La Nightline, ligne d’écoute anonyme, ouvrira courant mai pour les étudiants de la région lilloise
Récit Hotline étudiante : «La nuit, on est un peu les seuls à être là»
Selon une étude de la Smerep datant de 2018, un étudiant sur cinq aurait déjà eu des pensées suicidaires. Comment résoudre le problème de la fragilité psychologique des étudiants ? L’écoute pourrait en être la clé. Nightline, une ligne d’écoute pour les étudiants fragiles tenue par les étudiants eux-mêmes, avait été installée en 2017 à Paris,
par Patrick Skehan, un étudiant irlandais à l’ENS. Après avoir connu un
beau succès dans la capitale, avec le soutien de l’université PSL
(Paris Science Lettre), la ligne d’écoute devrait maintenant
ouvrir une antenne pour la région lilloise d’ici le mois de mai, de
21 h 30 à 2 h 30, du jeudi soir au lundi soir inclus.
Thomas (le prénom a été modifié) est étudiant doctorant en ingénierie. Présent au sein de la Nightline depuis sa création, il a commencé au sein de l’association d’abord comme écoutant, puis comme formateur. Sa motivation : « J’ai observé le malaise psychologique de plusieurs de mes camarades autour de moi au cours de mes études, et rien ne semblait exister pour leur venir en aide, au moins pour les écouter », explique-t-il.
La ligne garantit anonymat, bienveillance et liberté de parole Au cœur de Nightline, l’anonymat, pour les appelants comme pour les écoutants. C’est la raison pour laquelle Thomas ne souhaite pas communiquer son identité. Pour devenir bénévole, les étudiants sont formés pendant deux week-ends à l’écoute active. Mais Thomas, aujourd’hui en charge du pôle formation insiste : « Nous ne sommes pas des psychologues, notre formation nous apprend l’écoute, sans orienter la conversation, ni jugements ». La future équipe Lilloise sera formée par des bénévoles de Paris. « La formation est basée et inspirée par celle qui est donnée pour ce genre de lignes d’écoute dans plusieurs pays anglo-saxons », indique Thomas.
Au printemps 2019, l’association avait répondu à plus de 1 500 appels. Et avant même que l’association n’ait finalisé son installation dans la région lilloise, la plateforme a déjà reçu plus de 200 candidatures. « Mais nous avons toujours besoin de bénévoles, parce qu’il y a parfois des désistements et que le travail peut être compliqué », ajoute Thomas. Pour ne pas laisser les bénévoles seuls face aux appels qu’ils reçoivent, ils sont aussi accompagnés par d’autres écoutants. Tout est fait pour que le bénévolat se fasse dans les meilleures conditions possibles.
Le numéro sera mis en service en mai. Ce sera le 03 74 21 11 11.
https://www.lavoixdunord.fr/725074/article/2020-03-12/la-nightline-ligne-d-ecoute-anonyme-ouvrira-courant-mai-pour-les-etudiants-de-la Thomas (le prénom a été modifié) est étudiant doctorant en ingénierie. Présent au sein de la Nightline depuis sa création, il a commencé au sein de l’association d’abord comme écoutant, puis comme formateur. Sa motivation : « J’ai observé le malaise psychologique de plusieurs de mes camarades autour de moi au cours de mes études, et rien ne semblait exister pour leur venir en aide, au moins pour les écouter », explique-t-il.
La ligne garantit anonymat, bienveillance et liberté de parole Au cœur de Nightline, l’anonymat, pour les appelants comme pour les écoutants. C’est la raison pour laquelle Thomas ne souhaite pas communiquer son identité. Pour devenir bénévole, les étudiants sont formés pendant deux week-ends à l’écoute active. Mais Thomas, aujourd’hui en charge du pôle formation insiste : « Nous ne sommes pas des psychologues, notre formation nous apprend l’écoute, sans orienter la conversation, ni jugements ». La future équipe Lilloise sera formée par des bénévoles de Paris. « La formation est basée et inspirée par celle qui est donnée pour ce genre de lignes d’écoute dans plusieurs pays anglo-saxons », indique Thomas.
