lundi 30 octobre 2023

AUTOUR DE LA QUESTION Santé mentale : Sésame, un nouveau dispositif prometteur

Santé mentale : Sésame, un nouveau dispositif prometteur

Expérimenté depuis trois ans dans les Yvelines, le programme repose sur une coopération étroite entre médecin généraliste, infirmier et psychiatre. Les résultats, encourageants, laissent entrevoir à terme une possible généralisation en France.
Dans 76 % des cas, les médecins généralistes sont les premiers professionnels consultés en cas de problème de santé mentale.

Par Tifenn Clinkemaillié
Publié le 28 oct. 2023 https://www.lesechos.fr/*

Comment faire face à l'explosion des besoins en santé mentale ? Dépression, troubles anxieux, schizophrénie, troubles bipolaires… Chaque année, en France, une personne sur quatre est touchée par une maladie psychiatrique. Ce, alors que l'offre de soins de psychiatrie - à l'hôpital comme en libéral - est saturée. Et que les médecins généralistes, premiers professionnels consultés en cas de problème de santé mentale dans 76 % des cas, restent démunis et peu formés.

C'est pour répondre à ces différents enjeux que l'Institut Montaigne, en collaboration avec le Centre hospitalier de Versailles et l'association Quartet Santé, a lancé, il a trois ans, une expérimentation en France d'un nouveau mode de prise en charge des troubles en santé mentale. Baptisé « Sésame », pour Soins d'équipe en santé mentale, cette expérimentation repose sur un principe simple : une collaboration étroite entre médecin généraliste, infirmier et psychiatre.
Extension en Ile-de-France

Inspiré du « collaborative care model », développé aux Etats-Unis dans les années 1990, l'intérêt d'une collaboration entre professionnels de santé a largement été démontré. Outre-Atlantique, près de 40.000 personnes ont pu en bénéficier. En France, plus de 700 patients ont déjà expérimenté Sésame dans quatre sites de médecine générale des Yvelines.

Et l'obtention d'un dispositif de financement dérogatoire grâce à l'article 51 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) de 2018 permet un passage à l'échelle au niveau de la région Ile-de-France. Début novembre, la ville d'Argenteuil a intégré officiellement le programme. Au total, une douzaine de sites seront bientôt concernés, avant une possible généralisation sur le territoire national en 2026. Le modèle est notamment promu par la Haute Autorité de santé (HAS) et le Haut Conseil pour l'avenir de l'Assurance maladie.
Le suivi des patients, un enjeu crucial

L'objectif de Sésame est double. Il s'agit non seulement de décharger les médecins au quotidien mais aussi de mieux repérer et suivre les patients en détresse. « En médecine de ville, une grosse partie de notre activité est consacrée à la psychologie », explique Marie-Anne Duval Cattanéo, médecin généraliste dans la commune de Chevreuse et membre de l'expérimentation. Ces consultations sensibles, et leur suivi, demandent du temps, que les généralistes, de moins en moins nombreux, peinent à trouver.

Résultat, beaucoup de cas passent sous les radars. Et ces retards au diagnostic entraînent une perte de chance pour les patients. Avec Sésame, une fois qu'un trouble est détecté par le médecin - grâce à une procédure standardisée -, l'infirmière, spécialisée en psychiatrie, entre en jeu. C'est elle qui s'occupe majoritairement du suivi des patients et mobilise les ressources extérieures nécessaires, qu'elles soient sociales ou médicales, comme une orientation vers un psychologue par exemple.

« Cela reste avant tout un lieu d'écoute », souligne Julie Martin, infirmière à la maison médicale de Chevreuse. « Les consultations sont aussi un lieu où on va travailler avec les patients parfois sur des choses basiques, comme le sommeil, ou leurs valeurs », illustre-t-elle. Les anxieux pourront par exemple être amenés à pratiquer des exercices de cohérence cardiaque, tandis que les personnes rencontrant des difficultés au travail seront encouragées à réaliser des activités pour elles-mêmes.
Dédramatiser et aider

L'intégralité du suivi est effectuée en lien avec un psychiatre, qui dédie chaque semaine trois heures de son temps au suivi des patients Sésame. Particularité toutefois : dans la plupart des cas, le professionnel n'est pas amené à les rencontrer. Une mise à distance appréciée par les patients. « Cela dédramatise les choses, beaucoup disent en amont qu'ils sont rassurés de voir un infirmier », glisse Julie Martin. Autre avantage pour les patients : les consultations sont remboursées par l'Assurance maladie.

Des réunions interprofessionnelles sont en outre régulièrement organisées. Une proximité rassurante aussi pour les médecins. « Le fait d'avoir l'expertise du psychiatre nous permet d'avoir une expertise thérapeutique si besoin. Cela nous rassure sur la posologie ou sur le choix de tel antidépresseur plutôt que tel autre », liste Marie-Anne Duval Cattanéo. « C'est un outil extraordinaire, avec un bénéfice pour le patient énorme. Et un bénéfice pour nous, professionnels de santé, parce que l'on est aidé. On est moins seuls face à des patients complexes, difficiles et chronophages », résume la généraliste.

« Le principe, c'est d'aider les médecins, de les seconder, de placer une équipe autour d'eux », analyse Johanna Couvreur, responsable du projet Sésame à l'Institut Montaigne, pour laquelle le dispositif constitue « l'échelon manquant entre la médecine générale et la psychiatrie ». Cette collaboration « est extrêmement importante pour la gradation de soins en psychiatrie », abonde Christine Passerieux du Centre hospitalier de Versailles.

Tifenn Clinkemaillie

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