CANADA Suicide: Québec prépare un plan de prévention sur le web et actu debats
Suicide: Québec prépare un plan de prévention sur le web source Régys Caron Vendredi, 22 avril 2016 journaldequebec.com Le ministère de la Santé prépare un plan de prévention du suicide sur le web et les réseaux sociaux.
«Oui, un plan d'action sera déployé, notamment une stratégie web », a promis, vendredi, la ministre déléguée à la Santé publique Lucie Charlebois, en réponse aux questions insistantes du député caquiste François Paradis. Une équipe de chercheurs s'affaire à concevoir un plan de prévention du suicide à être mis en place sur le web dès cette année, a confirmé Mme Charlebois.
La discussion avait cours à l'occasion de l'étude des crédits du ministère délégué à la Protection de la jeunesse et à la Santé publique.
Le ministère de la Santé dispose d'un document de réflexion étoffé sur le sujet depuis janvier 2014, a soulevé le député de Lévis. «Ce document dort sur des tablettes depuis deux ans. Ça fait deux ans qu'on réfléchit. Les technologies avancent, ça m'inquiète qu'on n'ait pas encore bougé», a insisté François Paradis.
L'intervention du député de la CAQ est survenue quelques jours après que l'homme d'affaires Alexandre Taillefer ait émis, sur le plateau de l'émission Tout le monde en parle, le souhait qu'il soit possible de dépister les personnes suicidaires sur les réseaux sociaux. http://www.journaldequebec.com/2016/04/22/suicide-quebec-souhaite-intervenir-sur-le-web
Sélection d'articles, débats, point de vue et questions que soulèvent au canada suite à l'intervention d'un
l'homme d'affaires Alexandre Taillefer qui a accepté de parler du suicide de
son fils en décembre dernier.
L’homme d’affaires Alexandre Taillefer a révélé à l’émission Tout le monde en parle
que son fils Thomas, avant de se suicider en décembre dernier, avait
laissé six mois auparavant des « signaux » de détresse sur le réseau
social Twitch, avec la mention « suicide ». La filiale d’Amazon,
spécialiste des algorithmes de détection des comportements d’achat,
aurait pu l’alerter, estime-t-il. Est-ce possible ?
Tristan PéloquinLa Presse
LA DÉCLARATION
« Mon
fils a envoyé [sur Twitch] des signaux d’aide au mois de mai, des
signaux très clairs, avec le mot “suicide” dans la note. Et Amazon, qui
détecte que vous êtes sur le site pour chercher des souliers rouges, ne
fait rien aujourd’hui par rapport à ça. Je pense qu’il va falloir qu’il y
ait une modification. Si j’avais été alerté à ce moment-là, de
quelconque façon – au mois de mai, mon fils s’est tué le 6 décembre, six
mois plus tard –, je pense que ça aurait changé le cours des choses. »
QU’EST-CE QUE TWITCH ?
Twitch est un site d’échange pour gamers,
sur lequel des diffuseurs – ils sont 1,7 million, selon Twitch –
publient des vidéos de leurs performances avec différents jeux. Les
membres, qui y passent en moyenne 106 minutes par jour, sont invités à
échanger entre eux sur des forums et des salles de clavardage.
UN ALGORITHME POSSIBLE ?
« Programmer
un système de reconnaissance des sentiments capable de détecter un
risque de suicide ne serait pas du tout impossible, mais ce ne serait
pas facile », estime Michel Gagnon, spécialiste de l’intelligence
artificielle à Polytechnique Montréal. De tels systèmes sont déjà
utilisés pour démasquer les terroristes dans certains forums de
discussion, par exemple. « Quand ça fonctionne, les algorithmes sont
même meilleurs que nous pour comprendre le ton d’un message. Même si le
mot “suicide” ou “mort” n’est jamais mentionné, ils distinguent
certaines régularités dans le message », précise M. Gagnon.
LES MOTS « SUICIDE » ET « KILL » SONT OMNIPRÉSENTS
Un
système fonctionnant par reconnaissance de termes serait pratiquement
inutile sur un site comme Twitch. Au moins une vingtaine d’utilisateurs
recensés par La Presse ont le
mot « suicide » dans leur pseudonyme (Suicide_Commando, Suicide_Squad,
Suicide_Plan, etc.) et l’expression « kill myself » apparaît dans
plusieurs descriptions d’extraits vidéo concernant des jeux vidéo.
