jeudi 13 juillet 2017

ETUDE RECHERCHE La psychoéducation peut-elle diminuer le risque de rechute suicidaire ?

La psychoéducation peut-elle diminuer le risque de rechute suicidaire ?
Par CQFPsy dans Actualités Newsletter - CQFPSY

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Symposium 
: DPC7 – S09 – Autour de la psychologie positive : innovations dans la prise en charge des conduites suicidaires.
Président : Guillaume VAIVA – Lille.

Communication : S09C – Le premier programme français de psychoéducation des conduites suicidaires. 
Déborah DUCASSE – Montpellier.
Interview du Dr Déborah Ducasse Le docteur Déborah Ducasse est psychiatre au CHU de Montpellier, dans l’équipe du Professeur Philippe Courtet. Elle a développé avec sa collègue Véronique Brand-Arpon, infirmière-psychothérapeute, le premier programme de psychoéducation -Pepsui- pour les personnes suicidantes dans le cadre d’un PHRC national.
Ce programme s’adresse aux personnes présentant un trouble actuel des conduites suicidaires selon le DSM-5 (i.e., ayant fait une tentative de suicide dans l’année). Il propose un enseignement didactique sur les conduites suicidaires selon le modèle stress-vulnérabilité et vise l’acquisition de compétences psychologiques. Il s’ancre dans les thérapies comportementales dialectiques -TCD-, d’acceptation et d’engagement -ACT- et la psychologie positive.
Déborah Ducasse est l’investigatrice principale de cette recherche qui vise à comparer l’efficacité de ce programme novateur à un groupe contrôle de relaxation. Cinq cent patients vont être recrutés dans treize centres. Ils seront répartis en groupes de dix patients et bénéficieront de dix sessions de deux heures une fois par semaine. Le critère principal d’efficacité sera basé sur le nombre de tentatives de suicides deux ans après les interventions.

Quels sont donc les apports spécifiques de la TCD, de l’ACT et de la psychologie positive ?
Thérapie  comportementale dialectique -TCD-
La TCD est la thérapie gold-standard pour les personnes borderline, qui constituent 2 à 6% de la population générale, et sont à 75% des femmes. 80% des personnes borderline font des tentatives de suicide multiples et 10% meurent par suicide. C’est ainsi le trouble le plus associé aux conduites suicidaires et aux décès par suicide.
La TCD est une thérapie sur mesure pour les personnes borderline car elle permet de mieux gérer : 1) la dysrégulation émotionnelle ; 2) l’impulsivité (i.e., scarifications, achats compulsifs, crises de boulimie…) ; 3) les difficultés dans les relations interpersonnelles liées notamment à la peur de l’abandon et aux relations interpersonnelles instables et intenses ; 4) la dissociation parfois engendrée par la dysrégulation émotionnelle qui entraine une perte temporaire de contact avec la réalité et des périodes transitoires “micro-psychotiques”. Cette thérapie est basée sur la mindfulness, visant à améliorer le positionnement face aux vécus internes (pensées, émotions) engendrés par la réalité, et à augmenter sa capacité à faire des choix conscients pour sa vie dans l’instant présent.
Thérapie d’acceptation et d’engagement-ACT-
L’ACT est une thérapie intégrative qui inclue la mindfulness, l’entretien motivationnel et la thérapie existentielle. Cette thérapie cible l’évitement expérientiel (i.e., la tendance à éviter les pensées et émotions déplaisantes) et la flexibilité psychologique, deux processus transnosographiques. Elle permet de réguler efficacement les émotions, identifier ce qui est vraiment important pour soi dans la vie, et agir dans cette direction.
Psychologie positive
Déborah Ducasse met en garde : Il ne faut pas confondre la psychologie positive avec la pensée positive qui vise à générer des pensées agréables. La psychologie positive permet d’optimiser le fonctionnement humain, en développant des qualités et états affectifs contribuant au bien-être, par exemple la gratitude (ou orientation reconnaissante). Le Dr Ducasse demande ainsi à ses patients : « Citez trois choses pour lesquelles vous avez de la reconnaissance aujourd’hui, pour lesquelles vous pouvez dire « merci » », en se mettant en contact avec l’importance sous-jacente. Pour les personnes hospitalisées, cela peut-être boire un bol de café chaud apporté par l’infirmière. Cet exercice de gratitude fait écho à celui de « démocratie et douche chaude » décrit par Christophe André qui consiste à apprendre à se réjouir sous sa douche d’avoir de l’eau chaude et ne pas attendre la panne de chauffe-eau pour gémir. La psychologie positive permet ainsi de s’extraire du pilotage automatique et du phénomène d’habituation hédonique.
Propos recueillis par Margot Morgiève, Paris