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Publié le 27/06/2015 sur http://www.jim.fr/e-docs/maladies_psychiatriques_et_droit_a_l_euthanasie__152934/document_jim_plus.phtml
Bruxelles, le samedi 27 juin 2015 – Il nous est arrivé à plusieurs reprises de faire le portrait de jeunes vies brisées. Des adolescents, des jeunes adultes, à peine sortis de l’enfance, frappés par une maladie incurable et qui se préparent à quitter le monde. Si leur nom apparaît dans ces colonnes, c’est qu’ils ont choisi d’une manière ou d’une autre de "mettre en scène" leurs dernières heures. Pour récolter des fonds contre le cancer, transmettre un message positif au monde ou évoquer comment internet aurait presque pu sauver leur vie. Ces témoignages peuvent également aborder la question de l’euthanasie, comme ce fut le cas il y a quelques mois de l’histoire poignante de Brittany Maynard. Ces jeunes gens étaient tous atteints de cancer.
L’envie de mourir depuis la maternelle
Et il y a Laura. La maladie de Laura ne se lit pas sur son corps. Les journalistes du quotidien belge De Morgen qui l’ont rencontrée assurent même qu’elle apparaît en parfaite santé physique. Pourtant, Laura est malade. Depuis sa plus tendre enfance. Une dépression sévère et chronique qui la poursuit depuis la maternelle. Déjà, à cette époque, elle rêvait de quitter la terre. Sa vie a été jalonnée de traitements, internements dans des instituts psychiatriques, tentatives de suicide, automutilation. Laura a tenté d’aller contre, de dépasser la maladie : elle a aimé passionnément le théâtre, un homme. Mais toujours, la dépression l’a rattrapée, empêchant un à un tous ses projets et la laissant la seule proie de sa souffrance. Aujourd’hui Laura a 24 ans. Elle partage sa vie entre un petit appartement et un institut psychiatrique. C’est au sein de ce dernier, qu’elle fait la rencontre d’une autre patiente, Sarah. Sarah a fait une demande d’euthanasie. Elle évoque le sujet avec Laura qui bientôt considère que c’est pour elle l’unique issue possible. Elle dépose son dossier.
« Mes 24 ans ont été une éternité »
En Belgique, dans ces cas où la "fin de vie" n’est pas proche, l’avis de deux médecins, outre celui qui accepte de réaliser l’euthanasie est requis. La procédure de vérification est très longue et minutieuse : entre huit et douze mois. Il s’agit de déterminer si le patient répond aux critères de la loi qui permet l’euthanasie, si le malade est conscient au moment de sa demande, si cette dernière est formulée de manière réfléchie, répétée et sans pression extérieure et si le patient présente une souffrance constante et insupportable qui ne peut être apaisée et qui résulte d’une affection accidentelle ou une pathologie grave et incurable. Dans le cas de Laura, en dépit des conversations avec Sarah et bien que le désir de mort est un symptôme classique de l’affection dont elle est atteinte, les experts ont considéré que les conditions étaient réunies. Dans quelques semaines, la jeune femme mourra. Elle affirme à De Morgen se sentir « délivrée d’un poids énorme » et ajoute : « Ma vie est un combat depuis ma naissance. Quotidien. Certains jours, je me traîne littéralement de seconde en seconde. Mes 24 ans ont donc été une éternité ».
Les maladies psychiatriques sont aussi dévastatrices que les autres
Le témoignage bouleversant de cette si jeune femme, semblant si ancrée dans la vie, a évidemment relancé en Belgique et partout dans le monde le débat autour de la spécificité des demandes d’euthanasie au cours des affections psychiatriques. Peut-on considérer que le jugement des patients est parfaitement lucide ? Peut-on être totalement assuré d’une impossible amélioration ? Peut-on répondre à une demande qui est peut-être une des manifestations de la pathologie ? Cependant, nier que l’euthanasie puisse également soulager d’insupportables souffrances psychiques participe peut-être également à une minimisation de l’impact terrible de ces pathologies dans l’existence de ceux qui en souffrent.
50 demandes par an
Au-delà de ces réflexions, en Belgique et dans le reste du monde, cette affaire incite à suspecter de nouveau des dérives belges dans l’application du "droit" à l’euthanasie. Les témoignages de quelques familles affirmant qu’une euthanasie a été pratiquée sur leur proche sans un strict respect des procédures refont surface. Surtout, on évoque ces cas de patients atteints de souffrances psychiques, ayant obtenu le droit d’être euthanasié, qui ont défrayé la chronique. Beaucoup avaient ainsi parlé il y a quelques années de la mort d’un transsexuel, ayant demandé à mourir après une intervention "ratée" de changement de sexe. Mais à côté de ces cas très médiatisés qui toujours relancent la polémique, on compte selon le professeur Wim Distelmans, président de la commission fédérale de contrôle et d'évaluation de l’euthanasie, cinquante personnes atteintes de souffrances psychiques qui obtiennent le droit d’être euthanasié chaque année. La moitié y renonceraient finalement ; signe de la complexité de ces cas, même si les renoncements ne sont pas non plus rares dans le cas des maladies somatiques.
Aurélie Haroche