jeudi 20 janvier 2022

MàJ : Santé Publique France : Santé mentale des enfants et adolescents : un suivi renforcé et une prévention sur-mesure

Santé mentale des enfants et adolescents : un suivi renforcé et une prévention sur-mesure

Face aux conséquences de l’épidémie de COVID-19 sur la santé mentale, et en particulier celle des enfants et des adolescents, Santé publique France a renforcé sa surveillance et lancé des études en population. Une campagne de prévention adaptée aux adolescents a été conçue pour les inciter à parler et recourir aux dispositifs d’aide à distance.

Publié le 17 janvier 2022https://www.santepubliquefrance.fr/*

Santé mentale des jeunes : une surveillance renforcée pour suivre et mesurer son évolution

Depuis mars 2020, l’épidémie de COVID-19 et les mesures pour la freiner bouleversent la vie de tous et notamment des enfants et des adolescents avec des conséquences visibles sur la dégradation de la santé mentale constatées par les professionnels de santé et de l’Education nationale et confirmées par le système de surveillance de Santé publique France. 

Des bulletins de surveillance de la santé mentale pour suivre l’évolution des recours aux urgences et des consultations SOS Médecins

Des bulletins hebdomadaires de surveillance de la santé mentale sont produits chaque semaine, pour mesurer et suivre l’évolution des recours, par exemple, pour geste suicidaire, troubles de l’humeur ou troubles anxieux à partir des passages aux urgences (OSCOUR®) ou des consultations SOS Médecins ainsi que les points mensuels nationaux et régionaux qui apportent un complément d'analyse en termes d'indicateurs et de classes d'âges. Des analyses sur les données du Système National De Santé (SNDS) sont également en cours.

Que nous montrent ces données ?

Ces données montraient depuis début 2021, une augmentation des passages aux urgences pour geste suicidaire, idées suicidaires et troubles de l'humeur chez les enfants de 11-17 ans (niveaux collège, lycée) et dans une moindre mesure chez les 18-24 ans. Les enfants de 11-14 ans (niveau collège) étaient les plus impactés.

Fin 2021 et début janvier 2022, les passages pour troubles de l'humeur tendent à retrouver des niveaux comparables à ceux des années antérieures contrairement aux passages pour idées et gestes suicidaires qui restent à des niveaux nettement supérieurs.  

Des études spécifiques sur la santé mentale des jeunes 

Une attention particulière a également été portée aux enfants et aux adolescents, avec l’étude Confeado dont l’objectif était de comprendre, dans le cadre de l’épidémie de COVID-19, la manière dont les enfants et les adolescents âgés de 9 à 16 ans ont vécu le premier confinement et comment celui-ci a pu avoir des conséquences sur leur bien-être.

Les premiers résultats mettaient en évidence des disparités en santé mentale, classiquement retrouvées selon l’âge et le sexe avec une santé mentale plus impactée chez les adolescents (13-18 ans) que chez les enfants (9-12 ans) et également plus impactée chez les filles que chez les garçons. 

Les résultats faisaient également ressortir une nette fracture sociale. Les enfants et les adolescents issus de familles plus vulnérables, ayant des conditions de vie plus difficiles et en situation d’isolement social ont ressenti davantage de détresse psychologique. Un manque d’activités, une augmentation du temps passé sur les réseaux sociaux et les écrans, un sentiment d’être dépassé par rapport au travail scolaire, l’infection à la Covid-19 d’un proche et l’hospitalisation suite au Covid-19 étaient des facteurs également associés à la détresse.

En savoir plus


Par ailleurs, dès le printemps 2022, sera lancée l’étude Enabee, Etude NAtionale sur le Bien-Etre des Enfants comme annoncé par le Président de la République il y a moins d’un an et officialisé par Adrien Taquet, Secrétaire d’Etat chargé de l’Enfance et des Familles en avril 2021. 

Enabee : une étude sur le bien-être des enfants

Au printemps 2022, Santé publique France lance, avec l’appui des ministères chargés de la Santé et de l’Education nationale et des acteurs agissant auprès des enfants (professionnels de santé, enseignants, parents d’élèves…), une étude de santé publique visant à décrire le bien-être des enfants de 3 à 11 ans, leurs éventuelles difficultés émotionnelles et d’apprentissage, les facteurs associés ainsi que le recours aux soins. Cette étude concerne 500 écoles tirées au sort, près de 30 000 enfants de la petite section de maternelle au CM2 ainsi que leurs familles et leurs enseignant.

