Burn-out. Le psychiatre de plus en plus sollicité [Entretien]
Publié le 15/03/2017 www.ouest-france.fr*
« Quand on sent que l'organisation du travail est pathogène, il faut en parler avec ses collègues », conseille le Dr Frédéric Hassan, psychiatre à l'EPSM, à Allonnes. | Archives
Recueilli par Jérôme LOURDAIS.
À l'occasion de la semaine d'information sur la santé mentale, entretien avec le docteur Frédéric Hassan, psychiatre, responsable de l'équipe mobile de prévention du suicide, au sein de l'établissement de santé mentale de la Sarthe.
Comment expliquez-vous la progression du burn-out, du surmenage ?
Nous sommes de plus en plus confrontés au syndrome d'épuisement professionnel. D'abord parce que la parole est de plus en plus libre à ce sujet. Et probablement en raison des modifications des conditions de travail de ces vingt dernières années.
C'est-à-dire ?
La perte globale d'autonomie. Les salariés ont moins de marges de manœuvre, on leur demande d'être de plus en plus flexibles, mobiles. Ils ont de plus en plus de difficultés à séparer vie professionnelle et familiale. Il y a aussi la traçabilité : ils sont notés, avec des objectifs. Ils ne peuvent pas décider de ce qu'ils veulent faire. Tout ça contribue à la perte de sens du travail.
L'augmentation de la précarité et du chômage aggravent le problème...
L'absence de travail peut provoquer de l'anxiété, des phénomènes d'addiction, des conduites suicidaires.
Quelles solutions face à cette détresse ?D'abord la prévention : changer le travail pour qu'il n'abîme pas l'homme. C'est la mission du CHSCT, du médecin du travail, des syndicats, qui alertent sur des situations difficiles.
Le second niveau, c'est permettre aux gens de s'adapter aux difficultés, de valoriser leurs capacités pour dépasser un moment difficile. Là, l'action est locale. Il faut être vigilant sur ses limites, son ressenti : stress, irritabilité, troubles du sommeil, consommation d'alcool, tendance à se désintéresser de ses proches pour se consacrer au travail. Quand la surcharge devient trop importante, ça se fait au détriment de la vie familiale. Quand cette digue saute, il y a peu de moyens d'éviter le burn-out.
On ne parle plus d'organisation du travail, mais de management. La direction du personnel est devenue celle des ressources humaines...
Les mots ne font pas illusion sur ce qu'il y a derrière. Avec les nouvelles techniques de management, on a plus de harcèlements, des arrêts maladie de plus en plus longs, davantage de suicides.
La souffrance au travail peut être liée à une fragilité individuelle.
Tout le monde est fragile, susceptible d'avoir des moments moins bien, qui peuvent se traduire par des troubles comme la dépression ou l'anxiété. Le problème, c'est que les nouvelles organisations du travail ne supportent pas ces moments. Concrètement, les entreprises ont du mal à créer des postes adaptés pour aider une personne en difficulté. Après un arrêt longue maladie, la reprise n'est souvent pas préparée de façon satisfaisante.
Le travail a aussi des effets bénéfiques.
Le travail est un endroit très important pour l'estime de soi, la valorisation, la socialisation, le développement d'habiletés. Et il donne une autonomie financière. On essaie de faire en sorte que les gens reprennent le travail le plus rapidement possible. Il existe des programmes de rétablissement par le travail, comme le job coaching, pour permettre une inclusion plus authentique dans la société.
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