Au printemps 2019, l’association avait répondu à plus de 1 500 appels. Et avant même que l’association n’ait finalisé son installation dans la région lilloise, la plateforme a déjà reçu plus de 200 candidatures. « Mais nous avons toujours besoin de bénévoles, parce qu’il y a parfois des désistements et que le travail peut être compliqué », ajoute Thomas. Pour ne pas laisser les bénévoles seuls face aux appels qu’ils reçoivent, ils sont aussi accompagnés par d’autres écoutants. Tout est fait pour que le bénévolat se fasse dans les meilleures conditions possibles.
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1er post 9 mai 2019 Récit Hotline étudiante : «La nuit, on est un peu les seuls à être là»
Parler de tout et de rien, jouer, ou évoquer des problèmes plus graves, comme la solitude, la sexualité, le stress ou le suicide. C’est le principe de Nightline, une ligne d’écoute à destination des étudiants parisiens. Près de 40 bénévoles s’y partagent les permanences, de 21 h 30 à 2 heures.
Quand ils s’aperçoivent dans le Quartier latin en
compagnie de leurs amis respectifs, Lise, Alban et Angèle se saluent
discrètement. «C’est sûr que c’est compliqué de dire où je les ai rencontrés !» se marre Lise, étudiante en arts de 22 ans. «C’est toujours un peu chelou quand on se croise», abonde Alban, la vingtaine lui aussi. L’élève de Polytechnique sourit : «A l’ENS,
une semaine au ski a été organisée. Les gens se demandaient un peu
comment certains élèves se connaissaient alors qu’ils n’étaient pas dans
le même département…»
Levons tout de suite les doutes : Lise, Alban et Angèle ne sont pas membres d’une obscure société secrète estudiantine. Mais ils doivent garder l’anonymat - nous avons donc modifié leurs prénoms - car tous les trois sont bénévoles à Nightline, une association qui propose une écoute aux étudiants qui éprouvent le besoin de parler, de se confier. Pour garantir aux appelants le confort de l’anonymat, les bénévoles ne doivent pas trop ébruiter leur participation. «J’évite d’en parler à mes amis étudiants. Toute personne doit pouvoir appeler, si elle savait que je suis bénévole, ça pourrait la bloquer», explique Lise. «Mes colocs sont quand même au courant, s’amuse Angèle, thésarde dans un domaine scientifique. A force de me voir rentrer à 3 heures du matin… Parfois, pendant les appels, les gens vous demandent votre prénom, mais on n’a pas le droit de le donner. Je dis "choisis un prénom pour moi et appelle-moi comme ça", donc j’ai eu beaucoup d’identités différentes !»
Aucun de ceux que nous avons rencontrés n’étudie la psychologie, mais ils ont suivi une formation pratique étalée sur deux week-ends où ils ont été sensibilisés à l’«écoute active», c’est-à-dire à «écouter de façon bienveillante, sans jugement, sans diriger la conversation», explique Lise. «L’écoute active, ce n’est pas intuitif. Pendant la formation, on s’en rend compte. On pense qu’on est bienveillants, qu’on écoute bien… Mais on réalise qu’il y a beaucoup d’autres choses qu’on pourrait faire pour être vraiment avec la personne. On pourrait poser des questions ouvertes au lieu de fermées : par exemple dire "comment ça va ?" plutôt que "est-ce que tu vas bien ?", ça ouvre vraiment des possibilités. On ne peut pas répondre par oui ou non, donc la personne est obligée de raconter et ça ouvre la discussion», analyse Angèle.