Les résultats permettront de fournir des données populationnelles objectivées sur le bien-être et la santé des enfants, d’autant plus nécessaires en période de crise et post-crise sanitaire, afin d’orienter les politiques publiques dans les choix des stratégies et actions de prévention et de prise en charge. 

La mise en œuvre d’une telle étude d’envergure nationale nécessite une pré-enquête, dite enquête pilote, de manière à tester l’ensemble du dispositif de recueil de données, sa faisabilité, son acceptabilité et apporter les ajustements nécessaires avant la mise en œuvre de l’étude nationale prévue en mai – juin 2022. Cette étude pilote se déroule courant janvier auprès de 2000 enfants avec un recueil au sein des écoles élémentaires du 10 au 17 janvier 2022.

« J’en parle à » : une campagne pour inciter les adolescents à parler 

Dans la continuité de la campagne « En parler, c’est déjà se soigner », un dispositif spécialement adapté aux adolescents (11-17 ans) a été lancé en juin 2021 : « J’en parle à ».  Il est renouvelé jusqu’en juin 2022 avec 3 vidéos de 15 secondes diffusées sur les réseaux sociaux. Cette campagne a pour objectif de contribuer à limiter les impacts de la crise sanitaire sur la santé mentale des jeunes adolescents en les incitant à parler à un tiers de confiance et à recourir au dispositif d’aide à distance Fil Santé Jeunes

La campagne est relayée par voie d’affichage dans des lieux publics afin de toucher les jeunes n’ayant pas ou peu accès aux réseaux sociaux ou outils informatiques. 

Des dispositifs d’aide à distance pour faciliter l’accès aux ressources et aux coordonnées des professionnels de santé

Santé publique France a renforcés ses partenariats, en particulier avec Fil Santé Jeunes, un service anonyme et gratuit à destination des jeunes de 12 à 25 ans, proposant une ligne d’écoute, 0 800 235 236, accessible 7 jours sur 7 de 9h à 23h, et un site internet mettant à disposition de l’information, un forum, un tchat, et une orientation vers des structures d’aide. Des contenus spécifiques ont été créés notamment sur la thématique Covid et mal-être informant sur les signes d’alerte, les conseils pour prendre soin de soi et les ressources à destination des jeunes.

Pour faciliter l’accès à l’information et aux ressources, un espace dédié à la santé mentale pendant l’épidémie de COVID-19 a été créé sur le site internet de Santé publique France permettant de recenser les sites de référence ainsi que les dispositifs d’aide à distance, classés selon les thématiques (violence, deuil, détresse psychologique, addictions, parentalité…) et par population (enfants, étudiants, personnes âgées…). 

Repérer les signes de troubles psychiques et orienter les jeunes grâce aux modules « Premiers Secours en Santé Mentale »

Santé publique France soutient financièrement et accompagne l’association PSSM France dans l’élaboration et le déploiement de modules de formations aux premiers secours en santé mentale qui ont pour objectifs la déstigmatisation des personnes souffrant de troubles psychiques.

Fin 2021, Santé publique France a financé l’élaboration d’un module spécifique à destination des adultes qui sont quotidiennement au contact d’adolescents afin de les aider à repérer les premiers signes de troubles psychiques et d’orienter les jeunes vers une prise en charge adaptée à sa situation. Les formations au module « Jeunes » sont proposées dès le début de l’année 2022.

 
 
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ARTICLES SUR LE SUJET

"Les jeunes ne voient plus le bout du tunnel" : les gestes suicidaires en forte hausse chez les ados
par Alice Kachaner publié le 20 janvier 2022 à 6h55

Les passages aux urgences pour tentative de suicide ont bondi de 64% entre fin décembre et début janvier chez les moins de 17 ans. Une nouvelle campagne de sensibilisation est lancée par Santé publique France sur les réseaux sociaux. Les 11-17 ans sont les plus touchés par la hausse des gestes et idées suicidaires © Getty / filadendron

Les vagues successives de Covid-19 pèsent lourd sur la santé mentale des jeunes. À tel point que les passages aux urgences pour tentative de suicide et idées suicidaires sont en forte augmentation : +64% entre fin décembre et début janvier chez les moins de 17 ans, selon les autorités sanitaires, avec des niveaux nettement supérieurs aux années antérieures. Pour tenter d'endiguer le phénomène, Santé publique France (SPF) lance de nouveau une campagne de sensibilisation sur les réseaux sociaux. Le clip, diffusé sur TikTok et Snapchat jusqu'au mois de juin, vise avant tout les adolescents. 



