vendredi 15 décembre 2023

Développer la culture de la sécurité des soins : la feuille de route de la DGOS : AXE 4 Action 4 : améliorer la prévention du risque suicidaire

Développer la culture de la sécurité des soins : la feuille de route de la DGOS

Jacques Cofard

Auteurs et déclarations

13 décembre 2023 https://francais.medscape.com/voirarticle/3610861#vp_1

France – La Direction générale de l’organisation des soins (DGOS) a présenté sa feuille de route 20223-2025 pour l'amélioration de la sécurité des patients, qui incite à une meilleure déclaration des événements indésirables graves liés aux soins (EIGS).

« Faire des patients des acteurs de leur propre sécurité » 

Après la Haute autorité de santé (HAS) qui a rendu public son rapport annuel 2022 sur les déclarations d'événements indésirables graves liés aux soins (EIGS), c'est maintenant au tour de  la DGOS d’annoncer un plan pluriannuel 2023-2025 pour « améliorer la sécurité des patients et des résidents », en développant la culture de la sécurité des soins chez les soignants. Le lancement de cette feuille de route s'inscrit dans le cadre de la semaine de la sécurité des patients, qui vient d’achever sa 13e édition. « Pour cette 13e édition nous avons choisi comme thématique "faire des patients des acteurs de leur propre sécurité". Dès lors que les patients sont associés aux soins, les résultats obtenus sont améliorés selon l'OMS », précise Cécile Lambert, cheffe de service, adjointe à la directrice générale de la DGOS. Et d'ajouter : « Nous avons travaillé cette feuille de route en nous basant sur l'Enquête nationale sur les événements indésirables liés aux soins (ENEIS) 2019. Nous enregistrons une baisse significative des EIGS évitables avec des marges de progrès importantes, puisqu'il y a encore 53,5% d'événement indésirables évitables. »

Des réticences à la déclaration des EIGS

Inutile de dire que la feuille de route sur la sécurité des patients se fixe avant tout comme objectifs de développer la culture de la sécurité dans le système de santé, « en promouvant la déclaration des EIGS car il y a encore beaucoup de réticences », relève Cécile Lambert. Il faut aussi, selon elle, établir « un continuum entre la ville, l'hôpital et les établissements médico-sociaux », mais aussi « associer les patients et leurs proches ». Deux objectifs transverses permettent de structurer cette feuille de route, poursuit Caroline Bizet, cheffe de projet mission à la DGOS. « Il s'agit de communiquer auprès des professionnels de santé, et former les professionnels et les patients à la culture de la sécurité, car les EIGS sont souvent causés par des problèmes de coordination dans l'équipe. Il faut que les professionnels puissent aussi se former à la gestion du stress, qu'ils apprennent à développer un climat de confiance et d'entraide. Il faut aussi co-construire des actions avec les patients. »

Cinq axes de travail

Pour mettre en branle ce programme ambitieux, cinq axes de travail ont été retenus. L'axe 1 est consacré à la valorisation et l'accompagnement du travail en équipe et des temps collectifs. Il s'agit là essentiellement de poursuivre le déploiement du programme d'amélioration continue du travail en équipe (Pacte) promu par la HAS. « Nous incitons à dialoguer autour de la prise en charge des patients, à reconnaître le patient comme un membre de l'équipe. Cela peut passer par la diffusion d'un film dans les salles d'attente et les chambres pour sensibiliser le patient à sa prise en charge », détaille Caroline Bizet.

Au centre hospitalier de Sens

Le Dr Halimi Lababidi, chef du bloc opératoire du centre hospitalier de Sens (89), a évoqué sa propre expérience professionnelle de développement du travail en équipe en bloc opératoire. « Nous avons organisé une journée blanche sur le thème de la sécurité des patients en décembre 2021. Cela a débuté par la projection d'un film qui narrait le déroulement et la prise en charge d'un patient, et mettait en exergue les points faibles dans le cadre de notre check-list. Cela a été suivi d'un débat très constructif. Nous avons ensuite formé plusieurs ateliers, le premier sur la check-list, le 2e portait sur le "facteur humain, comment éviter les erreurs". Tous les 15 jours, on a organisé un staff qui a permis de faire communiquer l'équipe chirurgicale et le service anesthésie. On a activé les analyses des EIGS tous les trois mois. Deux ans après, notre travail a porté ses fruits : la check-list est mieux faite, adaptée à nos pratiques, nous l’avons élargie aux enfants et à l'endoscopie ;  la communication s'est mise en place entre la chirurgie et l'anesthésie. Une journée blanche sera organisée tous les ans », analyse-t-il. 

