Publié le 10/10/2013
Communiqué de presse sur http://www.invs.sante.fr/Espace-presse/Communiques-de-presse/2013/Surveillance-de-la-mortalite-par-suicide-des-agriculteurs-exploitants-premiers-resultats
Surveillance de la mortalité par suicide des agriculteurs exploitants : premiers résultats
Un excès de suicide parmi les
travailleurs du monde agricole a été mis en évidence dans plusieurs
études françaises et internationales. Dans ce contexte, l’Institut de
veille sanitaire (InVS) et la Caisse centrale de la mutualité sociale
agricole (CCMSA) se sont associés afin de produire des indicateurs
réguliers de mortalité par suicide dans la population des agriculteurs.
L’InVS publie aujourd’hui les résultats de la première analyse de
mortalité par suicide portant sur des données nationales exhaustives
chez les agriculteurs exploitants. Cette étude s’inscrit dans le plan de
prévention du suicide dans le monde agricole, annoncé par le ministère
de l’Agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt en mars 2011 et
dont la mise en œuvre a été confiée à la Mutualité sociale agricole
(MSA).
Le suicide : 3ème cause de décès chez les agriculteurs exploitants
La population étudiée est constituée des chefs d’exploitations agricoles et de leurs conjoints collaborateurs, en activité professionnelle pendant au moins une des trois années d’étude : 2007, 2008 ou 2009. En moyenne, cela représente environ 500 000 personnes chaque année dont 68 % d’hommes et 32 % de femmes. Durant les trois années étudiées, 2 769 décès ont été observés chez les hommes et 997 chez les femmes. Parmi ces décès, 417 suicides chez les hommes (respectivement 130, 146 et 141 en 2007, 2008 et 2009) et 68 chez les femmes (19, 27 et 22 en 2007, 2008 et 2009) ont été enregistrés. Sur l’ensemble de la période analysée, les suicides représentent la troisième cause de décès de cette population, après les décès par cancer et par maladies cardiovasculaires.
La population étudiée est constituée des chefs d’exploitations agricoles et de leurs conjoints collaborateurs, en activité professionnelle pendant au moins une des trois années d’étude : 2007, 2008 ou 2009. En moyenne, cela représente environ 500 000 personnes chaque année dont 68 % d’hommes et 32 % de femmes. Durant les trois années étudiées, 2 769 décès ont été observés chez les hommes et 997 chez les femmes. Parmi ces décès, 417 suicides chez les hommes (respectivement 130, 146 et 141 en 2007, 2008 et 2009) et 68 chez les femmes (19, 27 et 22 en 2007, 2008 et 2009) ont été enregistrés. Sur l’ensemble de la période analysée, les suicides représentent la troisième cause de décès de cette population, après les décès par cancer et par maladies cardiovasculaires.
Les agriculteurs exploitants hommes et les filières d’élevage bovin plus particulièrement concernés
Un excès significatif de suicides a été observé chez les hommes exploitants agricoles à partir de 2008, comparativement à la population générale de même âge. Cette surmortalité par suicide est de 28 % en 2008 et de 22 % en 2009. L’excès est notamment marqué chez les hommes entre 45 et 64 ans et plus particulièrement dans les filières d’élevage bovins-lait et bovins-viande qui présentent en 2008 et 2009 les surmortalités par suicide les plus élevées. Ces observations coïncident avec la temporalité des problèmes financiers rencontrés dans ces secteurs sur la période d’étude.
Un excès significatif de suicides a été observé chez les hommes exploitants agricoles à partir de 2008, comparativement à la population générale de même âge. Cette surmortalité par suicide est de 28 % en 2008 et de 22 % en 2009. L’excès est notamment marqué chez les hommes entre 45 et 64 ans et plus particulièrement dans les filières d’élevage bovins-lait et bovins-viande qui présentent en 2008 et 2009 les surmortalités par suicide les plus élevées. Ces observations coïncident avec la temporalité des problèmes financiers rencontrés dans ces secteurs sur la période d’étude.
Surveillance de la mortalité par suicide des agriculteurs exploitants. Rapport.
