données extraites du rapport " État
de santé des personnes en situation de prostitution et des travailleurs
du sexe et identification des facteurs de vulnérabilité sanitaire -
Rapport" janvier 2016 *
" En Grande-Bretagne, selon l’étude de Ward et al. 2006 , 43% des personnes dans le cadre d’un suivi de cohorte menée sur 15 ans ont déclaré avoir expérimenté un «trouble psychologique» (la définition de cette notion était laissée à l’appréciation de la personne) (63) . L’étude de Sethi et al. 2006 (37), menée auprès d’hommes, indique que 20 % ont déclaré souffrir d’un trouble mental et 4% ont déclaré avoir déjà fait une tentative de suicide. En France, 3,2% des hommes ont déclaré avoir fait une tentative de suicide( 64). Ce pourcentage s’élève à 12,5 % chez les hommes ayant déclaré des relations homosexuelles exclusives dans les 12 derniers mois. "
" Des données françaises sont apportées dans l’étude ProSanté. L’InVS rapporte ainsi que 21% des personnes en situation de prostitution/tds ont eu au moins une pensée suicidaire dans les 12 derniers mois, contre 3 à 4 % des personnes en population générale(17)"
" L’ensemble des participants s’accordent sur les biais de l’étude Pro-Santé. Il est en effet possible que le recrutement des personnes, via les associations qui participaient à l’enquête et qui étaient principalement des associations de réinsertion sociale, sélectionnait celles qui souhaitaient sortir de la prostitution. En particulier le pourcentage de personnes déclarant avoir des idées suicidaires, égal à 21%, semble surestimé pour certains participants. Il est également précisé que les résultats de l’enquête Pro-Santé pourraient s’expliquer par le recrutement géographique des personnes: la population parisienne était sous-représentée ; or il existerait d’importantes différences entre les régions. Un participant indique que l’accompagnement psychologique des personnes en situation de prostitution peut être essentiel, même si l’activité de prostitution n’est pas nécessairement associée à une pathologie mentale. Des souffrances psychiques peuvent en effet résulter d’un contexte social et politique particulier. Cet accompagnement psychologique est en partie déjà apporté par les associations, mais celles-ci ont peu recours à des psychologues."
* 1 avril 2016 | Communiqué de presse HAS
Personnes en situation de prostitution/travailleurs du sexe : la HAS publie un état des lieux sanitaire pour améliorer l’accompagnement de ces personnes
Afin de mieux connaître l’état de santé des « personnes en situation de prostitution/travailleurs du sexe » et de contribuer à une politique de santé adaptée à leurs besoins notamment au travers de la définition d’une politique de réduction des risques, la HAS publie un rapport sur leur situation sanitaire. Ce document a été réalisé en concertation avec des représentants d’associations et de professionnels de santé.
A la demande de la Direction Générale de la Santé, la HAS a réalisé un état des connaissances sur la situation sanitaire des personnes en situation de prostitution/travailleurs du sexe et sur leurs facteurs de vulnérabilité sanitaire. Ce rapport comporte également une synthèse des recommandations de bonnes pratiques sur les infections sexuellement transmissibles (IST) et sur d’autres pathologies qui peuvent affecter ces personnes. Ce travail, quel que soit le contexte législatif, est un préalable indispensable à l’élaboration d’une politique de réduction des risques d’autant que peu de données sont disponibles, y compris sur le nombre de personnes concernées par la prostitution, avec des écarts de 1 à 20 selon les études.
La HAS souligne l’importance de poursuivre les politiques de prévention et de dépistage, notamment les actions de réduction des risques par le biais d’acteurs de proximité tels que les associations et les professionnels de santé (distribution de préservatifs et de lubrifiants, sessions d’information et de rencontres entre pairs, prévention des violences, etc.).
