D'après article : "Quand la dépression fait de la résistance: l'apport des stimulations magnétiques cérébrales" de Jean-François Costemale, Médecin psychiatre sur 
http://www.huffingtonpost.fr/jeanfrancois-costemale/depression-magnetisme-cerebral_b_3162467.html?utm_hp_ref=france
        
               
                        
                            Publication: 28/04/2013 06:00
                                                        
                        
 
DÉPRESSION - Si pour Francis Bergeade (Michel Serrault 1995) "le
 bonheur est dans le pré", il se pourrait bien que d'autres le trouvent 
dans un champ...magnétique!!
Lorsque je rappelle mon statut de psychiatre il m'arrive de sentir 
une certaine réticence. Réticence que rencontrent mes patients qui, 
avant de me consulter pensent encore trop souvent qu'ils vont entrer 
dans l'Hôpital Sainte-Anne et être considérés comme des "fous". Ce 
phénomène de stigmatisation retardant parfois des consultations qui 
auraient pu se passer dans des conditions plus favorables pour le 
patient malade. Car oui, il s'agit là de maladies. La société, les gens 
sont peut-être fous, mais pour ma part je ne reçois que des personnes 
qui présentent des maladies ou troubles qui peuvent être traités. Les 
sciences avancent à grands pas mais les idées semblent être un peu 
rigides en ce qui concerne ma spécialité ainsi que les neurosciences. 
Preuves sur lesquelles je m'appuie en y associant mon expérience et 
celle de mes maîtres pour trouver le bon traitement au bon moment au bon
 malade. 
Nombreuses sont les publications scientifiques rappelant que la 
dépression est un enjeu de santé publique dont le coût social et 
économique tend à augmenter avec le temps. L'Organisation Mondiale pour la Santé
 a statué sur le fait que cette maladie deviendra aux alentours de 
l'année 2020 la seconde source de handicap à travers le monde, juste 
derrière les maladies cardio-vasculaires. C'est dire l'implication dont 
nous devons faire preuve pour tenter d'améliorer la vie de ceux qui 
souffrent de cet état qui est, pour la quasi totalité des cas, tout à 
fait réversible. Notre objectif étant en médecine toujours le même; 
rechercher la rémission la plus totale possible pour que le patient 
puisse éviter les complications inhérentes à la maladie. Chaque année en
 France, 12.000 personnes meurent de suicides
 et les tentatives de suicides sont au moins 10 fois plus importantes. 
Ces chiffres ne sont bien entendus pas totalement imputables à la 
dépression mais nous considérons qu'au moins 30 à 50% le sont. Sur ces 
états dépressifs et malgré l'efficacité des thérapeutiques actuelles 
nous rencontrons dans 30% environ des cas des résistances 
thérapeutiques. Ces dépressions dites résistantes ne sont pas une 
fatalité mais représentent un coût très important, environ la moitié des
 dépenses socio-économiques de cette maladie. Nous pouvons aider ces 
patients par diverses stratégies médicamenteuses et non médicamenteuses 
dont font partie les stimulations magnétiques transcrâniennes.
Le principe est simple; au départ, il s'agit de la loi de Faraday qui
 stipule qu'un champ électrique dont le sens change rapidement dans le 
temps peut créer un champ magnétique qui, à son tour peut créer un 
nouveau champ électrique en condition ferro-magnétique propice. Et vous 
n'allez pas me croire mais c'est le cas du cortex cérébral. Parti de ce 
rationnel physique Barker et Jalinous mirent au point en 1985 la 
première machine délivrant des impulsions magnétiques sur le cortex 
cérébral. Les travaux suivant vont permettre l'exploration 
électrophysiologique du cortex moteur. En découlera l'exploration des 
potentiels évoqués moteur. Explications: les opérateurs placent en 
regard du cortex cérébral moteur une bobine qui délivre un champ 
magnétique et observent l'intensité nécessaire à la contraction de 
muscles. 
L'évolution de la technique et les recherches itératives permettent 
aujourd'hui de proposer dans la dépression résistante des stimulations 
répétitives que l'on réalise par séance de 20 minutes 5 jours sur 7 
pendant 3 semaines pour le protocole devenu classique. Il est 
intéressant de noter qu'initialement l'efficacité antidépressive de la 
technique a été découverte de manière fortuite à partir d'exploration 
d'électrophysiologie. C'est souvent le cas en psychiatrie et notamment 
dans la dépression; le premier antidépresseur découvert est par exemple 
un antituberculeux. Nous considérons qu'environ 50% des patients pour 
lesquels nous appliquons cette technique en tirent bénéfice mais 
l'expérience nous apprend chaque jour un peu plus à pouvoir mieux cibler
 les indications, au sein même de ce qu'il est de bon ton d'appeler les 
dépressions. Car nombreuses sont les présentations différentes de cette 
maladie.