UN SUICIDE EN DIRECT SUR TWITCH COMME EXEMPLE
« La
difficulté [de programmer des algorithmes capables de prévenir le
suicide], c’est qu’il leur faut un certain apprentissage. Il faut leur
fournir beaucoup de données, des exemples de textes qui permettraient
de reconnaître un certain comportement », ajoute M. Gagnon. Twitch a
justement déjà connu une expérience de suicide très médiatisée, à l’été
2014. Chloé Segal, une conceptrice de jeux vidéo en 2D, avait fait une
tentative de suicide en avalant plusieurs médicaments devant sa webcam.
Le triste événement avait été diffusé en direct sur le site, mais Mme Segal
avait eu auparavant de nombreux échanges écrits avec des membres,
notamment avec Allistair Pinsof, journaliste spécialisé en jeux vidéo
qui est devenu développeur.
RAPPORTER UNE MENACE DE SUICIDE
Comme
Facebook et Twitter, Twitch a adopté un code de conduite qui permet
déjà à ses membres de rapporter des propos laissant croire qu’une
personne « menace, tente ou est à risque de s’infliger des blessures ou
la mort », incluant les « menaces de suicide et la manipulation
psychologique intentionnelle ». « Nous prenons les comportements
autodestructeurs très au sérieux », affirme par courriel le directeur
des communications de Twitch, qui utilise le surnom de « Chase » pour
communiquer avec les médias. « Nous avons une équipe de modération en
fonction 24 heures sur 24, 7 jours par semaine, qui a pour mandat
d’assurer un environnement positif sur le site et qui enquête lorsque de
tels comportements sont rapportés. Nous vérifions chaque rapport et
prenons les mesures nécessaires si le rapport s’avère, ce qui inclut la
fermeture de canaux. » Twitch assure par ailleurs n’avoir aucun dossier
ouvert au sujet du fils d’Alexandre Taillefer.
DES SIGNES HUIT FOIS SUR DIX
Dans
huit cas sur dix, les jeunes qui font une tentative de suicide envoient
des signaux avant de passer à l’acte, affirme la psychologue Brigitte
Lavoie, ancienne directrice générale de Suicide Action Montréal. « Mais
ils ne disent pas nécessairement “je vais me suicider” ou “je vais me
tuer” », explique-t-elle. Il faut, en quelque sorte, savoir lire entre
les lignes. « Ce n’est pas normal qu’un jeune s’enferme constamment dans
sa chambre et qu’il soit toujours morose, illustre la psychologue. Ce
sont des signes de dépression auxquels il faut être très attentifs. »
Autre problème : les signes de suicide laissés sur les réseaux sociaux
sont souvent ignorés. « Quand un jeune a l’impression d’être dans la
confidence, quand il a l’impression qu’un ami lui a confié un grand
secret, il ne veut pas devenir celui qui va dévoiler ce secret »,
explique-t-elle. Il faut donc sensibiliser les adolescents au fait que
le suicide n’est pas un « choix ». « Il faut leur apprendre à
reconnaître que quand un proche parle de se suicider, c’est la
dépression qui parle. Et la dépression, ça se guérit. » http://plus.lapresse.ca/screens/331716aa-5b32-4232-b0f6-3bbbcc97c6c1|_0.html
***
Économie Amazon, Bell et la responsabilité sociale
Les propos de l'entrepreneur Alexandre Taillefer sur la multinationale Amazon à Tout le monde en parle
et la suspension puis le congédiement d'un animateur de radio par Bell
Média à la suite de propos malheureux diffusés sur Twitter nous
renvoient directement au concept de responsabilité sociale des
entreprises.
Si malheureuse soit-elle, cette affaire a le mérite de nous rappeler
combien les entreprises sont des entités qui ont des responsabilités,
qui font partie de la collectivité et, même si elles sont en bourse et
doivent livrer d'abord du rendement à leurs actionnaires, elles ne sont
pas exemptées, pour autant, de bien se comporter.
Récapitulons. Dimanche, Alexandre Taillefer, dont le fils s'est enlevé la vie, se demande, à Tout le monde en parle,
si Amazon n'aurait pas été en mesure de détecter les appels à l'aide de
ce dernier, en mai 2015, lors d'échanges avec d'autres internautes sur
la plateforme Twitch qui appartient à la multinationale depuis 2014.
Il pose la question puisque, de nos jours, les géants du web sont
capables de suivre nos déplacements en ligne, nos intérêts, nos achats,
nos comportements. Ils peuvent ainsi mieux cibler les propositions
qu'ils nous font.
Est-ce qu'Amazon a vu les échanges du fils d'Alexandre Taillefer sur
le réseau Twitch? Est-ce que l'entreprise aurait pu les voir et aurait
pu ainsi lancer une alerte avant que l'irréparable ne se produise?