Surveillance de la mortalité par suicide des agriculteurs exploitants
Premiers résultats
Auteur(s) : Bossard C, Santin G, Guseva Canu I
Editeur(s) : Institut de veille sanitaire
ISSN : 1956-5488
ISBN NET : 978-2-11-138337-1
Citation suggérée : Bossard C, Santin G, Guseva Canu I. Surveillance de la mortalité par suicide des agriculteurs exploitants. Premiers résultats. Saint-Maurice : Institut de veille sanitaire ; 2013. 26 p.
Publication non disponible au format papier
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RÉSUMÉ :
Un excès de risque de décès par suicide a été observé chez les agriculteurs dans plusieurs études françaises et internationales.
Dans ce contexte, l’Institut de veille sanitaire (InVS) et la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) se sont associés afin de produire des indicateurs réguliers de mortalité par suicide dans la population des agriculteurs. Dans un premier temps, la population étudiée est limitée aux chefs d’exploitation et à leurs conjoints collaborateurs, en activité professionnelle.
L’étude porte sur les années 2007, 2008 et 2009. La population étudiée comporte en moyenne 500 164 personnes par an dont 68 % d’hommes et 32 % de femmes. Durant les trois années, 2 769 décès ont été observés chez les hommes et 997 chez les femmes.
Parmi ces décès, on a observé 417 suicides chez les hommes (respectivement 130, 146 et 141 en 2007, 2008 et 2009) et 68 chez les femmes (respectivement 19, 27 et 22 en 2007, 2008 et 2009). Les suicides représentent sur l’ensemble de la période étudiée la troisième cause de décès de cette population. La comparaison de la mortalité par suicide des agriculteurs exploitants à celle des hommes du même âge dans la population française montre un excès de suicides de 28 % en 2008 et de 22 % en 2009. Cet excès est surtout marqué dans les classes d’âge de 45 à 64 ans et dans les secteurs des filières d’élevage bovins-lait et bovins-viande qui présentent en 2008 et 2009 les surmortalités par suicide les plus élevées. Ces résultats préliminaires confirment la nécessité de poursuivre la surveillance dans cette population.
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PRESSE
Le suicide : troisième cause de décès chez les agriculteurs
Par La rédaction d'Allodocteurs.fr
rédigé le 10 octobre 2013, mis à jour le 10 octobre 2013http://www.allodocteurs.fr/actualite-sante-le-suicide-troisieme-cause-de-deces-chez-les-agriculteurs--11423.asp?1=1
Les suicides représentent la troisième cause de décès parmi les travailleurs du monde agricole, après les décès par cancer et par maladies cardiovasculaires. L'Institut de Veille Sanitaire (InVS) publie aujourd'hui, jeudi 10 octobre 2013, les résultats de la première analyse de mortalité par suicide chez les agriculteurs exploitants. Ecoutez le témoignage de Marcel Michel, éleveur agriculteur en Lozère. Propos recueillis par Morgane Belloir. http://www.allodocteurs.fr/actualite-sante-le-suicide-troisieme-cause-de-deces-chez-les-agriculteurs--11423.asp?1=1
Le suicide : troisième cause de décès chez les agriculteurs
L'Institut de veille sanitaire (InVS) et la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) se sont associés afin de produire des indicateurs réguliers de mortalité par suicide dans la population des agriculteurs.
Sur une population de 500.000 personnes, constituée des chefs d’exploitations agricoles et de leurs conjoints collaborateurs (dont 68% d'hommes et 32% de femmes), 2.769 décès ont été observés chez les hommes et 997 chez les femmes, entre 2007 et 2009. Parmi ces décès, 417 suicides chez les hommes (respectivement 130, 146 et 141 en 2007, 2008 et 2009) et 68 chez les femmes (19, 27 et 22 en 2007, 2008 et 2009) ont été enregistrés.
Sur l'ensemble de la période analysée, après le cancer et les maladies cardiovasculaires, les suicides représentent la troisième cause de décès de cette population.
Un excès significatif de suicides a été observé chez les hommes exploitants agricoles à partir de 2008, comparativement à la population générale de même âge. Cette surmortalité par suicide est de 28% en 2008 et de 22% en 2009. L’excès est notamment marqué chez les hommes entre 45 et 64 ans et plus particulièrement dans les filières d’élevage bovins-lait et bovins-viande qui présentent en 2008 et 2009 les surmortalités par suicide les plus élevées. Ces observations coïncident avec la temporalité des problèmes financiers rencontrés dans ces secteurs sur la période d’étude.