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Un premier état des lieux qui met en lumière la méconnaissance de leur situation sanitaire
Facteurs de vulnérabilité sanitaires
Un premier état des lieux qui met en lumière la méconnaissance de leur situation sanitaire
Un risque d’IST des personnes en situation de prostitution corrélé aux autres facteurs de vulnérabilité (psychologique, précarité sociale, économique ou administrative)
La prostitution ne constitue pas en soi un facteur de risque d’infection par le VIH ; c’est uniquement lorsqu’elle est associée à d’autres facteurs de vulnérabilité psychologique ou de précarité sociale économique ou administrative que ce risque augmente. En effet, ces difficultés amènent souvent ces personnes à céder aux pressions de leur entourage ou aux clients et à accepter par exemple un rapport sexuel non protégé. En revanche, chez les hommes, le sur-risque reste incertain lorsque l’on compare la prévalence du VIH/Sida chez ce sous-groupe à la prévalence du VIH/Sida chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes en population générale.
Si le niveau d’information sur l’infection par le VIH semble satisfaisant, les risques associés aux IST semblent beaucoup moins connus. La HAS recommande de diffuser, auprès des personnes en situation de prostitution/TDS, une information adaptée sur les moyens de prévention de ces infections, leur dépistage et sur les parcours de soins recommandés en cas d’atteinte.
Par ailleurs, il existe peu de données sur la prévalence des hépatites B et C chez les personnes en situation de prostitution/TDS. Toutefois, les quelques données européennes disponibles semblent indiquer que les personnes en situation de prostitution/TDS sont davantage vaccinées contre le VHB que la population générale.
Une activité qui surexpose aux violences physiques et verbales
Les personnes en situation de prostitution/TDS sont davantage victimes d’injures, de menaces et de violences physiques, surtout lorsque l’activité est exercée dans la rue. Les femmes sont majoritairement victimes de ces mauvais traitements. De nombreuses études laissent penser qu’à l’issue de ces violences, peu de victimes consultent un médecin ou les déclarent à la police. La prévention de ce type de violences demeure donc un axe important de l’amélioration de leur prise en charge.
Une consommation de tabac et de cannabis au-dessus de la moyenne de la population
Si la consommation d’alcool des personnes en situation de prostitution/TDS n’est pas plus élevée que celle de la population générale, ce n’est pas le cas pour celle de tabac et de cannabis. En effet, 46% des femmes, 65% d’hommes et 51% des transgenres en situation de prostitution/TDS sont fumeurs de tabac.
Les données concernant la consommation des autres drogues restent limitées dans cette population. Cependant, il convient de distinguer l’usage de drogues dans un but sexuel et dans d’autres cadres. La consommation de drogues dans le cadre des rapports sexuels (notamment drogues de synthèse) pourrait être à l’origine de prises de risques importantes.
Facteurs de vulnérabilité sanitaires
La précarité, la clandestinité, la discrimination (crainte ou subie): des éléments de vulnérabilité aux impacts multiples
La précarité économique et sociale a un impact sur la capacité des personnes en situation de prostitution/TDS à refuser des rapports sexuels non protégés, sur leur accès à une couverture d’assurance maladie (par manque d’information ou en raison de la complexité des démarches administratives à entreprendre), à l’information médicale et aux soins ainsi que sur leur accès au logement.
De même, la clandestinité ou l’activité dans des zones isolées augmente le risque d’accepter des rapports sexuels non protégés et le risque de violences. Selon une étude européenne menée par la London School of Hygiene and Tropical Medicine, le fait d’exercer la prostitution sous la contrainte et d’être victime d’un réseau de traite des êtres humains expose les personnes à des risques sanitaires extrêmement élevés.
Par ailleurs, les personnes en situation de prostitution/TDS craignant d’être discriminées par les professionnels de santé, les représentants de l’administration ou de la police, en viennent à dissimuler leur activité, voire à renoncer à recourir aux structures de soins et/ou aux structures publiques.
La prostitution occasionnelle et le démarrage de cette activité correspondent à des situations de vulnérabilité accrue en raison d’un isolement plus grand
Les personnes débutant leur activité et/ou exerçant une activité occasionnelle sont susceptibles d’être moins informées en matière de prévention en raison d’un isolement plus grand (pas d’échange avec d’autres personnes en situation de prostitution/TDS et moindre accès aux associations). Elles sont également exposées à des demandes particulières de certains clients qui souhaitent obtenir des rapports sexuels proches de ceux qui ont lieu en dehors de la prostitution (« girl friend experience »), c’est-à-dire sans préservatif.
Enfin, la HAS souligne que tout changement de la législation devrait s’accompagner de mesures de l’impact des politiques mises en place par des indicateurs sanitaires.