Une posture peu spontanée, mais qui ouvre davantage la conversation, selon Angèle : «Quand on a envie que les choses se passent bien pour un ami, quand il te dit "je suis déprimé", ta première réaction c’est de dire "ah mais pourquoi tu dis ça, arrête, ça va aller". Alors que juste écouter, même si c’est contradictoire avec ton premier réflexe, aide davantage. J’ai testé le principe sur mes proches et ça changeait complètement la discussion, tu apprenais des trucs sur la personne que tu ne pouvais pas deviner. On réagit selon nos expériences, nos projections, nos idées… mais si tu laisses la personne vraiment t’expliquer ce qui se passe, après tu peux poser une question beaucoup plus
A chaque permanence, les bénévoles ne savent pas à quoi leur soirée va ressembler : le principe de Nightline, c’est que chacun peut appeler même s’il n’a pas de problème particulier. «Il y a des appels dits "bavards", où les gens racontent leur vie, ou parlent d’un film qu’ils ont vu ou de l’actualité. Il y a aussi des appels où les gens parlent de problèmes relationnels ou de leurs pratiques sexuelles, comme cette fille qui voulait tester les relations anales mais dont le copain n’était pas très chaud, donc ça peut être rigolo. Parfois les gens tournent autour du pot, on ne rentre pas vraiment dans le sujet. Mais parfois ça mène à quelque chose, il faut les laisser venir», détaille Alban. Angèle : «Une fois j’ai juste joué à un jeu avec une personne, elle me donnait un numéro, je devais deviner lequel c’était. C’était juste sympa et rigolo. Mais il y a des cas plus difficiles, tout ce qui touche aux agressions sexuelles, aux pensées noires, au suicide…» Lise : «Au moment des partiels, les gens peuvent avoir peur de ne pas y arriver, avoir des angoisses générales, du stress. L’image corporelle et de genre, ce sont des choses qu’on voit pas mal aussi, comme les troubles alimentaires.»
A l’origine du projet se trouve Patrick Skehan, étudiant irlandais à Paris devenu depuis professeur d’anglais. «Il y a quatre ans, une amie a fait une tentative de suicide, explique-t-il. Il n’y avait des psychiatres présents sur le campus que deux jours par semaine. Je me suis rendu compte que tous les étudiants ne savaient pas forcément où s’orienter en cas de problème. Or chez les jeunes, le suicide est la deuxième cause de mortalité.» Originaire de Dublin, où il était bénévole dans un service similaire ouvert depuis 1993, l’étudiant envisage alors de dupliquer à Paris la structure qu’il avait connue en Irlande. Elle sera sur pied en novembre 2017.
Lorsque les appelants le demandent, ils sont orientés vers les services universitaires adaptés. Mais ils peuvent aussi juste parler à un autre étudiant : «On n’a pas forcément envie d’aller directement chez le psy, surtout si on a l’impression de n’avoir qu’un "petit" problème. Et parfois, ça prend du temps d’obtenir un rendez-vous», explique Patrick Skehan. «Je trouve assez louable le fait d’être entre pairs, c’est bien de diversifier les interlocuteurs possibles pour une personne, qu’elle ait le choix. Ce n’est pas facile de tout dire à ses amis, on peut avoir peur d’être jugé», estime Alban.
«Cette idée qu’il faut parler quand on est en difficulté, c’est un peu tabou dans la culture française, complète Patrick Skehan. C’était pareil pendant longtemps en Irlande, mais ça a changé au moment où il y a eu beaucoup de suicides de jeunes hommes. En Grande-Bretagne, même le prince Harry a parlé de santé mentale. Ici le mot fait un peu peur.» Angèle : «Quand il y a des pensées suicidaires, on essaye de ne pas avoir de tabou, ni de stigmatiser la situation. On pense qu’en en parlant simplement, ça peut agir comme un mode de prévention.»
Parfois, les appels sont trop durs. Comme lorsqu’une jeune femme au passé compliqué, entre famille toxique et prostitution, a appelé. Alors les bénévoles prennent «le temps de faire une pause, ça ne sert à rien d’enchaîner, il faut avoir l’esprit disponible», explique Alban. «On essaye d’être plusieurs dans le local pour prendre des appels, ça fait du bien d’en parler après, de prendre une tisane, c’est cosy. C’est pas la même chose de traiter ça tout seul chez toi», précise Angèle.
