Les chemins de la pensée suicidaire dans le cerveau
Radio-Canada
Publié 3/12/2019 https://ici.radio-canada.ca*
Des interactions entre certains réseaux neuronaux du cerveau augmentent le risque qu'une personne ait des pensées suicidaires et tente même de se suicider, affirme une équipe internationale de psychiatres et de neuroscientifiques.
Pour arriver à ce constat, la Dre Anne-Laura Van Harmelen de l’université britannique de Cambridge et ses collègues ont analysé la littérature scientifique des deux dernières décennies au sujet du suicide. Cet exercice leur a aussi permis de constater le peu de recherches menées sur le sujet.
Il est difficile d’imaginer que nous ne puissions pas comprendre, encore de nos jours, pourquoi certaines personnes sont plus vulnérables au phénomène qui tue près d'un million de personnes par année, dont un quart avant l'âge de trente ans, explique la Dre Van Harmelen.
Nous en savons très peu sur ce qui se passe dans le cerveau. Pourquoi il y a tant de différences entre les sexes? Qu’est-ce qui rend les jeunes particulièrement vulnérables au suicide?Dre Anne-Laura Van Harmelen
Le cerveau suicidaire
L’équipe de recherche s’est particulièrement intéressée aux travaux réalisés à l’aide d'imagerie cérébrale. Au total, elle a analysé 131 études portant sur plus de 12 000 personnes.
L’objectif était de détecter des preuves d'altérations structurelles, fonctionnelles et moléculaires dans le cerveau susceptibles d'accroître le risque de suicide.
C’est donc en combinant les résultats de ces études d'imagerie cérébrale que les chercheurs ont réussi à identifier deux réseaux cérébraux – et les connexions entre eux – qui joueraient un rôle important dans l’apparition de la pensée suicidaire.
Le premier réseau associe des zones situées à l'avant du cerveau dans le cortex préfrontal avec d'autres régions du cerveau impliquées dans les émotions. Les altérations de ce réseau peuvent entraîner des pensées négatives et des difficultés à réguler les émotions, ce qui stimule les pensées suicidaires.
Le deuxième réseau associe d’autres régions du cortex préfrontal avec le gyrus frontal inférieur situé dans le cortex. Des modifications apportées à ce réseau pourraient mener aux tentatives de suicide, en partie en raison de son rôle dans la prise de décisions, dans la recherche de solutions aux problèmes et dans le contrôle du comportement.
Les chercheurs pensent que si ces deux réseaux connaissent des modifications dans leur structure, leur fonction ou leur biochimie, cela peut influencer négativement les pensées d’une personne et la rendre incapable de les contrôler. Cette personne a ainsi plus de risques de présenter des comportements suicidaires.
Notre travail d’analyse des études existantes pourrait mener à l'élaboration de nouvelles stratégies de prévention du suicide plus efficaces.Hilary Blumberg, Université Yale
Des limites
La majorité des études menées sur le cerveau et le suicide ne permettent que de prendre une image instantanée d'une situation. Cette image ne permet donc pas d’observer le cerveau sur une longue période ni de pouvoir étudier le lien entre ces réseaux et les pensées ou des comportements suicidaires. Apparaissent-ils avant les pensées négatives ou en sont-ils une conséquence?
Les auteurs de ces travaux publiés dans la revue Molecular Psychiatry (Nouvelle fenêtre) (en anglais) affirment qu'il est urgent d'effectuer d'autres recherches pour mieux répondre à ces questions et peut-être mener à la création de traitements modifiant ces réseaux cérébraux pour réduire le risque de suicide.
https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1414061/suicide-reseaux-neurones-cerveau