La tranche des 11-17 ans est la plus touchée par la hausse des gestes et idées suicidaires d'après le dernier bulletin de SPF. Phénomène notable : les chiffres varient de manière cyclique, au gré de la situation épidémique du pays.

"La première vague de crises suicidaires que l'on a observée c'était à l'automne 2020, ce qui correspondait à l'annonce du reconfinement", analyse Sylvie Tordjman, professeur en pédopsychiatrie et cheffe du pôle psychiatrie de l’enfant du centre hospitalier Guillaume Régnier, à Rennes. L'établissement a alors enregistré 48 passages aux urgences en novembre 2020 pour crises suicidaires, contre 20 l'année précédente. De fait, le gouvernement annonçait alors le retour des limitations de déplacement, la fermeture des commerces non essentiels, des bars ou encore des restaurants. "Cela a duré à peu près deux-trois mois avant de s'apaiser", poursuit la spécialiste.

Correspondance directe

La même détresse est ensuite constatée en mars 2021, au moment de la troisième vague et l'apparition des variants. Des mesures de restrictions entrent alors en vigueur dans 16 départements, ce qui a suscité "une hausse des consultations pour troubles anxieux, une peur des jeunes pour l'avenir même si l'Ille-et-Vilaine n'était pas concernée par ces mesures", se souvient la médecin.

Après un retour au calme durant l'été et la rentrée, les gestes suicidaires ont de nouveau flambé en fin d'année, plus particulièrement "pendant la deuxième semaine des vacances scolaires, alors qu'habituellement, les fêtes du Nouvel an sont une période agréable et festive pour les jeunes", se remémore la pédopsychiatre. "En fait, cela correspondait au jour près aux annonces qui ont pu être faites sur l'arrivée d'Omicron. À chaque fois qu'il y a un effet de dramatisation, des chiffres donnés sur le nombre de morts par exemple, on a une correspondance directe avec les crises suicidaires", résume Sylvie Tordjman.

La peur du vide, une angoisse de mort

En consultation, les ados évoquent alors l'angoisse de la mort, de la maladie, une sensation de vide ou encore un manque d'horizon. "Avec le Covid, les jeunes ne voient plus le bout du tunnel. Il y a une difficulté à se projeter vers l'avenir. Le propre de l'adolescence, c'est de pouvoir explorer un ailleurs. Or aujourd'hui cet ailleurs est extrêmement barré", constate la pédopsychiatre. Un stress chronique et des troubles anxieux accentués, selon elle, par le bouleversement des rythmes de vie et une hausse de la consommation des écrans. 

 
 
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Suicide des adolescents : comment prévenir le passage à l’acte ? 
https://www.caminteresse.fr* Le 12 janvier 2022

La pandémie de Covid-19 qui dure depuis maintenant près d’un an et demi n’a pas seulement affecté la santé physique : les troubles psychiques sont en forte augmentation, particulièrement chez les plus jeunes. Psychiatre pour enfants et adolescents au sein du Service de Psychiatrie pour Enfant et Adolescent des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, Julie Rolling fait le point sur leur situation et nous donne des clés pour aborder avec eux la très délicate question du suicide.

Julie Rolling, Université de Strasbourg

The Conversation : La crise sanitaire que nous traversons à des effets importants sur la santé psychique de nombre de nos concitoyens. Qu’en est-il des plus jeunes ?

Julie Rolling : Les chiffres de Santé Publique France indiquent qu’en 2021, les épisodes dépressifs auraient augmenté de 43 % chez les 12-17 ans par rapport aux autres années et les idées suicidaires auraient progressé de 31 %. Dans ce contexte, depuis le début de l’année, les passages aux urgences pédopsychiatriques ont explosé (+80 %), avec plus de 79 % d’hospitalisation dans les suites de ces passages.

Incertitude sur l’avenir, perte des repères, « culpabilisation » d’être des vecteurs de contamination, angoisse liée à ladite contamination… Nous vivons une période inédite pour l’ensemble de la population, notamment pour les plus jeunes. Même si de nombreux adolescents traversent cette pandémie sans difficulté majeure, pour d’autres la pandémie a eu un impact sur le plan psychique.