Lundi, sur Twitter, un animateur de radio de la station Énergie
à Québec, propriété de Bell Média, a laissé entendre qu'Alexandre
Taillefer rejetait la faute, totale ou partielle (il n'a pas précisé),
du suicide de son fils, sur Amazon.
Le raccourci intellectuel de l'animateur, la réaction d'Alexandre
Taillefer à ces propos et celle du public ont poussé Bell Média à
suspendre son animateur, affirmant que ces propos ne respectaient pas le
code de conduite de l'entreprise. Bell Média est allé plus loin
aujourd'hui en annonçant son congédiement.
Les deux épisodes dans cette affaire nous renvoient donc à la
responsabilité sociale des entreprises. Cette responsabilité dépasse les
concepts de développement durable et de respect des lois du travail,
dont on parle souvent, à juste titre. Mais, c'est plus que ça. La
responsabilité sociale place l'entreprise comme étant un acteur social,
avec des responsabilités, des devoirs, des valeurs, des privilèges et
des droits. La responsabilité sociale d'Amazon Dans le cas qui nous intéresse aujourd'hui, Amazon ne peut pas se
contenter de se décrire comme un agent privé qui cherche à maximiser ses
profits en étudiant le comportement de ses usagers. Elle est partie
prenante de la société. Elle compte sur elle pour exister. Il y a donc
des responsabilités qui viennent avec ce privilège.
Amazon possède des informations et ne peut pas s'en servir qu'à ses propres fins. Elle est responsable.
Comme un médecin qui voit un homme faire une crise cardiaque devant
lui sur le trottoir, on peut se poser la question : est-ce qu'Amazon
doit avoir l'obligation de venir en aide à une personne en difficulté?
Dans la mesure où l'entreprise peut avoir accès à des informations sur
les utilisateurs de ses plateformes, ce qui lui permet de cibler ses
publicités et promotions en fonction du comportement d'achat des
consommateurs, comment ne pourrait-elle pas être obligée d'alerter les
autorités compétentes lorsqu'elle aperçoit une menace, un danger, une
violence?
Elle est là, la question d'Alexandre Taillefer. Amazon n'est pas
responsable de ce qui s'est malheureusement passé en décembre dernier
chez les Taillefer. Mais, elle est certainement responsable de prévenir
les autorités de ce qu'elle peut constater, dans la mesure où elle peut
voir et détecter les comportements décrits. La responsabilité sociale de BellLa responsabilité sociale d'une entreprise, c'est aussi son apport,
en tant que membre de la société, à la démocratie et au débat public.
Dans le but d'attirer de l'audimat et de faire des profits, les
grands groupes médiatiques osent parfois embaucher des animateurs
controversés. C'est leur droit. Et je ne nommerai pas d'animateurs en
particulier, vous les connaissez. Plusieurs ont tenu des propos
diffamatoires, ont été poursuivis, ont perdu leur emploi, sont revenus
au micro et ont tenu d'autres propos malheureux.
L'homme suspendu puis congédié par Bell Média s'est déjà adonné à la
diffamation et Bell Média a jugé bon de lui redonner une émission il y a
deux ans.
Ces gens sont embauchés et réembauchés par des groupes médiatiques.
Bell Média est l'un de ces groupes, mais cette entreprise n'est pas la
seule. Je ne veux pas me lancer dans un jugement de valeur, sur ce qui
est acceptable ou pas. J'ai déjà été dans la mire de ces animateurs, je
n'ai aucun compte personnel à régler.
Mais Alexandre Taillefer a clairement placé l'enjeu chez Paul Arcand
mardi matin à propos de l'employé de Bell Média : « Je ne peux pas
croire qu'une entreprise conserve ce gars-là derrière un micro, a-t-il
dit. C'est au détriment de notre société, c'est un message négatif qu'il
envoie constamment. Je ne peux pas croire que les cotes d'écoute sont
suffisantes pour justifier que quelqu'un comme ça conserve un micro. »
Jusqu'où le profit justifie la diffamation, l'accusation, le propos déplacé, malheureux, triste, gratuit?
Bell Média affirme que son animateur a dépassé les bornes lundi. Mais
ne l'avait-il pas déjà fait à plusieurs reprises dans le passé? Si Bell
Média avait agi dans l'intérêt public, en donnant du poids à son
engagement social, pourquoi alors avoir choisi de donner, en février
2014, un micro à un homme qu'elle doit congédier aujourd'hui?
Dimanche soir sur le plateau de l'émission Tout le monde en parle, l'homme d'affaires Alexandre Taillefer a accepté de parler du suicide de son fils Thomas en décembre dernier. Hier, en entrevue avec La Presse, il a accepté de préciser sa pensée, notamment en ce qui concerne la responsabilité sociale des entreprises.