Ecoutez l'analyse de René Clavilier, psychothérapeute et ancien travailleur agricole.
Propos recueillis par Morgane Belloir. http://www.allodocteurs.fr/actualite-sante-le-suicide-troisieme-cause-de-deces-chez-les-agriculteurs--11423.asp?1=1
Retrouvez l'intégralité de ces témoignages dans la série In vivo diffusée la semaine du 18 novembre 2013
Ces résultats préliminaires confirment la nécessité de poursuivre la surveillance de la mortalité par suicide dans cette population. Toutefois, il s'agit d'une étude descriptive ne permettant pas de mettre en évidence de relation causale entre l’activité agricole et la surmortalité par suicide observée. L'actualisation régulière des données permettra de suivre l’évolution du phénomène analysé et d'avancer des hypothèses explicatives permettant de mieux cibler les mesures préventives.
En attendant, certains départements ont déjà entrepris de lutter contre la solitude des agriculteurs, de plus en plus victimes de dépression. En Lozère, la Mutualité sociale agricole a ainsi mis en place, en 2011, un projet pour rompre cet isolement. Des assistantes sociales leur rendent visite pour les aider dans la gestion de leurs papiers administratifs... Ces rencontres permettent d'apporter une aide psychologique aux agriculteurs, mais aussi de parler de difficultés rarement évoquées avec l'entourage.
REVUE DE PRESSE :
Le suicide est dans le pré du 13/10/2013 http://www.lejdd.fr/Societe/Le-suicide-est-dans-le-pre-633752
ENQUETE - Crise
sociale, crise morale, solitude, honte… Un agriculteur se suicide tous
les deux jours en France. Une étude inédite dévoile l'ampleur d'un drame
insoupçonné.
Paru dans leJDD
Il y a eu 485 suicides entre 2007 et 2009 chez les agriculteurs. (Reuters)
L'homme a une quarantaine d'années, il en a
gros sur le cœur. Il désigne son cou : "Comme ça, avec la ficelle du
peignoir." Cet agriculteur a envisagé le suicide et le dit devant la
caméra de Jean-Louis Saporito, dans le film Dans le silence des campagnes.
Mais le plus souvent, ce silence des campagnes, fait de pudeur et de
honte, étouffe des drames insoupçonnés. Le travail de la terre est un
choix de vie ; le désespoir est d'autant plus violent quand l'échec
arrive. L'Institut de veille sanitaire (InVS) a publié jeudi la première
étude sur le suicide chez les agriculteurs. Tous les deux jours, l'un
d'eux se donne la mort en France.
La terre du silence
"Le suicide d'un agriculteur ne fait pas de bruit", dit Gérard Fiquet, administrateur de Solidarité Paysans,
qui accompagne les agriculteurs en difficulté. "Il y a un peu plus d'un
mois, un producteur laitier s'est tué dans le Centre-Bretagne. Il
n'avait même pas 45 ans. On n'a pas su prévenir un tel gâchis. Le
passage à l'acte est l'ultime manière de dénoncer la crise morale et
sociale de notre secteur." Chacun la vit dans la solitude. Les éleveurs
ne vivent plus regroupés dans les villages. "Ils sont isolés,
géographiquement, personnellement, professionnellement. Il est difficile
dans ce milieu de s'associer car on ne sait pas faire avec l'autre",
souligne François-Régis Lenoir, agriculteur en Champagne-Ardenne et
psychologue. Et puis ce n'est pas dans la mentalité paysanne de demander
de l'aide. Peur d'être marqué du sceau de la honte, d'être celui qui
n'y arrive pas.
