Le 22 mai à 06h00 par
Tous les deux ont conclu qu’il fallait structurer un réseau autour des 147 personnes formées ces dix dernières années en Charente limousine, un secteur très sensible. «Ce réseau, on veut le construire avec les sentinelles, en fonction de leurs attentes.» Et ils pourraient dupliquer le dispositif dans le Cognaçais. Cette étape n’en est qu’au stade de la réflexion.
Sortir de l’isolement
Jeudi, chacune des 20 sentinelles du Confolentais qui ont répondu à l’invitation a pu s’exprimer. Certaines pour la première fois depuis leur formation. «Moi je travaille dans un chantier d’insertion et je me sens assez isolée face à la détresse des gens», constate Natacha Gabriel.
L’accompagnatrice socioprofessionnelle interroge: «Que faire entre la détection d’une personne en crise suicidaire et sa prise en charge par le centre médico-psychologique?»
Marie-Claire Michel, secrétaire à la Maison départementale des solidarités à Chasseneuil, le reconnaît, malgré sa formation, elle n’ose pas. «Il est difficile de poser la question sur les intentions suicidaires de quelqu’un lorsqu’on a la personne au téléphone.»
Un autre se demande pourquoi les pompiers ou les gendarmes, ou même les gens de Pôle emploi ne sont pas aussi des «sentinelles». Peut-on appeler directement le centre de crise? Avec qui débriefer après avoir aidé quelqu’un? Les questions ne manquent pas. Les attentes sont fortes.
«Le réseau doit être un point d’appui et doit mettre à disposition des personnes ressource», analyse Arnaud Jodier, psychologue clinicien. Gaëlle Lefrère imagine aussi une cartographie des sentinelles: «On a envisagé de créer un groupe ressource, de mettre en place des fiches d’alerte.» Des idées à concrétiser, un prochain rendez-vous aura donc lieu après l’été.
Michel Fonteneau, retraité, ne devrait pas le rater. Secouriste depuis vingt-quatre ans, il en a «vu des gens au bord du gouffre». «Depuis que j’ai fait cette formation, j’ai pu aider quatre personnes.» Dont une, en juillet dernier. «Elle est devenue ma femme.»
Les chiffres
88 décès par suicide en 2011 en Charente. 407 dans la région avec une particularité, une forte proportion des plus de 75 ans. Ils étaient 94 dans cette tranche d’âge au niveau régional et 21 dans le département.1.123 tentatives de suicide constatées en 2011 aux urgences en Charente, dont 734
ont conduit à une hospitalisation. Dans la région, il y en a eu 4.900 entraînant 3.000 hospitalisations. 10% des personnes ayant fait une tentative de suicide décéderont par suicide dans les dix ans. 44% des récidivistes sont des adolescents. Le taux de récidive, tous âges confondus, est de 34 %. 1.133 sentinelles formées depuis 1999, dont 147 en Charente limousine. Parmi elles, 15 % ont pu empêcher un désespéré de passer à l’acte. 23 pour 100.000, c’est le taux moyen constaté dans la région de mortalité par suicide. En Charente limousine, le taux moyen est au-dessus de 24 pour 100.000 et dans le secteur de Roumazières, ce taux dépasse les 30 pour 100.000.