Mais que se passe-t-il exactement?
Nous disposons de bobines en forme de 8 qui délivrent un champ 
magnétique focal de quelques cm². Ce champ est délivré par impulsions en
 fonction du temps. Le tout donnant une fréquence par seconde ou Hertz. 
Ceux d'entre vous qui sont déjà entrés dans une IRM savent bien que l'on
 entend des coups; c'est exactement la même chose avec les SMT. 
Dans la dépression les études d'imagerie cérébrale ont pu déterminer 
que le cortex cérébral des patients atteints de dépression présente une 
modification de son activité en regard d'une zone assez précise que l'on
 appelle le cortex pré-frontal dorso-latéral (CPFDL). Diminution 
d'activité à gauche et hyper-activation à droite. 
Les études séquentielles ont permis de définir que selon la fréquence
 des impulsions magnétiques le cortex cérébral réagirait soit de manière
 à être stimulé soit au contraire à être moins actif. Actuellement, la 
méthode la plus fréquemment utilisée est de stimuler le CPFDL gauche. 
Cependant, nous décidons dans un certains nombre de cas de rendre moins 
actif le CPFDL droit par des fréquences dites inhibitrices. Bien sûr, 
les neurones établissent de nombreuses connexions et plus que de 
stimuler une zone cérébrale en particulier nous observons des 
modifications à distance. La réponse à ce traitement antidépresseur non 
médicamenteux nécessite au moins l'association d'un traitement 
antidépresseur pour être efficace. Il s'agit d'une thérapeutique dite 
d'adjonction. Un peu comme s'il permettait d'améliorer l'efficacité du 
traitement sans en augmenter les effets secondaires. L'avantage de ces 
techniques dites non médicamenteuses est qu'elles sont dépourvues 
d'interaction pharmacologique et très souvent beaucoup mieux tolérées 
que des associations complexes. Ce qui ne veut pas dire que dans un 
certains nombre de cas la thérapeutique médicamenteuse ne sera pas une 
association.
Quels sont les effets indésirables?
Nous avons un recul d'un peu plus d'une vingtaine d'années concernant
 cette technique et la littérature scientifique ne manque pas afin d'en 
déterminer les effets secondaires probables. D'abord, comme pour tout 
traitement, il peut exister des effets indésirables notables à cette 
technique mais elle est dans la très grande majorité des cas très bien 
tolérée. La technique n'est pas douloureuse mais désagréable au niveau 
du cuir chevelu. Une partie de nos patients s'endorment durant les 
séances ce qui laisse entrevoir que la part de désagréable n'est pas 
forcément très intense.
Les études concernant les effets indésirables rapportent une 
fréquence assez importante de maux de tête. Elles nous disent aussi que 
ces maux de tête diminuent au fil des séances et qu'ils cèdent lors de 
la prise de paracétamol. Dans mon expérience, je n'ai pas observé de 
maux tête particulièrement gênant au point que les patients souhaitent 
l'arrêt du traitement. Par contre, nombreux sont les patients qui me 
rapportent une aggravation de migraine au tout début de traitements 
médicamenteux et souhaitant arrêter, mais là aussi cet effet n'est que 
passager et les migraines disparaissent généralement avec l'amélioration
 de la symptomatologie dépressive. 
L'effet indésirable le plus redouté concernant les SMT est 
l'apparition d'une crise d'épilepsie. La littérature scientifique 
rapporte environ cette possibilité pour 1 cas sur 1000 patients traités 
en faisant un effet indésirable rare. Une des précautions 
complémentaires que nous prenons est de réaliser un 
électro-encéphalogramme avant toute cure de SMT ceci nous permet de 
connaître l'activité électrique cérébrale des patients et de contre 
indiquer cette thérapeutique chez les patients à risque. Malgré toutes 
ces précautions il est possible qu'un patient présente une crise 
d'épilepsie durant une séance de SMT. La technique sera bien entendu 
contre indiquée à l'avenir pour le patient mais il ne sera pas plus à 
risque de présenter une épilepsie en dehors des stimulations magnétiques
 cérébrales.
Quelles sont les contre indications?
De manière formelle, elles se rapprochent des contre indications de 
l'IRM cérébrale. Nous recherchons en utilisant un questionnaire court la
 présence possible de particules ferro-magnétiques au niveau de la tête 
et du cou du patient qui pourrait soit chauffer ou bouger pendant les 
séances. Il peut s'agir de clips vasculaires intracérébraux ou au niveau
 du cou, d'implants cochléaires, de pompe délivrant des médicaments, 
d'implants intra-cérébraux. Des éléments même assez fin comme des éclats
 de fer au niveau de la tête ou des yeux que l'on retrouve souvent chez 
les patients qui ont déjà utilisé des machines de meulage du fer ou 
autre. Il est possible de réaliser une radiographie à la recherche de 
ces éléments en fonction des réponses au questionnaire. 