Pierre Priolet, agriculteur dans
le Vaucluse, a préféré arracher lui-même, en 2010, les 13 hectares
d'arbres fruitiers de son exploitation. "On m'avait dit : on va vous
liquider. Vous liquider, c'est vous mettre une balle dans la tête",
lâche-t-il. "L'agriculteur n'est plus nourricier, il devient le
pestiféré. Son père, qui a vécu de ce métier, le voit échouer. Sous le
regard de sa famille, de voisins qui espèrent sa chute, il n'arrive pas à
garder ce qu'on lui a transmis. Il s'enfonce dans la honte." Aux yeux
de Jean-Claude Delgènes, de l'Observatoire national du suicide, "cette
détresse est renforcée par ce mode de vie en vase clos. L'exploitation
agricole est à la fois le lieu de vie et le lieu de travail, vous n'en
sortez jamais". Des célibataires sombrent, des couples se déchirent… "À
la campagne, le célibat est vraiment subi, il y a une grande misère
affective. C'est là-dessus que joue d'ailleurs l'émission L'amour est dans le pré", insiste François-Régis Lenoir.
Le monde de la dette
"Les
éleveurs ont dû investir comme jamais pour se moderniser et répondre
aux exigences des grands distributeurs et des industriels, rappelle
Jean-Claude Delgènes. Ils sont surendettés et leur vie est indexée sur
le cours du lait. La baisse des aides de la PAC peut être une réelle
mise à mort." Selon Philippe Varacher, éleveur en Charente, pour gagner
1.500 euros par mois, un éleveur devrait vendre le litre de lait à
45 centimes, contre 34 centimes aujourd'hui. Entre 1999 et 2012, le prix
de base du lait en sortie de ferme n'a augmenté que de 10%.
L'inflation, elle, a bondi de 25% ; le coût d'une visite vétérinaire de
61% ; le fuel de 200%… "La pression économique est dingue, soupire
Gérard Fiquet, les taux d'endettement sont énormes, près de 80%
rapportés au chiffre d'affaires. L'exploitant perd son autonomie, ce
sont les banques qui tiennent l'agriculture!" Le harcèlement des
financiers étouffe chaque jour un peu plus les paysans, devenus des
"assistés malgré eux". Pierre Priolet s'en étrangle : "Mon voisin est
endetté de 600.000 euros, tous ses comptes sont bloqués. Pourtant,
chaque mois, les banques lui prélèvent l'assurance décès. C'est presque
un meurtre prémédité."
Le poids du travail
"Les
vacances? Connais pas", soupire Gérard Letord, qui élève des vaches
dans la Sarthe. Ici, pas de 35 heures, de congés… "La vie de famille? Je
n'ai pas vu mes enfants grandir. Entre la traite matin et soir, le
nettoyage, la paperasse, les problèmes de fric qui m'ont poussé à me
séparer de mon commis, le soir, je suis épuisé. J'ai le dos pété et je
ne peux pas me permettre de m'arrêter." Cet agriculteur a déjà songé à
laisser sa voiture partir contre un arbre. À l'inverse des céréaliers,
les éleveurs sont en permanence sur le pont : traite, soins, vêlages,
alimentation… Contraints d'investir dans des structures toujours plus
grandes pour conserver un minimum de revenus, ils ont encore accru leur
charge de travail. "Quand je me suis installé, en 1981, je produisais
60.000 litres de lait avec 18 vaches, raconte Jacques Bruchon, dans le
Doubs. Aujourd'hui, mon neveu de 20 ans reprend l'affaire et produit
235.000 litres avec 40 vaches!" Sans parler du mille-feuille
administratif et des normes : "On passe un tiers de notre temps à
remplir des papiers", souffle Pierre Priolet.
La culture de l'indépendance
"Pour
recréer du lien social et lutter contre l'exclusion rurale, on essaie
de s'organiser entre nous, en réseau, affirme Jean-Pierre Caldot,
éleveur, membre de SOS Paysans. Mais peu acceptent les mains tendues par
les associations. Quant à aller chez le psy, ce n'est pas dans la
culture rurale." Des groupes de parole, des numéros d'assistance, des
réunions, des cellules de prévention ont été mis en place depuis 2011
dans plusieurs régions par la Mutualité sociale agricole (MSA). Des
associations, telles que l'Apli (Association des producteurs de lait
indépendants), Solidarité Paysans ou le Samu social agricole soutiennent
aussi les agriculteurs. Mais, ajoute le psy François-Régis Lenoir,
"cette aide doit être également économique". Philippe Varacher, élu de
la chambre d'agriculture de Charente, l'a compris. Il a monté une
cellule de crise réunissant banques, coopératives, représentants de
l'État et MSA. L'idée : analyser la situation financière de la ferme et
tenter de rééchelonner les dettes. Sur les 150 dossiers reçus depuis
mars, une quarantaine ont été réglés. "Mais il en arrive toutes les
semaines. Et pour un quart des dossiers, on sait qu'on n'a fait
qu'arrêter la machine infernale." Pour combien de temps?