Les mesures sanitaires qui ont été mises en place sont tout à fait nécessaires, elles ont permis de juguler la pandémie. Cependant, les confinements successifs et la distanciation sociale ont pu fragiliser certains liens sociaux. Privés de sport, de loisirs, de cours en présentiel, les jeunes ont moins d’interactions, alors que « squatter ensemble » est un mode relationnel et une activité en soi pour les adolescents. Même s’ils réinventent d’autres espaces, notamment sur les réseaux sociaux, ne plus avoir tous ces temps sociaux extrascolaires et extrafamiliaux est problématique pour eux. Ce sont des temps à l’abri du regard des adultes, des temps « d’aération et de respiration » par rapport à la pression scolaire et/ou la pression familiale.

Par ailleurs, les restrictions de sorties, les exigences scolaires, l’incertitude qui se prolonge, l’absence de réponses claires à leurs questionnements constituent une accumulation perturbante, dans un moment de vie où ils sont en pleine construction identitaire.

Enfin, d’un point de vue physiologique, la surconsommation des écrans a également un impact sur la dégradation de la santé psychique, en raison des modifications du sommeil, et notamment de la dette de sommeil qu’elle induit.
TC : Quelles sont les motivations des passages à l’acte ?

JR : Il est toujours difficile d’identifier les raisons qui poussent à un acte suicidaire. Au-delà de l’événement déclencheur, quand un adolescent commet une tentative de suicide, l’origine de son geste est complexe et multifactoriell.

Une combinaison de facteurs psychologiques, sociaux et physiques peut contribuer au risque de suicide d’un individu. La crise suicidaire correspond à leur conjonction, à un instant t de vulnérabilité psychique. C’est en quelque sorte la goutte d’eau qui fait déborder le vase.

Il peut s’agir de l’accumulation d’événements adverses (harcèlement scolaire conjugué au divorce des parents ou au décès d’un proche par exemple) qui participeront à un état de mal être pouvant se traduire par une dégradation des résultats scolaires, ce qui va induire une diminution de l’estime de soi, sur quoi peut se greffer un évènement précipitant comme une dispute dans le cercle amical, habituellement soutenant pour ce jeune… Tout à coup, cette accumulation fait que l’adolescent a l’impression que plus rien ne va dans sa vie, ce qui peut amener à un moment de fragilité qui précipite le passage à l’acte.

D’où l’importance de maintenir le contact avec les jeunes. En effet, les adolescents sont généralement plus impulsifs que les adultes, chez qui les tentatives de suicide sont davantage en lien avec des éléments dépressifs. Si, au moment où l’adolescent va basculer, il a la possibilité d’appeler un proche, son psy ou encore ligne d’écoute, cela va le sauver.

Un point important à souligner est que lorsque nous prenons en charge des adolescents aux urgences après une tentative de suicide, la majorité d’entre eux affirme qu’ils ne voulaient pas mourir, mais souhaitaient juste que l’état de souffrance dans lequel ils étaient cesse.
TC : Existe-t-il des signes avant-coureurs qui doivent alerter les parents, les proches ?

JR : Le suicide n’est pas une fatalité et il est important de savoir en détecter les potentiels signes avant-coureurs. On peut ainsi aider la personne qui se trouve dans une situation de détresse à entrevoir d’autres alternatives qu’un acte radical.

Les changements de comportement sont des indicateurs importants. S’il est normal qu’un ado passe du temps dans sa chambre, lorsque l’isolement devient beaucoup plus important qu’à l’accoutumée, il faut se poser des questions. De même s’il arrête d’écouter de la musique alors qu’il aimait cela, s’il n’a plus d’appétit alors qu’il appréciait la nourriture, s’il s’emporte rapidement alors que ce n’est pas dans son caractère habituel, etc.

Détecter une tristesse, l’expression d’un sentiment de fatalité (« la vie ne sert à rien »), constater des conduites à risque (scooter, pratiques sexuelles, fréquentes prises d’alcool ou de drogue…) doit aussi alerter. D’une façon générale, c’est l’accumulation des signes qui doit éveiller la vigilance des parents. Ceux-ci doivent également se faire confiance et se fier à leurs propres intuitions : ils connaissent très bien leur enfant. S’ils ont le sentiment que quelque chose ne va pas, il ne faut pas qu’ils hésitent à en parler, voire à consulter.
TC : Il n’est pas toujours simple de communiquer avec les adolescents…

JR : Le fait d’exprimer à l’adolescent son inquiétude par rapport à son mal-être (lorsque les parents signifient à leur enfant qu’ils se font du souci, qu’ils perçoivent qu’il est préoccupé ou mal), cela peut fréquemment déjà le faire se sentir mieux. Lorsqu’il est éloigné géographiquement, ces échanges peuvent passer par le téléphone, les réseaux sociaux… La mobilisation de l’entourage est essentielle, elle change la donne de façon importante.

