Le Groenland a le taux de suicide le plus élevé du monde. Et ce n’est pas seulement dû au climat particulier de cette ancienne colonie du royaume du Danemark.
En moins de quinze jours, la petite communauté de Tiniteqilaaq (3 000 habitants), dans le sud du Groenland, a vu deux de ses enfants se suicider : Pele, 22 ans, et Peter, 15 ans.
“C’est quelque chose qui arrive trop souvent, dans trop de villes du Groenland, écrit le site de NPR (National Public Radio). Une poussée de suicides, inexplicable et indiscriminée, qui déchire la jeune génération d’un territoire qui a le taux de suicide le plus élevé du monde.” En 2015, celui-ci s’élevait à 82,8 pour 100 000 personnes, contre 13,4 au Etats-Unis. Et d’après une étude publiée en mars 2015 par l’institut national de santé publique, près de 1/5 des Groenlandais ont déjà pensé à se suicider.
Dans une enquête long format ** enrichie de nombreuses photos et interviews audio, NPR tente de comprendre les raisons de ce phénomène qui préoccupe les autorités depuis plusieurs années. Ce n’est pas seulement parce qu’il fait nuit tôt que les jeunes se suicident davantage au Groenland, écrit la journaliste Rebecca Hersher. Comme pour la communauté amérindienne d’Attawapiskat au Canada, touchée par une vague de suicides, ces “suicides de l’Arctique” s’expliquent à la fois par l’histoire et par l’évolution récente du Groenland.
Des villages rayés de la carte
Ancienne colonie du royaume du Danemark devenue autonome en 1979, le Groenland est majoritairement peuplé d’Inuits et vit essentiellement de la pêche. “Comme les peuples autochtones partout dans l’Arctique, les Groenlandais ont souffert [à partir des années 1980] de la modernisation rapide du pays et d’interférences culturelles sans précédent.” De nombreuses familles ont quitté leur communauté, certains villages ont carrément disparu de la carte.
Lorsque les communautés sont perturbées, les familles commencent à s’effondrer. L’alcoolisme augmente, de même que la négligence et la maltraitance physique : autant de facteurs de risque de suicide.”
NPR pointe aussi des raisons plus profondes, liées à la crise d’identité de la culture inuit. “Quand une culture disparaît en moins d’une génération, beaucoup de jeunes se sentent coupés des générations plus âgées sans non plus avoir le sentiment de faire partie de la nouvelle.”
* http://www.courrierinternational.com/article/groenland-le-fleau-des-suicides-de-larctique?
Enquête citée (en anglais)
** Special Report The Arctic Suicides: It's Not The Dark That Kills You