On a dit toutes sortes de choses à la suite de l'apparition d'Alexandre Taillefer à Tout le monde en parle, dimanche.
De belles et de moins belles.
On a salué son courage, on a partagé sa peine, la sienne et celle de sa
femme Debbie, mais on s'est aussi demandé pourquoi il avait accepté
l'invitation de Guy A. Lepage. Quelle idée d'aller parler d'un sujet
aussi sensible, le suicide d'un enfant, dans une émission de variétés,
un dimanche soir ? Et pourquoi avoir mis Amazon au banc des accusés ?
N'aurait-il pas dû percevoir les signes de désespoir de son fils, son
appel à l'aide ? Car ces signes devaient bien exister, non ?
Hier, je l'ai appelé et il a accepté de me répondre. Pas pour se justifier, mais parce que je le lui ai demandé.
« J'en ai parlé à Tout le monde en parle parce que je subissais
une pression médiatique depuis trois mois, m'a-t-il expliqué. J'ai dit
non, non, non à toutes les demandes d'entrevues. Je ne me sentais pas
capable. Quand Guy A. m'a demandé si j'accepterais d'en parler, j'aurais
pu refuser. Mais j'ai consulté mon psychologue et mon psychiatre et
tous les deux m'ont dit que c'était une bonne idée de faire de la
sensibilisation. Alors, j'ai dit oui. »
Le regrette-t-il ? « Non. Si Debbie et moi, on est capables de faire une
petite différence, d'aider ne serait-ce qu'une ou deux personnes, on
aura gagné notre pari. »
Et non, il n'accuse pas non plus Amazon d'être responsable de la mort de
son fils de 14 ans, qui a mis fin à ses jours le 6 décembre. Pas plus
que le site Twitch, propriété d'Amazon, sur lequel Thomas avait parlé de
ses idées suicidaires. Mais il persiste à croire qu'une sorte de
surveillance pourrait être utile.
«Mon message est que si on peut utiliser des méthodes modernes
pour détecter des cas problématiques et les référer aux autorités
compétentes, il faut le faire. Les entreprises ont une certaine
responsabilité sociale.»
Alexandre Taillefer
Mais le vrai sujet, c'est la santé mentale. Thomas souffrait de
dépression profonde depuis environ quatre années. Il avait des idées
noires. Ses parents le savaient, mais ce qu'ils ignoraient, c'est que
les problèmes de santé mentale de leur fils pouvaient le pousser à
commettre l'irréparable. La prévention du suicide n'est pas une science
exacte. Il y a des choses à faire pour le prévenir et réduire son
incidence, mais très souvent, on ne voit pas ce qu'on aurait voulu voir.
« La maladie mentale, ce n'est pas un malaise permanent, dit Alexandre
Taillefer. C'est quelque chose dont on peut guérir, comme la grippe. Le
cerveau nous joue parfois des tours passagers. Si j'avais été
sensibilisé à ça, j'aurais agi différemment. Je ne croyais pas que
c'était un enjeu. J'ai erré... C'est très dur pour un couple de perdre
un enfant, mais Debbie ne me fait pas de reproches, on vit cette épreuve
ensemble. »
Se sent-il coupable ?
« Mon psychiatre m'aide à me déculpabiliser, répond-il. Je ne pense pas
avoir été un mauvais père. Je passais beaucoup de temps avec Thomas. Je
soupais avec lui tous les soirs et je le réveillais le matin pour
déjeuner avec lui. À ta question, je me donne "B" pour l'effort et "E"
pour le résultat. »
Le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les jeunes de 10 à 19
ans dans le monde. Selon l'Organisation mondiale de la santé, la moitié
des problèmes de santé mentale touchant des adultes apparaissent avant
l'âge de 14 ans, c'est donc une période vraiment critique. Mais on a
tendance à taire les problèmes de santé mentale en raison des préjugés
qui y sont rattachés.
« C'est un énorme tabou. On cultive sa santé physique. Mais quand vient
le temps de rencontrer un psychologue, on n'en parle pas, on a honte. Il
faut démystifier la maladie mentale. L'État doit faire de la prévention
du suicide et de l'éducation au secondaire, au moment où les élèves
sont les plus vulnérables. »
Parler du suicide d'un enfant et nourrir la réflexion collective, comme
le fait Alexandre Taillefer depuis dimanche, est un pas dans la bonne
direction. Et quand un animateur de radio ose écrire des choses odieuses
sur Twitter, comme l'a fait dimanche Jeff Fillion, suspendu hier par la
station Énergie, ça ne nous fait pas reculer. Ça nous fait avancer d'un
pas de plus.