Bien entendu la présence d'un épisode de crise d'épilepsie au cours 
d'une séance mais aussi les anomalies à l'EEG réalisé avant les séances 
contre indiquent les SMT. Avoir un stimulateur cardiaque est 
généralement une contre indication.
Le délai de la réponse antidépressive est assez variable selon les 
patients. Certains s'améliorent dès les premières séances quand d'autres
 ont une réponse plus tardive. On estime que les patients peuvent tirer 
bénéfice de cette thérapeutique jusqu'à 1 mois après la dernière séance.
 Et après! Allez-vous me dire. Nous arrivons à une question qui fait 
débat dans notre spécialité; la maintenance de la réponse. De manière 
très imagée, les spécialistes considèrent qu'il est possible d'utiliser 
de manière itérative les SMT comme traitement d'entretien chez certains 
patients qui risquent de rechuter rapidement mais sans consensus sur la 
fréquence. 
Beaucoup d'autres techniques qu'elles soient médicamenteuses ou non 
médicamenteuses permettent la maintenance de la réponse ou diminuent le 
risque de rechute; ce qui est équivalent. Certaines approchent et 
notamment psychothérapeutiques s'orientent actuellement sur cette 
capacité à diminuer le risque de rechute avec une certaine efficacité. 
Je pense notamment aux techniques basées sur la pleine conscience 
développées depuis quelques années avec succès.
Où peut-on demander avis pour une cure de stimulation magnétique transcrânienne?
La consultation universitaire du 
Service Hospitalo-Universitaire du Centre Hospitalier Sainte-Anne
 reçoit des demandes émanant de nombreuses villes Françaises pour des 
avis de dépressions résistantes sans en limiter actuellement l'accès. De
 nombreuses villes Françaises sont également pourvues de machines de 
stimulations magnétiques mais aussi de services ou consultations 
spécialisés dans les dépressions résistantes.
 Qu'est-ce que la dépression? Comme je le 
disais, il s'agit d'une maladie. Les preuves scientifiques de 
neuro-imagerie, d'endocrinologie et de génétique ne manquent pas pour le
 prouver. La capacité des traitements ciblés à être efficace non plus. 
Cliniquement les symptômes sont très variés mais certains sont communs 
dans la grande majorité des dépressions et facilement repérables. Bien 
entendu le fait de se sentir triste, mais la tristesse n'est pas la 
dépression et il existe des dépressions totalement dépourvues de 
tristesse et parfois même qui s'associent à ce que l'on appelle une 
anesthésie affective. Le patient ne ressent pas ou très peu d'émotions, 
le terme parfois employé d'athymhormie désigne plutôt l'incapacité à 
délivrer verbalement ses émotions. Ensuite, la perte de plaisir ou 
d'intérêt. Evidente quand nous n'arrivons plus à éprouver du plaisir ou 
de l'intérêt à nos activités favorites ou dans les relations avec les 
êtres qui nous sont chers (conjoints, enfants, amis, collègues...). 
L'incapacité ou la difficulté de se concentrer ou de maintenir son 
attention. Il s'agit d'un symptôme très fréquent source de handicap 
professionnel. Les ruminations, souvent d'évènements négatifs, y sont 
souvent associées, le patient présentant une intrusion perpétuelle de 
ces évènements rendant le maintien de l'attention peu aisé. La 
répétition mentale de ces évènements d'échecs participe à 
l'auto-dévalorisation, autre symptôme notable de la maladie. Un symptôme
 aussi très important et qui fait parti des symptômes dits physiques de 
la dépression est l'insomnie, souvent l'un des premiers à apparaître et 
dernier à disparaitre. Il participe bien entendu à la fatigue ressentie 
par les patients mais ne l'explique pas toujours. Les troubles du 
transit et la perte d'appétit font également parti de la série 
symptomatique. Nous recherchons également d'autres éléments parfois 
atypiques tels que l'irritabilité, l'impulsivité, l'hyperphagie, 
l'hypersomnie et bien d'autres. L'ensemble de ces symptômes permettent 
d'établir un profil de dépression nous aidant à définir la thérapeutique
 adéquate.
____________________________________________________
Le club de TMS Français STEP - Stimulation Transcrânienne En 
Psychiatrie affilié à l'Association Française de Psychiatrie Biologique 
 a déjà publié 2 livres aux éditions Solal sur les stimulations 
magnétiques cérébrales. L'un de ces 2 livres est un consensus d'experts 
commandé par plusieurs autorités Françaises dont la Haute Autorité de 
Santé.
Des recommandations internationales existent pour leur utilisation en 
psychiatrie mais aussi dans plusieurs spécialités médicales telles que 
la neurologie, la médecine physique et rééducation, la neuro-chirurgie 
et l'ORL.