Déclaration des EIGS

L'axe 2 de ce plan pluriannuel est consacré à la déclaration des EIGS. « Depuis 2016, les professionnels de santé déclarent les EIGS sur un portail. Cela a augmenté de 27% en 2022, mais il reste une marge de progrès. Il faut adopter une approche non punitive. Des établissements ont établi une charte de non-sanction, mais il faut aller plus loin. Les ARS vont être sollicitées pour des actions de formation et de sensibilisation », explique Caroline Bizet. L'axe 3 est dans la juste continuation de l'axe 2 : il s'agit de s'améliorer en reconnaissant ses erreurs. « Quand les EIGS sont déclarés, il faut les analyser sans chercher les responsables. Il faut capitaliser aussi sur les réussites. »

Secteurs à risque

L'axe 4 de ce plan pluriannuel fait un focus sur certains secteurs à risques. « Il faut renforcer l'utilisation de la check-list au bloc opératoire. D'ailleurs en 2025, la FORAP (Fédération des Organismes Régionaux et territoriaux pour l'Amélioration des Pratiques en santé) va réaliser une enquête spécifique sur l'usage de cette check-list. En soins critiques, il faudra repérer les leviers d'action. La sortie des patients fait aussi l'objet de toute notre attention, notamment la transition entre l'hôpital et le domicile. Depuis 2017 on dispose de la lettre de transition pour garantir la continuité des soins. La CNAM a mis en place une action de contrôle en ciblant les établissements qui avaient les moins bons résultats sur la lettre de transition. Cette lettre doit mentionner les traitements médicamenteux à prendre, les soins à prévoir... 600 établissements sont ciblés. Pour améliorer les sorties des patients, la HAS a édité une fiche, "éviter les ré hospitalisations des personnes âgées" », informe Anne Vitoux, chef de la mission qualité et pertinence à la DGOS.

Risque suicidaire

« Enfin dans le cadre de cet axe 4, nous prévoyons aussi des actions pour prévenir le risque suicidaire, comme la sécurisation de l'environnement du patient, le repérage systématique du risque suicidaire chez le patient, la promotion des interventions post geste suicidaire, et la sensibilisation des professionnels de santé à la déclaration des gestes suicidaires », poursuit-elle. Camille Guislain, directrice des soins à la clinique de santé mentale d'Yveline (78), partage son expérience de la prévention des crises suicidaires chez ses patients. « Nous prenons en charge des patients à la suite de tentatives de suicide. Certains de nos jeunes soignants pouvaient être en difficulté avec la crise suicidaire. Nous avons donc créé une grille d'entretien entre soignant et patient, pour trouver les ressources internes et externes afin de prévenir la crise suicidaire. Le patient va réfléchir aux actions qu'il peut mettre en place quand la crise suicidaire survient. Il va travailler sur tout ce qui cause la crise suicidaire. Nous avons testé ce plan sur un service puis nous l'avons développé sur tout l'établissement. Le patient est devenu acteur de sa prise en charge. Pour les équipes, c'est une valorisation de leur travail collectif. »

Promotion du patient

L'axe 5 de ce plan est consacré à la promotion du patient. « Nous allons faire en sorte que la déclaration des EIGS soit plus facile pour les patients, en leur permettant de les déclarer dans leur espace santé », indique Jane Khoury, directrice qualité et gestion des risques à l'institut Gustave Roussy (94). Il faut faciliter le recueil de l'expression des patients et former les professionnels à l'écoute active du patient. « À chaque commission des usagers, nous partageons l'analyse des EIGS avec les représentants des usagers. Ils nous donnent leur avis sur les plans d'action, c'est très apprécié. Nous avons aussi créé plusieurs supports ludiques, comme une bande dessinée, qui a pour objectif d'expliciter aux patients comment être acteur de leur santé », témoigne-t-elle.

Références Feuille de route nationale 2023-2025 : Améliorer la sécurité des patients et des résidents, Ministère de la Santé, briefing presse, 24 novembre 2023.