Braver les vents de la maladie mentale
lapresse.ca Publié le 27 avril 2016 Marie Tison
Le canyoning représente une des activités phares des projets de Face aux vents, un organisme qui cherche à améliorer la santé mentale par l'entremise de la thérapie d'aventure.
Le plein air, c'est bon pour la santé, on s'en doute bien. Mais l'aventure en plein air pourrait-elle servir d'outil pour améliorer la santé mentale ? Notamment pour les gens qui connaissent des problèmes complexes, comme des épisodes de psychose ?
Les gens derrière l'organisme Face aux vents, qui organise des séjours de plein air avec une clientèle suivie en santé mentale, pensent que oui. Dans quelques semaines, ils feront une expédition en collaboration avec la clinique PEP (Premier Épisode de psychose) du centre de santé et des services sociaux de Saint-Jean-sur-Richelieu
« Je crois que la chose la plus importante dans la thérapie d'aventure, c'est de sortir de sa zone de confort pour créer un processus de changement, explique Jean-Philippe LeBlanc, directeur général et fondateur de Face aux vents. La thérapie, c'est changer quelque chose. »
Évidemment, la préparation et l'encadrement sont des éléments essentiels à la réussite de ce genre de projet, élaboré notamment avec des cliniques et des centres hospitaliers.
« Avant un projet, ça prend presque un an de contacts et de travail, indique M. LeBlanc. Au cours des six semaines précédant un séjour, on rencontre les participants deux fois par semaine pour les préparer tranquillement à ce qu'ils vivront là-bas. »
À l'aide des intervenants cliniques, les participants doivent se fixer des objectifs. Par exemple, un participant pourrait désirer entrer davantage en contact avec les gens. Il faudra donc faire en sorte que l'expérience lui permette de développer ses habiletés sociales et d'entretenir des liens d'amitié naissante.
« On essaie d'aller au-delà du simple aspect plaisir du plein air, lance M. LeBlanc. Oui, on va vivre du plaisir, mais il faut travailler des choses chez le participant. »
Les intervenants font évidemment partie du voyage, accompagnés de guides d'aventure expérimentés.
« C'est la clé du succès, affirme M. LeBlanc. Ce sont les intervenants qui suivent les clients sur le terrain. En tant que guide de Face aux vents, je ne fais pas de thérapie, mais je fais en sorte de créer un milieu propice pour que les intervenants puissent faire des interventions à travers l'aventure. »
Deux projets de recherche sont en cours pour évaluer les résultats de cette approche.
Pendant le séjour, souvent d'une durée de quatre jours, les participants font du camping, de la randonnée ou encore du canyoning.
« Le canyoning, c'est l'activité phare de nos projets, indique M. LeBlanc. En comparaison de l'escalade, c'est peu difficile au niveau kinesthésique : il suffit de garder son équilibre, de prendre une bonne position pour descendre en rappel. Le défi, au lieu d'être purement physique, se trouve beaucoup à l'intérieur de soi : contrôler son anxiété, faire confiance à ceux qui ont fait les ancrages ou qui font l'assurage. »
En outre, les intervenants se retrouvent dans le même bain que les participants. Eux aussi vivent l'anxiété, tout en continuant à jouer leur rôle d'intervenant.
« Ça vient souvent améliorer la relation que le participant a avec l'intervenant. Ça élimine un peu la distance entre eux. »
Souvent, le seul fait de camper présente un défi.
« C'est une activité qui peut être thérapeutique en soi. On est deux par tente, il faut faire des compromis. Il faut gérer le matériel, participer aux tâches communes, comme la préparation de la nourriture ou l'entretien du feu. »
Pas besoin d'aller au bout du monde pour créer un projet efficace : les projets se déroulent souvent à la Vallée Bras-du-Nord, dans Portneuf.
« Ce n'est pas vraiment le fait d'aller loin, mais de faire vivre une expérience différente, indique M. LeBlanc. Mais aussi, on essaie d'être près des services d'urgence. Il y a quand même cette réalité-là à laquelle il faut penser. »
En trois ans, 130 personnes ont participé à des séjours. Cette année, ils devraient être au moins 70.
Le financement des projets n'est pas nécessairement facile. Souvent, la fondation de l'hôpital impliqué assumera 60 % des frais. Le reste devra être recueilli ailleurs, parfois auprès de sociétés pharmaceutiques.
« La psychiatrie, c'est un des domaines où les fondations d'hôpitaux donnent le moins, observe M. LeBlanc. Acheter une machine, ça va servir à de nombreuses personnes pendant 10 ans, au lieu d'investir dans une seule personne en tant que telle. »
Les projets de Face aux vents ont toutefois le don de mobiliser la communauté hospitalière et de faire parler de la santé mentale, ajoute-t-il.
Et d'où vient le nom Face aux vents ? Qu'il suffise de dire que Jean-Philippe LeBlanc est un natif des îles de la Madeleine et que le vent, il connaît...
>>>Visitez le site de Face aux vents.