Quand ils sont débordés par leur travail personnel, ils sautent aussi des permanences, qu’ils rattrapent plus tard. Pas question de se rendre malade.«Ce n’est pas tous les jours dans la vie que quelqu’un vous raconte qu’il a été agressé. C’est hyper fort émotionnellement, les gens donnent quelque chose de leur intimité, or il n’existe aucun autre cadre social où c’est possible de faire ça sans être jugé. Mais il faut avoir de la distance, ne pas tout prendre sur soi. Ces gens, on ne les connaît pas, ils n’appellent pas pour créer un lien, donc ça ne me hante pas», relativise Alban.
«C’est fort que quelqu’un se confie comme ça, même si on est formés à dissocier ce qui se dit pendant les permanences et nos vies à nous. Parfois, ce qui est dit peut résonner avec nous, mais le rôle de l’écoutant protège un peu», estime aussi Lise. Angèle : «C’est émouvant d’entendre la voix d’une personne, qu’elle nous confie des choses qui lui tiennent très à cœur ou dont elle n’avait jamais parlé avant. Alors oui, il y a des choses qui restent en nous, mais pas au point d’arrêter.»
Lise, Alban et Angèle sont unanimes : être bénévole à Nightline leur fait du bien à eux aussi. «J’ai appris à être plus attentive», estime Angèle. Pour Lise, Nightline «donne une épaisseur en plus à la vie étudiante». Alban : «Je me sens un peu plus empathique, plus ouvert, plus respectueux aussi quand les gens n’ont pas envie de parler de quelque chose. Toute la semaine, on fait des études, on va boire des verres, on brasse un peu du vent… Là, on se dit qu’on a servi à quelque chose, même si on a juste dit "oui, oui, oui" pendant une heure et qu’on n’a pas fait grand-chose. Etre une oreille, ça a déjà beaucoup de valeur pour moi.» Une expérience à laquelle vont pouvoir participer prochainement les étudiants de Lyon, où Nightline compte bientôt ouvrir un deuxième bureau.
Levons tout de suite les doutes : Lise, Alban et Angèle ne sont pas membres d’une obscure société secrète estudiantine. Mais ils doivent garder l’anonymat - nous avons donc modifié leurs prénoms - car tous les trois sont bénévoles à Nightline, une association qui propose une écoute aux étudiants qui éprouvent le besoin de parler, de se confier. Pour garantir aux appelants le confort de l’anonymat, les bénévoles ne doivent pas trop ébruiter leur participation. «J’évite d’en parler à mes amis étudiants. Toute personne doit pouvoir appeler, si elle savait que je suis bénévole, ça pourrait la bloquer», explique Lise. «Mes colocs sont quand même au courant, s’amuse Angèle, thésarde dans un domaine scientifique. A force de me voir rentrer à 3 heures du matin… Parfois, pendant les appels, les gens vous demandent votre prénom, mais on n’a pas le droit de le donner. Je dis "choisis un prénom pour moi et appelle-moi comme ça", donc j’ai eu beaucoup d’identités différentes !»
Téléphone ou tchat
Trois soirées par mois, ces vingtenaires délaissent révisions ou verres en terrasse pour se rendre dans un petit local situé dans le Ve arrondissement parisien. Près de 40 bénévoles se partagent les permanences. De 21 h 30 à 2 heures du matin, dans la limite d’une heure trente par appel, ils recueillent en français ou en anglais les confidences d’autres étudiants, par téléphone ou en tchat. Lise : «Tchater c’est plus un réflexe, et pour les plus timides c’est encore plus anonyme d’une certaine manière.» Alban : «La nuit, c’est le moment où les gens ne vont pas bien, et avec le Fil Santé Jeunes, on est un peu les seuls à être là.»Aucun de ceux que nous avons rencontrés n’étudie la psychologie, mais ils ont suivi une formation pratique étalée sur deux week-ends où ils ont été sensibilisés à l’«écoute active», c’est-à-dire à «écouter de façon bienveillante, sans jugement, sans diriger la conversation», explique Lise. «L’écoute active, ce n’est pas intuitif. Pendant la formation, on s’en rend compte. On pense qu’on est bienveillants, qu’on écoute bien… Mais on réalise qu’il y a beaucoup d’autres choses qu’on pourrait faire pour être vraiment avec la personne. On pourrait poser des questions ouvertes au lieu de fermées : par exemple dire "comment ça va ?" plutôt que "est-ce que tu vas bien ?", ça ouvre vraiment des possibilités. On ne peut pas répondre par oui ou non, donc la personne est obligée de raconter et ça ouvre la discussion», analyse Angèle.