Mis en ligne le 11 avr. 2016
http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_2623598/fr/personnes-en-situation-de-prostitution/travailleurs-du-sexe-la-has-publie-un-etat-des-lieux-sanitaire-pour-ameliorer-l-accompagnement-de-ces-personnes Le * rapport http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2016-04/rapport_etat_de_sante_des_personnes_en_situation_de_prostitution_et_des_travailleurs_du_sexe_vf.pdf
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article "Prostitué(e)s, presque en bonne santé mais souvent agressé(e)s "
Par Eric Favereau — 12 avril 2016 liberation.fr**
La Haute Autorité de santé vient de rendre public un vaste travail sur l'état sanitaire des prostitué(e) s en France. Il tord le cou à quelques clichés.
Prostitué(e)s, presque en bonne santé mais souvent agressé(e)s
Surprise, les prostitué (e) s ne sont pas en si mauvaise santé que cela. Le problème qui demeure étant celui de leur accès réel aux soins et de la violence qu’ils ou elles peuvent subir. C’est ce qui ressort, en tout cas d’un rapport de la Haute Autorité de santé (HAS) sur «L’état de santé des personnes en situation de prostitution/travailleurs du sexe».
On peut être un peu déçu par ce travail qui est une grosse compilation des données déjà existantes, agrémentées par des groupes de travail. Et les recommandations restent bien classiques. La HAS soulignant, ainsi, «l’importance de poursuivre les politiques de prévention et de dépistage, notamment les actions de réduction des risques par le biais d’acteurs de proximité tels que les associations et les professionnels de santé». Il n’empêche, l’ensemble est solide. Et permet de faire un focus sur une situation qui reste souvent dans la confusion. Extraits choisis.
Nombre de prostitué(e)s : quelle estimation retenir ?
Cela reste flou. «D’après les données fournies par l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH), entre 20 000 et 40 000 personnes étaient en situation de prostitution en France en 2010. Cette population serait en augmentation.» A l’inverse, «les auteurs du rapport de l’Igas de 2012 indiquent que, d’après le Syndicat du travail sexuel (Strass), 400 000 personnes seraient en situation de prostitution». Les chiffres varient de 1 à 10, c’est beaucoup .
L’estimation de la prostitution des mineures est aussi très controversée. «L’Igas précise que d’après les services de police et d’après l’OCRTEH, il s’agirait d’un phénomène marginal. L’OCRTEH recenserait moins de cinquante cas de prostitution de mineurs par an. Il s’agit pour la plupart de personnes issues d’Europe de l’Est ou d’Amérique du Sud, âgées entre 16 et 18 ans. Mais cette appréciation est remise en cause par plusieurs associations».Toujours, d’après l’OCRTEH, «en 2011, 80% de l’ensemble des personnes en situation de prostitution étaient de nationalité étrangère en métropole, et 90% des personnes qui exercent leur activité dans la rue. Les nationalités les plus représentées sont la Roumanie, la Bulgarie, le Nigeria, le Brésil et la Chine».
Enfin, quant aux hommes et aux personnes transgenres, «ils représentent 10 à 15% de cette population. L’association Grisélidis, présente dans la région de Toulouse, estimait, en 2012, que 89% des personnes prostituées dans sa file active étaient des femmes, 8% étaient des personnes transgenres et 3% étaient des hommes. 36% avaient moins de 30 ans, 59% avaient entre 30 et 60 ans et 5% avaient plus de 60 ans». Autre donnée, l’âge moyen de la prostitution sur Internet serait moins élevé : 57% des personnes avaient moins de 30ans.
Touché(e)s par le sida ?
Eh bien pas vraiment. «Les données disponibles n’indiquent pas que l’activité prostitutionnelle est en soi un facteur de risque d’infection du VIH sauf lorsqu’elle est associée à des facteurs de vulnérabilité psychologique, sociale et économique… Le sur-risque d’infection au VIH/sida lié à l’activité prostitutionnelle est très modéré voir nul chez les femmes et les personnes transgenres, et il reste incertain chez les hommes, comparé à la prévalence du VIH/sida chez les homosexuels».
