Une étude montre que 25% des personnes abattues par la police sont des désespérés"
La chercheuse Annie Gendron a levé le voile sur un sujet controversé, le suicide par policier interposé.
Amélie St-Yves Mardi, 5 janvier 2016 sur journaldemontreal.com*
NICOLET | Au moins une personne sur quatre tuée par des policiers au Québec a poussé les agents à l’abattre parce qu’elle était suicidaire.
Une première recherche sur le «suicide par policier interposé» vient de se terminer à l’École nationale de police de Nicolet.
La chercheuse Annie Gendron a analysé 47 cas, sur cinq ans, où les policiers ont eu à faire feu au Québec. Elle estime qu’au moins 25 % d’entre eux, soit une douzaine de cas, sont attribuables à un suicide camouflé.
« Les cas de suicide par policier interposé sont un bon exemple d’intervention complexe auprès de populations vulnérables et qui mérite notre attention pour développer notre formation et bien préparer nos aspirants policiers » – Annie Gendron
«La personne va tout faire pour augmenter la tension entre le policier et elle. Cette personne-là fait une mise en situation pour que le policier en vienne à utiliser son arme», explique Annie Gendron.
Avec les mêmes critères d’évaluation, ce taux grimpe à 35 % aux États-Unis et à 31 % en Australie.
«Mon taux est conservateur. On pourrait en avoir plus au Québec, mais on n’en a certainement pas moins», dit-elle.
Simulation à Nicolet
Les recherches d’Annie Gendron ont mené à une nouvelle simulation à l’École nationale de police du Québec, sur le sujet du suicide par policier interposé.
«Les cas de suicide par policier interposé sont un bon exemple d’intervention policière très complexe, auprès de populations vulnérables, et qui mérite notre attention pour développer notre formation et bien préparer nos aspirants policiers», dit la chercheuse.
L’étude mentionne que trois types de suicide par policier interposé existent. Le premier est impulsif et motivé par la colère.
«Très souvent, on va voir que ce sont des gens judiciarisés. Ce n’est pas leur premier contact avec la police. Du fait qu’il y a une intervention policière liée à eux, ils peuvent, de manière impulsive et spontanée, décider de mettre fin à leurs jours», poursuit Mme Gendron.
Le deuxième type est prémédité. Les gens commettent un délit mineur, pour ensuite provoquer une escalade de moyens, jusqu’à se faire abattre.
Il se peut aussi que les suicides camouflés surviennent quand les policiers interviennent auprès d’une personne parce qu’elle veut mettre fin à ses jours. Si la victime est déjà armée pour un suicide auto-infligé, il se peut qu’elle menace la police pour se faire abattre.
Des cas qui se sont produits au Québec
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Integralité de l'article * http://www.journaldemontreal.com/2016/01/05/des-suicidaires-qui-se-servent-des-policiers
Autre article
8 janvier 2016
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Marco Bélair-Cirino - Correspondant parlementaire à Québec |
Actualités en société sur ledevoir.com**
Plus de 25 % des personnes tombées sous les balles d’un policier
cherchaient à mettre fin à leurs jours. Dans un ultime geste de « désespoir » ou de « colère »,
elles ont forcé des agents de la paix à les abattre en mettant
volontairement leur sécurité en péril, conclut Annie Gendron, chercheuse
à l’École nationale de police du Québec (ENPQ), après avoir passé en
revue des dizaines de rapports d’enquête indépendante.Entre 2006 et 2010, 12 des 47 personnes atteintes de projectiles provenant d’agents de la paix québécois voulaient commettre un « suicide par policier interposé ». « La personne va foncer volontairement vers le policier, même si celui-ci lui dit : “Baisse ton arme ! Je vais devoir faire feu si tu ne baisses pas ton arme !” Elle fonce quand même vers lui et tente de l’agresser, dans l’intention d’être atteinte par un projectile policier », explique Mme Gendron dans un entretien téléphonique avec Le Devoir.
En cinq ans, sept personnes se sont « donné la mort » au moyen de ce « modus operandi » largement méconnu des policiers, indique-t-elle, précisant du même souffle que cinq autres personnes ont subi des blessures.
Parmi les 12 personnes ayant « utilisé » un policier pour s’enlever la vie ou tenter de le faire, « la plupart, sinon toutes », avaient préalablement eu des démêlés judiciaires. Une « proportion très élevée » d’entre elles étaient également atteintes de troubles de santé mentale ou souffraient de problèmes liés à la consommation d’alcool ou de drogue, a noté la chercheuse à l’ENPQ.
Le suicide par policier interposé peut être « spontané », « impulsif » ou, au contraire, « planifié », souligne-t-elle. « Dans certains dossiers, il y avait des lettres qui mentionnaient très clairement l’intention des personnes de provoquer les policiers pour être atteintes par des projectiles policiers. […] Il y en a d’autres où c’est un tout petit peu moins clair », dit Mme Gendron. Elle pointe des « dossiers » de personnes voulant éviter à tout prix de retourner derrière les barreaux. Dans ces cas-là, la décision de se suicider est prise « beaucoup plus sous l’effet de la colère ». « Tout d’un coup, tout se bouscule, elles se sentent prises et ne veulent pas retourner en prison. »
Peu de temps
Par ailleurs, la « très très courte durée » des interventions — majoritairement moins de 10 minutes, parfois deux minutes — laisse peu de temps aux policiers pour comprendre qu’ils ont face à eux un individu animé par une pulsion suicidaire.
Le phénomène du suicide par policier interposé est moins répandu au Québec qu’aux États-Unis et en Australie, où respectivement 35 % et 31 % des individus atteints par des projectiles policiers voulaient se suicider, fait-elle remarquer.
À quelques mois de l’ouverture du Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), Mme Gendron recommande une série de mesures afin de l’enrayer. Elle propose notamment aux établissements de santé et de services sociaux et aux corps de police d’accroître le partage d’informations au sujet des « individus à haut risque ». Elle suggère aussi d’« améliorer » la formation policière dispensée à l’ENPQ : « entraîner les policiers à la maîtrise de soi en situation de stress [et à des] stratégies pour étirer le temps », par exemple. « [Une nouvelle simulation] a été intégrée en octobre. Jusqu’à maintenant, il y a eu 150 aspirants policiers qui ont été formés avec cette nouvelle mise en situation », indique de son côté la porte-parole de l’ENPQ, Andrée Doré.
** http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/459649/le-phenomene-des-suicides-par-policier-interpose-mis-au-jour