mois ».
https://www.lanouvellerepublique.fr/tours/indre-et-loire-des-dispositions-pour-prevenir-les-suicides-des-agriculteurs
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Suicide des agriculteurs : "le gouvernement met un cautère sur une jambe de bois"
Social
Propos recueillis par Pierre Lann
Publié le 24/11/2021 https://www.marianne.net*
Des mesures ont été annoncées ce mardi 23 novembre par le gouvernement pour tenter d'enrayer les suicides des agriculteurs. Elles prévoient un renforcement de 40 % des moyens financiers dédiés, sans convaincre.
En moyenne, deux agriculteurs se suicident chaque jour. Un phénomène ancien, longtemps resté sous les radars des pouvoirs publics qui ont tardé à prendre des mesures pour tenter de l'endiguer. Le gouvernement a présenté ce mardi 23 novembre une feuille de route pour y apporter une réponse. Parmi les mesures : une augmentation de l'enveloppe dédiée au mal-être agricole qui passera de 30 à 42 millions d'euros par an, la création de comité de pilotage dans chaque département, la formation de réseaux de « sentinelles » et des volontaires gravitant autour des agriculteurs pour détecter les situations de détresse. Un dispositif qui reste toutefois insuffisant pour Gilbert Julian, le président du réseau d’associations Solidarité Paysans, qui accompagne les agriculteurs précaires.
Marianne : Alors que le dernier rapport parlementaire sur le suicide des agriculteurs pointait l'insuffisance de la réponse des pouvoirs publics, les annonces du ministre Julien Denormandie vous paraissent-elles satisfaisantes ?
Gilbert Julian : On nous avait promis un plan, nous avons plutôt une feuille de route qui est beaucoup moins ambitieuse que ce qui était prévu. Il y a tout de même quelques mesures qui font avancer les choses. Un budget plus important pour soulager les agriculteurs, notamment pour ce qu'on appelle l'aide au répit, qui finance le remplacement jusqu'à dix jours des exploitants en situation d'épuisement professionnel. Il y a aussi des mesures intéressantes pour améliorer les postes de travail. Et enfin une chose très importante, une meilleure prise en charge des proches des personnes suicidées, avec un accompagnement de la famille pendant six mois. Mais cela reste insuffisant.
Le ministre Julien Denormandie insiste sur la nécessité de « lever les tabous sur la question du mal-être ». Constatez-vous des progrès ?
Il y a des progrès. Il y a 20 ans, lorsque nous avons commencé à alerter sur les risques psychosociaux des agriculteurs, on ne nous écoutait pas. Il y a eu une prise de conscience progressive de la Mutualité sociale agricole (MSA) et des pouvoirs publics. On se soucie davantage du sort des agriculteurs, mais on n'arrivera pas à endiguer les suicides si on ne s'attaque pas aux causes profondes de leur mal-être. Les mesures annoncées sont une forme de saupoudrage. On met une cautère sur une jambe de bois. Il faut s'attaquer à la question fondamentale qui est celle du revenu des agriculteurs.
Une réforme de la politique agricole commune (PAC) était votée par le Parlement européen ce mardi 23 novembre, permet-elle d'améliorer la situation des agriculteurs alors que 22 % vivent sous le seuil de pauvreté selon l'INSEE ?
Je crains que non. Cette nouvelle PAC offre une possibilité importante aux États, qui vont avoir dès 2023 la possibilité d'aménager les objectifs européens au niveau national. En principe, cela permet notamment de revenir sur l'un des injustices historiques de la PAC, qui verse des aides en fonction du nombre d'hectares des exploitations, ce qui avantage les gros exploitants au détriment des petits. Mais encore faut-il que la France s'en saisisse.
Or, cela ne semble pas être le projet de Julien Denormandie. On risque de continuer à oublier les petites exploitations et certains producteurs comme les horticulteurs et les maraîchers. Il faut absolument mieux répartir ces aides, qui représentent pour certains jusqu'à 80 % de leur revenu. Et plus généralement ces aides camouflent le fait que les agriculteurs n'arrivent pas à vivre de leur travail.
Une nouvelle loi, dite Egalim 2, a été adoptée pour protéger la rémunération des agriculteurs dans les relations commerciales avec industriels et distributeurs. Est-ce une solution ?
Les aides de la PAC ne servent qu'à camoufler ce problème. Et pour le moment, on patauge. Les grandes surfaces et les intermédiaires continuent de pratiquer des prix nettement en dessous des coûts de production. C'est le soubassement du mal-être des agriculteurs et des suicides. Il faut s'y attaquer.
Le ministre de l'Agriculture explique que les consommateurs ont un rôle à jouer dans l'amélioration de la condition des agriculteurs en soutenant les produits locaux. Qu'en pensez-vous ?
Encore une fois, cela revient à renvoyer ces problématiques à des responsabilités individuelles. Ce ne sont pas les consommateurs qui vont faire la différence, c'est aux pouvoirs publics de s'y attaquer et de prendre de vrais moyens pour développer le circuit court et améliorer les conditions de vie des agriculteurs.
https://www.marianne.net/societe/agriculture-et-ruralite/suicide-des-agriculteurs-le-gouvernement-met-un-cautere-sur-une-jambe-de-bois