A ecouter sur http://www.franceculture.fr/emission-pixel-comment-remedier-aux-suicides-dans-la-%E2%80%AApolice%E2%80%AC-2014-07-04#xtor=EPR-32280591 Comment remédier aux suicides dans la police ?
Depuis le début de l’année 2014, 21 policiers se sont donné la mort. Si le lien entre le suicide du fonctionnaire de police et ses conditions de travail est rarement reconnu, il existe. Comment éviter le passage à l’acte ? Peut-on mieux identifier et prévenir les facteurs de risque ? Témoignages et analyses de professionnels recueillis par Nathalie Lopes et via notre compte Twitter.
Suicide d'un policier : rassemblement devant le commissariat de Brest le 20 novembre 2013 Alain Coquil © Le Télégramme / Maxppp
Philippe Berthot, brigadier de 46 ans, en poste au commissariat de Poitiers, se plaignait d’avoir été muté de façon « arbitraire » et des « méthodes de management de son chef ». Il vivait mal les remarques répétées de son supérieur, ainsi que l’éloignement du terrain. Cette mutation lui a été notifiée quatre jours avant qu'elle soit effective, sans explication. Le policier Philippe Berthot s’est donné la mort en juillet 2004.
Il aura fallu dix ans de procédure pour que le tribunal administratif de Poitiers reconnaisse le 21 mai dernier le lien entre son suicide et son service. Une première en France.
Pour maître François Gaborit, l'avocat de sa famille, toute la difficulté réside dans le statut des policiers qui complique énormément l'obtention d'éléments de preuve contre l'administration :
à écouter http://www.franceculture.fr/emission-pixel-comment-remedier-aux-suicides-dans-la-%E2%80%AApolice%E2%80%AC-2014-07-04#xtor=EPR-32280591
Actuellement, le nombre de suicides de policiers est en moyenne de 42 par an, soit 5 pour 10.000.
Bien plus qu’à France Telecom ou chez Renault.
La psychologue du travail Nadège Guidou a étudié de près ce malaise dans la police. C'est d'ailleurs le titre du livre qu'elle a publié il y a deux ans à ce sujet.
Elle y décrit les symptômes identifiables du mal-être au travail. Un mal-être qui peut se transformer en souffrance et qui, s’il n’est pas traité à temps, peut entraîner le passage à l’acte.
Elle explique que « la dégradation de la santé passe d’abord par la dégradation des conditions de travail. » Et elle ajoute que l’isolement est l’un des premiers symptômes visibles du policier en détresse.
Ce phénomène est loin d'être négligeable puisque dans son rapport de 2010 sur les suicides dans la police (entre 2005 et 2009), l'Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM) a révélé que le risque était supérieur de 36 % pour ce métier par rapport au reste de la population.
L’arme de service est le plus souvent utilisée et en 2013, selon le ministère de l’Intérieur, 13 fonctionnaires de police ont mis fin à leur vie sur leur lieu de travail, soit un quart des suicides.
Moment critique d'après Nadège Guidou : après dix ans d'exercice. « L’usure professionnelle » et le « besoin de changer de service » font partie des facteurs déclencheurs et certains signes sont généralement récurrents précise la psychologue : à écouter
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On ne les prépare pas assez à l'école à des situations difficiles
Ancien gardien de la paix, puis spécialisé dans les enquêtes scientifiques avant de passer par les stups, Patrick Jacquet se consacre depuis plusieurs années à épauler les policiers en détresse.
Il a répondu à ceux qui souffraient d'alcoolisme et oeuvre désormais à l'Union Nationale des Retraités de la Police, dont il est secrétaire national.
Selon lui, il faut avant tout revoir la formation des jeunes policiers qui souvent quittent le cocon familial pour se retrouver dans la « dure réalité » du métier de policier.