Si l’ado reste replié sur lui-même malgré tout et/ou si leurs liens avec lui sont conflictuels, les parents peuvent demander à d’autres adultes de son entourage de lui parler. Les grands-parents, les oncles ou tantes peuvent apporter un peu d’oxygène lorsque l’atmosphère familiale est tendue. En fonction des situations, d’autres adultes référents pour l’adolescent peuvent également être sollicités comme les enseignants, les éducateurs sportifs…

Les proches peuvent aussi lui conseiller d’appeler les lignes d’écoute telles que le Fil Santé Jeunes. Cependant, si l’état de détresse persiste malgré tout, il est important de consulter un professionnel de santé comme son médecin traitant ou son pédiatre, ou au besoin un pédopsychiatre.
TC : Y a-t-il des phrases à éviter absolument ?

JR : Oui. Les injonctions péremptoires sont à bannir : « Fais un effort, reprends-toi, secoue-toi… » Cela ne sert à rien. Les personnes qui ont des idées suicidaires, qui sont dans un état dépressif ne sont justement pas en capacité d’y répondre. De la même manière il est important de bannir les provocations du type « De toute façon ce ne sont que des menaces, tu n’auras pas le courage de te suicider… ». Il ne s’agit pas d’une question de courage !
TC : Que sait-on de l’influence des réseaux sociaux sur le passage à l’acte ?

JR : C’est du cas par cas, on ne peut pas généraliser. Les réseaux sociaux constituent aujourd’hui un mode de socialisation important pour les adolescents. Cette socialisation est essentielle pour eux, elle participe à leur équilibre.

L’influence des réseaux sociaux devient délétère lorsqu’ils sont utilisés pour cyberharceler, car l’interface virtuelle démultiplie l’effet d’entraînement, qui devient beaucoup plus important que dans la réalité. De plus, les traces (images, commentaires) du cyberharcèlement restent accessibles en ligne et sont visibles par tous.

Un autre problème concerne les sites qui font l’apologie du suicide. Il est important de parler d’échanger, de débattre avec nos adolescents des dérives de ces sites (expliquer le contexte, faire prendre conscience des objectifs des personnes qui mettent en place ces sites, etc.), que ce soit dans le cadre scolaire ou en famille, mais également de diffuser des informations justes sur la santé mentale et le suicide, à l’image de celles proposées par le programme Papageno.

TC : Existe-t-il des prédispositions aux gestes suicidaires ? Comment les adolescents concernés réagissent-ils à la prise en charge ?

JR : Les données de la littérature nous indiquent que les antécédents familiaux de tentative de suicide ou de suicide sont des facteurs de risque de geste suicidaire. Les enfants qui ont déjà fait une tentative de suicide ont également une plus grande probabilité de passer à l’acte à nouveau, surtout dans les six premiers mois qui suivent, ce qui implique une vigilance particulière et une prise en charge adaptée. De la même manière, les antécédents de psychotraumatisme créent une vulnérabilité.


La majorité des ados accepte et demande une prise en charge. La durée et les modalités du suivi peuvent varier : parfois quelques séances suffisent, dans d’autres cas il faut envisager une hospitalisation. Tout dépend du type de passage à l’acte, du tableau clinique, du contexte… ce sont des prises en charge « sur mesure ».

Pour la majorité des jeunes suivis, la situation s’améliore. Les liens se réaménagent, des situations figées se décrispent, la parole circule à nouveau… L’adolescent s’aperçoit qu’il est entouré, que sa situation, qu’il pensait catastrophique, ne l’est peut-être pas tant que cela, il réalise les ressources qui sont les siennes…

Quand on ne va pas bien, on voit sa vie comme beaucoup plus sombre qu’elle ne l’est en réalité, il s’agit d’un biais cognitif. Les soins proposés après une tentative de suicide travaillent ces objectifs et la plupart des situations évoluent positivement. Certes, on constate 20 % de récidive dans la première année, mais cela veut dire que dans 80 % des cas, les choses s’améliorent.

Liens utiles

– Le site du Programme Papageno ;

– Le site de Santé Publique France consacré à la question de la prévention du suicide.

Julie Rolling, Pédopsychiatre, Université de Strasbourg

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.