Les raisons de ces bons résultats, si l’on peut dire, seraient «le fruit des programmes de santé publique en population générale, et dans cette population particulière, qui ont favorisé la diffusion de bonnes pratiques de prévention et qui doivent être poursuivis». Même constat sur les hépatites B et C chez les personnes en situation de prostitution. «Elles sont assez rares… Les études disponibles ne permettent pas de conclure sur l’existence d’un sur-risque vis- à-vis de l’hépatite B et C.» Reste que «l’activité prostitutionnelle est associée à une surexposition à d’autres IST moins connues que le VIH/sida (chlamydia, gonocoque et papillomavirus) et à certains troubles gynécologiques (vaginose, candidose, inflammation pelvienne)».
Ils ou elles boivent et fument trop ?
Eh bien pas vraiment, là encore. «Les données disponibles ne mettent pas en exergue une surconsommation d’alcool dans cette population. En revanche, plusieurs études montrent une consommation très importante de tabac chez les femmes, les hommes et les personnes transgenres» De même, «lorsque l’on regarde les données de consommation de drogues , celles-ci ne semblent pas avoir une consommation plus importante que la population générale à l’exception de la consommation de cannabis. Il convient toutefois de noter que les données sont assez anciennes et que l’on manque d’informations sur les drogues de synthèse».
Victimes de violences ?
Oui, sans nul doute. «Les personnes en situation de prostitution sont surexposées à un risque de violences physiques et psychologiques. Les auteurs de ces violences sont divers : clients, passants, autres personnes en situation de prostitution.» Et encore : «Les personnes qui exercent leur activité dans la rue sont beaucoup plus exposées à ce risque de violences comparées à celles qui exercent leur activité dans des établissements. Quant aux personnes qui exercent leur activité sur Internet , elles sont exposées à des risques de violences spécifiques, en particulier psychologiques, comme le chantage ou des sites de notation.»
Fragiles ? Malades ?
Eh bien pas vraiment, là encore. «Les données disponibles ne montrent pas une surexposition au risque de troubles psychologiques». L’Institut de veille sanitaire rapporterait néanmoins «que 21% des personnes en situation de prostitution ont eu au moins une pensée suicidaire dans les 12 derniers mois, contre 3 à 4% des personnes en population générale. 67% ont déclaré avoir des troubles du sommeil, 49% avoir de l’anxiété et 65% des sentiments de dépression.» Mais cette étude était biaisée, car les personnes étaient recrutées par des associations.
Pour le reste, c’est le flou. «Il existe très peu de données sur les autres problématiques sanitaires (risques cardio-vasculaires, cancers et autres maladies chroniques), si bien qu’il n’est pas possible de déterminer si l’état de santé des personnes qui se prostituent est plus dégradé que celui de la population générale en France.»
Des grosses lacunes dans l’accès aux soins
Si les personnes qui exercent dans la prostitution ne sont pas en si mauvaise santé que cela, tout s’effrite dans leur possibilité d’accéder aux soins quand elles en ont besoin. «La situation de précarité économique et sociale constitue un facteur de vulnérabilité sanitaire dans la mesure où elle a un impact.» Exemple : «La demande de certains clients de rapports non protégés se traduit par une augmentation de leur consentement à payer et la propension des personnes à accepter des prix plus élevés dépend de la situation économique dans laquelle elles se trouvent.»
De même sur l’accès à la couverture d’assurance maladie, «les principales difficultés rencontrées sont le manque d’information ou la complexité des démarches administratives à entreprendre, notamment pour obtenir l’Aide médicale d’Etat (AME) lorsque les personnes sont en situation irrégulière sur le territoire».
Le rapport de la HAS conclut sur un point d’actualité, et en particulier sur la pénalisation des clients. Il note, sans trancher : «L’estimation quantitative des effets des différentes politiques de pénalisation reste toutefois incertaine, car elle dépend de la façon dont elles seront appliquées en pratique en France. De plus, il est possible que le nombre de personnes en situation de prostitution diminue sous l’effet de ces politiques, ce qui aurait un impact sur le nombre de personnes exposées à l’ensemble des risques sanitaires susmentionnés.»
Eric Favereau
** http://www.liberation.fr/france/2016/04/12/prostituees-presque-en-bonne-sante-mais-souvent-agressees_1445620