lundi 5 décembre 2016

Psychiatrie: le rire pour déminer les clichés absurdes

Psychiatrie: le rire pour déminer les clichés absurdes
Par Paule Gonzalès le 02/12/2016 http://sante.lefigaro.fr*


LIVRE - Dans «Cinquante puissantes raisons de ne pas aller chez le psy», le Dr David Gourion démonte avec humour les préjugés sur sa profession. Et de rappeler que le recours à la consultation sans filet sur Internet n’est pas sans danger.



La psychiatrie est une chose trop sérieuse pour ne pas en rire. Les idées reçues, les dénis de ceux qui souffrent de pathologies graves, parfois mortelles, le Dr David Gourion les bat en brèche dans Cinquante puissantes raisons de ne pas aller chez le psy, un livre drolatique, en apparence léger, et illustré par le talent de l’illustrateur Muzo. Ce dernier n’en est d’ailleurs pas à son coup d’essai en matière de psychiatrie - si l’on peut dire -, puisqu’il a déjà accompagné un autre médecin, Christophe André, pour l’ouvrage Petites angoisses et grosses phobies.
Déminer les préjugés

Par ce dialogue illustré, David Gourion démine donc. À coup de raisonnements semblant aller dans le sens de ses détracteurs, mais les poussant jusqu’à l’absurde. Cinquante chapitres qui tiennent chacun en deux pages et qui alternent, érigés en titres pour mieux leur tordre le cou ou les détecter, préjugés et indices précieux sur les maux psychiques.

«Les psys sont plus fous que leurs patients. À force d’écouter des malades mentaux, les psys développent les mêmes symptômes que leurs patients. Logique! Les vétérinaires ne se mettent-ils pas à aboyer, à miauler et à bêler après quelques années de pratique?» rit David Gourion. Il sourit mais traque sans répit ceux qui pensent que consulter un psy ne fait qu’enkyster les problèmes plutôt que de les résoudre. «Les psys dramatisent le moindre problème», «Une thérapie dure plus longtemps qu’un mariage» ou «Les secrets de famille, ça se cache et puis c’est tout» ne sont-elles pas de ces phrases toutes faites pour ceux qui imaginent encore que, derrière la psychiatrie, se loge une pensée magique plutôt qu’un suivi médical et un travail scientifique?
Rire pour se soigner

C’est parce qu’elles peuvent être à l’origine de terribles tragédies que le médecin a décidé de prendre la plume. Dans sa postface, il avoue un souvenir très douloureux. Celui d’avoir fini par éconduire sèchement un père agressif et obtus qui estimait que sa fille qui s’automutilait «s’écoutait trop» et que lui, le médecin, «déstabilisait (leur) famille avec (ses) questions». Quelque temps plus tard, il reçut une lettre de ce parent annonçant que l’adolescente s’était pendue. «Je me suis fait la réflexion que le rire pourrait être une excellente arme pour combattre les clichés absurdes qui entourent la souffrance psychique et la psychiatrie.»

Mais l’humour n’empêche pas un discours construit et la précision du clinicien qui pointe sans concession les addictions aux substances illicites («Le cannabis, c’est bio»), aux jeux vidéo («Les psys sont ultranuls à la chasse aux Pokémon») ou à l’alcool («Vous n’êtes pas alcoolique, vous aimez simplement le bon vin»). Derrière chaque intitulé, des pathologies que l’on reconnaît à leur description pour peu d’y avoir été confronté: l’anorexie («Le jeûne, c’est bon pour la santé»), la paranoïa («Vous êtes quelqu’un d’important, c’est tout») ou la dépression («Avec le sport, on s’en sort»).

Blague mise à part, David Gourion dénonce les risques de faire davantage confiance à l’hydre d’Internet et aux gourous de tout poil plutôt qu’aux psychiatres et aux psychologues dont les professions sont encadrées par des études médicales au long cours et des diplômes patentés. Un rappel bien nécessaire à l’heure ou chacun s’imagine capable de diagnostics et d’automédication.

Cinquante puissantes raisons de ne pas aller chez le psy, David Gourion et Muzo, Éditions JC Lattès, 149 p., 15 €.

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