***
Interview : 13 octobre 2013 http://www.lejdd.fr/Societe/Le-suicide-chez-les-paysans-un-mur-de-honte-qui-vous-paralyse-633754
Le suicide chez les paysans : "un mur de honte qui vous paralyse"
Philippe
Varacher, éleveur, est membre de l’Association des producteurs de lait
indépendants (Apli) et vice-président de la Chambre d’agriculture de
Charente.
Comment ces agriculteurs en arrivent à mettre fin à leurs jours?
Ce sont des gens qui ont souvent une vraie vie de famille, mais s’isolent. Leur mal-être est justement lié au regard des gens qu’ils aiment face au manque d’argent, au manque de réussite. Les copains des enfants racontent leurs vacances, et les vôtres ne partent pas. Les mairies pointent du doigt les parents qui ne peuvent plus payer la cantine, leur compte étant dans le rouge en permanence… Un mur de honte s’élève petit à petit, qui vous paralyse. Vous êtes endetté, mais vous n’allez pas à la banque pour renégocier votre prêt, vous n’ouvrez plus votre courrier. On vous harcèle au téléphone. Puis on vous envoie les gros bras. Un huissier. Une convocation au tribunal. Votre ferme est saisie, c’est publié dans les journaux. Le regard des autres change… Et vous passez à l’acte.
Ce sont des gens qui ont souvent une vraie vie de famille, mais s’isolent. Leur mal-être est justement lié au regard des gens qu’ils aiment face au manque d’argent, au manque de réussite. Les copains des enfants racontent leurs vacances, et les vôtres ne partent pas. Les mairies pointent du doigt les parents qui ne peuvent plus payer la cantine, leur compte étant dans le rouge en permanence… Un mur de honte s’élève petit à petit, qui vous paralyse. Vous êtes endetté, mais vous n’allez pas à la banque pour renégocier votre prêt, vous n’ouvrez plus votre courrier. On vous harcèle au téléphone. Puis on vous envoie les gros bras. Un huissier. Une convocation au tribunal. Votre ferme est saisie, c’est publié dans les journaux. Le regard des autres change… Et vous passez à l’acte.
Pourquoi les éleveurs et les producteurs laitiers sont-ils particulièrement touchés?
La lente descente aux enfers a débuté dans les années 2000. Les responsables, c’est l’Etat et l’Europe, avec leurs quotas, leurs primes, la baisse du prix payé au producteur, l’explosion des coûts des matières premières, et donc des assurances. Ajoutez des sécheresses dramatiques… La course à l’agrandissement des exploitations a fonctionné tant que les produits étaient payés, et que l’agriculteur parvenait à dégager des marges. Aujourd’hui, pour gagner 1.500 euros par mois, un éleveur devrait vendre le litre de lait à 45 cts, contre 34 cts aujourd’hui… Les coûts que doivent assumer les exploitants sont tels (*) qu’il leur est impossible de payer des salariés. Surchargé de travail, l’éleveur reste seul à la ferme, car sa femme travaille à l’extérieur pour combler les trous... Le piège s’est refermé.
La lente descente aux enfers a débuté dans les années 2000. Les responsables, c’est l’Etat et l’Europe, avec leurs quotas, leurs primes, la baisse du prix payé au producteur, l’explosion des coûts des matières premières, et donc des assurances. Ajoutez des sécheresses dramatiques… La course à l’agrandissement des exploitations a fonctionné tant que les produits étaient payés, et que l’agriculteur parvenait à dégager des marges. Aujourd’hui, pour gagner 1.500 euros par mois, un éleveur devrait vendre le litre de lait à 45 cts, contre 34 cts aujourd’hui… Les coûts que doivent assumer les exploitants sont tels (*) qu’il leur est impossible de payer des salariés. Surchargé de travail, l’éleveur reste seul à la ferme, car sa femme travaille à l’extérieur pour combler les trous... Le piège s’est refermé.
