mardi 12 janvier 2016

REGARD DE SOIGNANTS - TEMOIGNAGE - REFLEXION CRITIQUE DEBAT "Pas d’autonomie sans réciprocité"

"Pas d’autonomie sans réciprocité

"Monsieur O. est « placé » en EHPAD depuis quelques mois. Il a dépassé 70 ans et est traité pour schizophrénie depuis des dizaines d’années. Il vivait auparavant « en autonomie », aidé dans sa vie quotidienne par sa famille. Une petite vie tranquille, avec les copains et le PMU. Quelques crises de temps en temps, bien régulées par la famille. Mais il semble que la sœur vieillissante ne trouve plus les ressources nécessaires pour s’occuper de lui. Et c’est la crise de trop. Monsieur O. est hospitalisé en psychiatrie à la demande de la sœur, et via le CMP[1] qui le « suit ». L’enjeu est de « trouver une solution ». Et c’est ainsi qu’il se retrouve en institution de personnes âgées. Tout se passe « bien » les premiers mois. Au moment d’une fête familiale, il part passer quelques jours dans sa famille. Et au retour, il se renferme, refuse de manger, de se laver. Auparavant, Monsieur O. était très compliant, calme, relativement communicatif, venant rigoureusement à l’heure aux repas, allant fumer sa cigarette dans le jardin. Bien qu’il préfère y être seul et s’arrange pour sortir quand il n’y a personne d’autre. Deux mois plus tard, il est de nouveau convié dans sa famille. Le psychiatre est consulté pour donner sa « permission », que d’ailleurs ni lui ni personne n’a à donner, mais 50 ans de carrière psychiatrique de Monsieur O. et de sa famille sont passés par là. Lors de ce 2e séjour, catastrophe, il fait une tentative de suicide, est hospitalisé en urgence, et ramené rapidement dans l’institution. Sa sœur nous dira pourtant qu’il était content et allait bien.
Dans cette institution chacun y va de son interprétation. Une infirmière de l’Ehpad pense que si Monsieur O. va mal, c’est que le traitement a été changé (suppression d’un des deux antidépresseurs, augmentation du neuroleptique). Comment faire comprendre que le changement de traitement est la conséquence et non la cause de la dégradation de la santé mentale de Monsieur O. pense le psychiatre ?
L’infirmière du CMP pense pour sa part que cette dégradation liée au désir de Monsieur O. de rentrer chez lui relève de sa pathologie, qu’il s’agit d’un « délire structuré » de réinterprétation du monde car il se comporte comme si le monde était hostile en dehors d’un oncle, depuis longtemps décédé, mais qui, lui, l’accueillerait. De son côté le médecin traitant lui demande directement ce qui ne va pas ; ce qui ne va pas, c’est sa vie dans la maison de retraite. On lui avait dit que c’était une maison de repos, et  qu’il rentrerait chez lui au bout de 6 mois, dès qu’il irait mieux. Durée qui correspond au moment de la tentative de suicide. A quoi bon continuer de vivre dans ces conditions, affirme-t-il.
Qu’en est-il de la « réalité » de cet homme ? Entre maladie, traitement, vie sociale, chacun recompose son propre récit de la situation, sous-tendu par son expertise professionnelle... Lire la suite*  http://lagelavie.blog.lemonde.fr/2016/01/11/pas-dautonomie-sans-reciprocite/