d'après article "A Bordeaux, 15 patrons sauvés du suicide Par Jean-Philippe Déjean |
26/01/2016 sur objectifaquitaine.latribune.fr*
Gérard Perre, président du tribunal de commerce de Bordeaux (Crédits : JPD) C’est du jamais vu, le tribunal de commerce de Bordeaux s’implique dans la prévention du suicide des chefs d’entreprise en faillite par le biais d’une association d’aide psychologique. 25 dossiers signalés l’an dernier, pour 15 interventions.
Lors de l'audience solennelle de ce mardi matin, Gérard Perre, président du tribunal de commerce de Bordeaux, a mis l'accent sur les mesures de prévention et de conciliation appliquées en 2015 dans sa juridiction. A commencer par une innovation qui rencontre un réel succès, la création, en 2014, de l'association de soutien psychologique.
"Parmi les avocats ou encore les juges du tribunal de commerce nous avons formé près de 70 personnes, qui sont désormais capables de repérer le risque de suicide. Quand ce risque est détecté, on envoie le chef d'entreprise chez un psychologue. Nous avons dépisté 25 cas de ce type en 2015 et les psychologues en ont retenu 15. Bien sûr ces interventions sont gratuites", détaille ainsi le président Perre à La Tribune Bordeaux.
Si les dirigeants d'entreprise ne constituent pas la catégorie socioprofessionnelle la plus frappée par le suicide, ils ne peuvent pas échapper à ce risque.
Enrayer le suicide en deux séances
"Dans les journaux on entend rarement parler de ces chefs d'entreprise qui ont tout perdu et qui dorment dans leur voiture. C'est tellement dur pendant les procédures collectives que j'ai des juges qui craquent et qui demandent à changer de chambre car ils n'arrivent plus à faire face" résume Gérard Perre.
Ses prédécesseurs avaient mis l'accent sur un autre point vital, la prévention des dépôts de bilan, mais ce Bordelais d'origine auvergnate est bien le premier président du tribunal de commerce de Bordeaux à se préoccuper de sauver de la mort des chefs d'entreprise en faillite.
A la fois modeste et passionné par son sujet, Gérard Perre tient à remettre les faits dans leur contexte.
"C'est le tribunal de commerce de Saintes qui a le premier pensé à faire appel à des psychologues, mais avec des interventions très larges qui vont bien au-delà du risque de suicide. Notre objectif est qu'en une ou deux séances le psychologue arrive à désamorcer le risque de suicide. Nous travaillons avec une quinzaine d'entre eux, répartis dans tout le département, pour que le chef d'entreprise ne soit par forcément obligé de venir à Bordeaux pour consulter", explique le président.
La prévention, gratuit et confidentiel
Ce dernier n'est pas vraiment satisfait du volet prévention de l'activité du tribunal de commerce. Pourtant en 2015 les juges du tribunal de commerce de Bordeaux ont reçu 642 chefs d'entreprise. Un nombre que le président juge assez constant. Pour lui le problème vient du fait que ces chefs d'entreprises doivent être convoqués au tribunal et qu'ils n'y viennent pas d'eux-mêmes "parce que ça leur fait peur". Pourtant Gérard Perre précise que pour ces procédures de prévention, destinées à régler les problèmes avant qu'il ne soit trop tard, le port de la robe est interdit aux juges et qu'il s'agit de discuter, pas de juger.
"Cette procédure est confidentielle et gratuite. Elle est importante car il en faut des fois peu pour sauver une entreprise", observe Gérard Perre.
Spécialisé dans les procédures collectives
Concernant les problèmes de trésorerie, c'est-à-dire la couverture d'un manque ponctuel de fonds dans l'attente d'un versement significatif, le tribunal de commerce de Bordeaux propose l'intervention de médiateurs pour négocier un accord avec le banquier. Là aussi la confidentialité est garantie, le tribunal fait appel à des conciliateurs extérieurs et des mandataires ad hoc pour obtenir un étalement des dettes. Environ 60 conciliations de ce type ont lieu chaque année. D'autre part, l'évolution législative (avec la loi Macron) a fait du tribunal de commerce de Bordeaux une instance spécialisée dans le droit de la concurrence et les procédures collectives impliquant plus de 150 salariés. Autrement-dit c'est le seul en Aquitaine à avoir cette spécialisation. Concernant les destructions d'entreprises, Gérard Perre relève qu'elles ont été plus élevées jusqu'à septembre 2015 qu'en 2014, avant de se mettre à baisser.
Au final les deux années sont quasi identiques mêmes si les mises en liquidation ont selon le président fortement augmenté par rapport aux mises en redressement judiciaire. Selon Gérard Perre, ces disparitions brutales ont surtout touché les sociétés du second œuvre du bâtiment et de la petite restauration. Le bilan 2015 du tribunal de commerce de Bordeaux fait état de 8.806 créations et 4.810 radiations.
* http://objectifaquitaine.latribune.fr/conjoncture/2016-01-26/a-bordeaux-15-patrons-sauves-du-suicide.html