«Bavards»
Deux fois par mois, les bénévoles se réunissent en outre avec un psychologue pour faire le point. S’ils ne sont pas autorisés à donner des conseils, leur écoute permet aux appelants de verbaliser leurs soucis. Alban : «On n’a pas tous les éléments du problème, donc on ne donnerait pas de bons conseils de toute façon. Même si parfois on ne règle pas nos soucis comme le font les gens, ce n’est pas à nous d’être directifs.»Une posture peu spontanée, mais qui ouvre davantage la conversation, selon Angèle : «Quand on a envie que les choses se passent bien pour un ami, quand il te dit "je suis déprimé", ta première réaction c’est de dire "ah mais pourquoi tu dis ça, arrête, ça va aller". Alors que juste écouter, même si c’est contradictoire avec ton premier réflexe, aide davantage. J’ai testé le principe sur mes proches et ça changeait complètement la discussion, tu apprenais des trucs sur la personne que tu ne pouvais pas deviner. On réagit selon nos expériences, nos projections, nos idées… mais si tu laisses la personne vraiment t’expliquer ce qui se passe, après tu peux poser une question beaucoup plus
A chaque permanence, les bénévoles ne savent pas à quoi leur soirée va ressembler : le principe de Nightline, c’est que chacun peut appeler même s’il n’a pas de problème particulier. «Il y a des appels dits "bavards", où les gens racontent leur vie, ou parlent d’un film qu’ils ont vu ou de l’actualité. Il y a aussi des appels où les gens parlent de problèmes relationnels ou de leurs pratiques sexuelles, comme cette fille qui voulait tester les relations anales mais dont le copain n’était pas très chaud, donc ça peut être rigolo. Parfois les gens tournent autour du pot, on ne rentre pas vraiment dans le sujet. Mais parfois ça mène à quelque chose, il faut les laisser venir», détaille Alban. Angèle : «Une fois j’ai juste joué à un jeu avec une personne, elle me donnait un numéro, je devais deviner lequel c’était. C’était juste sympa et rigolo. Mais il y a des cas plus difficiles, tout ce qui touche aux agressions sexuelles, aux pensées noires, au suicide…» Lise : «Au moment des partiels, les gens peuvent avoir peur de ne pas y arriver, avoir des angoisses générales, du stress. L’image corporelle et de genre, ce sont des choses qu’on voit pas mal aussi, comme les troubles alimentaires.»
A l’origine du projet se trouve Patrick Skehan, étudiant irlandais à Paris devenu depuis professeur d’anglais. «Il y a quatre ans, une amie a fait une tentative de suicide, explique-t-il. Il n’y avait des psychiatres présents sur le campus que deux jours par semaine. Je me suis rendu compte que tous les étudiants ne savaient pas forcément où s’orienter en cas de problème. Or chez les jeunes, le suicide est la deuxième cause de mortalité.» Originaire de Dublin, où il était bénévole dans un service similaire ouvert depuis 1993, l’étudiant envisage alors de dupliquer à Paris la structure qu’il avait connue en Irlande. Elle sera sur pied en novembre 2017.
Lorsque les appelants le demandent, ils sont orientés vers les services universitaires adaptés. Mais ils peuvent aussi juste parler à un autre étudiant : «On n’a pas forcément envie d’aller directement chez le psy, surtout si on a l’impression de n’avoir qu’un "petit" problème. Et parfois, ça prend du temps d’obtenir un rendez-vous», explique Patrick Skehan. «Je trouve assez louable le fait d’être entre pairs, c’est bien de diversifier les interlocuteurs possibles pour une personne, qu’elle ait le choix. Ce n’est pas facile de tout dire à ses amis, on peut avoir peur d’être jugé», estime Alban.