Et d'ajouter : « quand quelqu'un ne va pas bien, il faut lui poser la question pour savoir s'il a pensé au suicide. Pourquoi on ne la pose pas ? Parce qu'on a peur de la réponse. D'être dans l'impossibilité de réagir à la réponse » : à ecouter
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Découvrez les nombreuses réactions de policiers et de gendarmes que nous avons recueillies via le compte Twitter : à voir sur
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Annie Jouan elle aussi est ancienne flic. Elle a même été la première dans le Val d'Oise !
Aujourd'hui retraitée, elle préside l’association "SOS fonctionnaire victime" et tente ainsi de pallier à certaines défaillances des syndicats pour éviter le pire.
Celle qui affirme avoir toujours aimé son boulot, sans compter ses heures ni sa fatigue, met aussi en avant la politique du chiffre, les pressions administratives et le manque de moyens.
De quoi restreindre toujours plus la marge de manoeuvre du policier et l'atteindre dans sa fonction et son intégrité.
Quant au harcèlement et au management abusif, « La sanction des faits incriminés n’existe pas… Elle se traduit plus par des mutations pour l’intérêt du service qui déplace les harceleurs et les mauvais manageurs. Et la personne qui a été harcelée ou discriminée, il faut qu’elle se reconstruise ailleurs… et elle est marquée d’une pierre blanche ».
Annie Jouan : à ecouter http://www.franceculture.fr/emission-pixel-comment-remedier-aux-suicides-dans-la-%E2%80%AApolice%E2%80%AC-2014-07-04#xtor=EPR-32280591
Ce que nous en a dit l'administration
Depuis 1996, une structure en particulier répond à ces maux : le Service de Soutien Psychologique Opérationnel (SSPO).
Basée dans le quartier de Bercy, à Paris, elle dispose notamment de 60 psychologues dans toute la France. Une équipe qui travaille en collaboration avec les CHSCT, les assistantes sociales et les médecins du travail.
Tous ont ainsi pu aboutir à la rédaction d'un guide de santé distribué dans tous les commissariats et systématiquement dans les écoles d'officiers.
Pour ce service de soutien, il s'agit de « créer des conditions de travail optimales pour le collectif mais aussi pour chaque individu » explique Philippe Leraître, sous directeur de l'action sociale et de l'accompagnement du personnel à la direction générale de la Police : à ecouter
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>>> Signalons aussi les initiatives de l'ANAS, l'association nationale d'action sociale de la police nationale. Dont le centre de Courbat, en Indre et Loire, où s'était rendue Florence Sturm fin 2011, pour "Le Choix de la rédaction" :
L'exemple québécois
Video : http://www.franceculture.fr/emission-pixel-comment-remedier-aux-suicides-dans-la-%E2%80%AApolice%E2%80%AC-2014-07-04#xtor=EPR-32280591
Face au nombre croissant de suicides, le Québec a mis en place au début des années 90 un programme de soutien aux policiers. Formation des encadrants, solidarité entre collègues, campagne de sensibilisation, et création d’un centre de prise en charge des intervenants en situation d'urgence, dont les policiers en détresse : la Vigile. Il propose quatre types cures, de 7 à 21 jours. Grâce à ce programme, le nombre de suicides a baissé de 78% en 30 ans (de 18 à 4 par an). Alors que dans le même temps, en 20 ans, la France est passée de 50 suicides par an à 40.
Président de "La Vigile", Jacques Denis Simard estime que « c’est normal pour un policier de prendre en charge un collègue (…), il va s’impliquer et s’investir totalement. » Car au Québec, tous les agents sont d'entrée formés à ces risques et alertent naturellement à propos de ceux et celles qui pourront séjourner à "La Vigile". Jacques Denis Simard :à écouter http://www.franceculture.fr/emission-pixel-comment-remedier-aux-suicides-dans-la-%E2%80%AApolice%E2%80%AC-2014-07-04#xtor=EPR-32280591
Mise en ligne avec la collaboration d'Eric Chaverou et d'Abdelhak El Idrissi sur http://www.franceculture.fr/emission-pixel-comment-remedier-aux-suicides-dans-la-%E2%80%AApolice%E2%80%AC-2014-07-04#xtor=EPR-32280591