En Charente, vous avez mis en place depuis mars 2013 une cellule de crise d’aide aux agriculteurs…
L’idée, c’est d’analyser la situation financière de la ferme, de renégocier les remboursements de dettes, d’apporter des facilités de trésorerie, et aussi d’écouter. La surmortalité dans certains troupeaux masque des difficultés financières. On explique aux éleveurs qu’ils ne sont pas responsables s’ils ne sont pas payés, si la donne a changé depuis qu’on leur a prêté de l’argent. Et que collectivement, on peut changer les choses. Les banques jouent étonnamment le jeu, sans doute parce qu’elles commencent à voir que c’est leur intérêt. Notre cellule de crise a été prise d’assaut, avec 150 dossiers reçus depuis mars, et il en arrive chaque semaine. L’endettement moyen est de 15.000 euros annuels. Une quarantaine de dossiers ont été réglés, pour des gens qui n’imaginaient même pas une issue possible. Pour certains, c’est un second souffle pour repartir. Mais pour un quart des dossiers, on a juste arrêté la machine infernale. Il faudra un traitement plus lourd.
L’idée, c’est d’analyser la situation financière de la ferme, de renégocier les remboursements de dettes, d’apporter des facilités de trésorerie, et aussi d’écouter. La surmortalité dans certains troupeaux masque des difficultés financières. On explique aux éleveurs qu’ils ne sont pas responsables s’ils ne sont pas payés, si la donne a changé depuis qu’on leur a prêté de l’argent. Et que collectivement, on peut changer les choses. Les banques jouent étonnamment le jeu, sans doute parce qu’elles commencent à voir que c’est leur intérêt. Notre cellule de crise a été prise d’assaut, avec 150 dossiers reçus depuis mars, et il en arrive chaque semaine. L’endettement moyen est de 15.000 euros annuels. Une quarantaine de dossiers ont été réglés, pour des gens qui n’imaginaient même pas une issue possible. Pour certains, c’est un second souffle pour repartir. Mais pour un quart des dossiers, on a juste arrêté la machine infernale. Il faudra un traitement plus lourd.
Est-ce la fin d’un monde?
Oui, même si je suis un optimiste, c’est la fin d’un monde. Il y a 100 ans, celui qui reprenait la ferme, c’était soit le fils aîné, soit "l’idiot" de la famille, en tout cas celui qui ne pouvait pas faire des études! Aujourd’hui, les agriculteurs sont des entrepreneurs, des ingénieurs. Ils portent le poids du passé, de la réussite des parents, des grands-parents. Or, une crise suffit à rayer ce patrimoine acquis par le labeur des générations précédentes. Les agriculteurs d’aujourd’hui sont des gens équipés pour ce changement de monde, mais à qui on enlève tout. Les règles du jeu ont changé. On a longtemps cru qu’on était maîtres chez nous. On se rend compte que ce n’est pas le cas.
Oui, même si je suis un optimiste, c’est la fin d’un monde. Il y a 100 ans, celui qui reprenait la ferme, c’était soit le fils aîné, soit "l’idiot" de la famille, en tout cas celui qui ne pouvait pas faire des études! Aujourd’hui, les agriculteurs sont des entrepreneurs, des ingénieurs. Ils portent le poids du passé, de la réussite des parents, des grands-parents. Or, une crise suffit à rayer ce patrimoine acquis par le labeur des générations précédentes. Les agriculteurs d’aujourd’hui sont des gens équipés pour ce changement de monde, mais à qui on enlève tout. Les règles du jeu ont changé. On a longtemps cru qu’on était maîtres chez nous. On se rend compte que ce n’est pas le cas.
(*) Selon les calculs de l’Apli,
entre 1999 et 2012, le prix de base du lait au départ de la ferme a
augmenté de 10%. Sur la même période, l’inflation a bondi de 25%, le
coût d’une visite vétérinaire de 61%, celui du blé de 93%, celui
tourteau de colza de 107%, celui du fuel, de 200%.