Le suicide d'un collègue - Publié le 18 avril 2012 à 08h02 | Mis à jour le 18 avril 2012par Nathalie Côté, collaboration spéciale - La Presse - lien : http://lapresseaffaires.cyberpresse.ca/cv/201204/18/01-4516448-le-suicide-dun-collegue.php
Dans certains milieux de travail, des « sentinelles » sont formées pour détecter les signes de détresse et diriger leurs collègues vers des ressources spécialisées.
(Montréal) Environ 10 000 personnes de 500 milieux de travail seraient touchées par le suicide d'un collègue chaque année au Québec selon les estimations d'experts dans le domaine. Un drame qui secoue l'organisation souvent bien démunie pour affronter la situation.
«La première chose à faire, c'est de ne pas essayer de le cacher», conseille Bruno Marchand, directeur général de l'Association québécoise de prévention du suicide. Si l'on tente de camoufler le geste, il est alors bien difficile d'offrir l'aide appropriée aux personnes qui pourraient en avoir besoin. L'entreprise devrait aussi communiquer avec un organisme spécialisé.
Annoncer un suicide demeure néanmoins un geste délicat. «C'est du cas par cas. Certaines entreprises ont déjà des procédures pour annoncer un décès, d'autres pas. On privilégie une annonce courte. On devrait permettre aux employés d'en discuter de manière informelle et leur dire qu'il n'est pas prévu qu'ils retournent travailler tout de suite. Il faut leur laisser le temps d'absorber la nouvelle», indique Philippe Angers, coordonnateur clinique chez Suicide Action Montréal. Ensuite, l'employeur devrait parler de la réaction des travailleurs à un spécialiste d'un organisme de prévention du suicide afin d'analyser la situation et d'évaluer les mesures à mettre en place.
La réaction des gens peut être très variable selon leur lien avec la personne décédée, leur histoire personnelle et le fait qu'ils en aient été témoins, si le geste a été fait sur les lieux de travail, par exemple. Le soutien offert doit être adapté. Le but premier est d'éviter l'«effet de contagion». «En milieu scolaire, on évalue que le risque qu'une personne se donne la mort grimpe de 300% dans les trois semaines suivant un suicide. C'est aussi vrai en milieu de travail», indique M. Marchand. D'où l'importance d'une intervention efficace.
La prévention
Dans certains milieux de travail, des «sentinelles» sont formées pour détecter les signes de détresse et diriger leurs collègues vers des ressources spécialisées. D'autres ont des programmes d'aide aux employés. Plusieurs n'offrent rien du tout.
Le Service de police de la Ville de Montréal, lui, est allé plus loin. Tous les policiers ont reçu une formation pour détecter la détresse chez les collègues, déboulonner certains mythes et lever certains tabous. Une formation spécifique a aussi été offerte aux superviseurs et aux représentants syndicaux. Une ligne téléphonique où travaillent des policiers-ressources a été mise en place ainsi qu'une campagne de sensibilisation. Entre 1997 et 2008, on a dénombré 4 suicides contre 14 au cours des 10 années précédentes. Dans les autres corps policiers de la province, on enregistrait plutôt une hausse de 11%. Depuis, la GRC a mis en place un programme semblable. Des services de police à Paris et en Jamaïque s'en sont aussi inspirés.
Selon Normand Martin, psychologue au SPVM, la clé du succès repose sur une analyse «des cordes sensibles» du milieu, sur le lien de confiance envers le service d'aide ainsi que sur le fait que le programme soit né d'une volonté commune du syndicat et du patronat.
Ce type de programme est toutefois très rare. «En général, les entreprises réagissent quand elles perdent un ou quelques employés par suicide. Là, elles prennent des mesures, mais malheureusement, elles sont souvent sporadiques ou isolées», déplore M. Marchand.
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