«Cette idée qu’il faut parler quand on est en difficulté, c’est un peu tabou dans la culture française, complète Patrick Skehan. C’était pareil pendant longtemps en Irlande, mais ça a changé au moment où il y a eu beaucoup de suicides de jeunes hommes. En Grande-Bretagne, même le prince Harry a parlé de santé mentale. Ici le mot fait un peu peur.» Angèle : «Quand il y a des pensées suicidaires, on essaye de ne pas avoir de tabou, ni de stigmatiser la situation. On pense qu’en en parlant simplement, ça peut agir comme un mode de prévention.»
«Il faut avoir de la distance»
En décembre et en mai, les discussions tournent davantage que le reste de l’année autour de la scolarité, partiels obligent. Le samedi soir, plus autour de la solitude, a constaté Alban. «Le thème le plus fréquent, qui revient dans 30 % des appels, ce sont les problèmes relationnels, détaille Patrick Skehan. Puis il y a la famille et les études, qui représentent chacun 10 % des appels, 8 % c’est juste de la conversation. Les problèmes de dépression et les idées suicidaires, eux, représentent chacun 7 % des appels. Enfin, il y a tout ce qui tourne autour de la sexualité.»Parfois, les appels sont trop durs. Comme lorsqu’une jeune femme au passé compliqué, entre famille toxique et prostitution, a appelé. Alors les bénévoles prennent «le temps de faire une pause, ça ne sert à rien d’enchaîner, il faut avoir l’esprit disponible», explique Alban. «On essaye d’être plusieurs dans le local pour prendre des appels, ça fait du bien d’en parler après, de prendre une tisane, c’est cosy. C’est pas la même chose de traiter ça tout seul chez toi», précise Angèle.
Quand ils sont débordés par leur travail personnel, ils sautent aussi des permanences, qu’ils rattrapent plus tard. Pas question de se rendre malade.«Ce n’est pas tous les jours dans la vie que quelqu’un vous raconte qu’il a été agressé. C’est hyper fort émotionnellement, les gens donnent quelque chose de leur intimité, or il n’existe aucun autre cadre social où c’est possible de faire ça sans être jugé. Mais il faut avoir de la distance, ne pas tout prendre sur soi. Ces gens, on ne les connaît pas, ils n’appellent pas pour créer un lien, donc ça ne me hante pas», relativise Alban.
«C’est fort que quelqu’un se confie comme ça, même si on est formés à dissocier ce qui se dit pendant les permanences et nos vies à nous. Parfois, ce qui est dit peut résonner avec nous, mais le rôle de l’écoutant protège un peu», estime aussi Lise. Angèle : «C’est émouvant d’entendre la voix d’une personne, qu’elle nous confie des choses qui lui tiennent très à cœur ou dont elle n’avait jamais parlé avant. Alors oui, il y a des choses qui restent en nous, mais pas au point d’arrêter.»
Lise, Alban et Angèle sont unanimes : être bénévole à Nightline leur fait du bien à eux aussi. «J’ai appris à être plus attentive», estime Angèle. Pour Lise, Nightline «donne une épaisseur en plus à la vie étudiante». Alban : «Je me sens un peu plus empathique, plus ouvert, plus respectueux aussi quand les gens n’ont pas envie de parler de quelque chose. Toute la semaine, on fait des études, on va boire des verres, on brasse un peu du vent… Là, on se dit qu’on a servi à quelque chose, même si on a juste dit "oui, oui, oui" pendant une heure et qu’on n’a pas fait grand-chose. Etre une oreille, ça a déjà beaucoup de valeur pour moi.» Une expérience à laquelle vont pouvoir participer prochainement les étudiants de Lyon, où Nightline compte bientôt ouvrir un deuxième bureau.