lundi 17 avril 2023

TOULOUSE Cette équipe accompagne les prisonniers souffrant de troubles psychiatriques sévères lors de leur sortie

 Cette équipe accompagne les prisonniers souffrant de troubles psychiatriques sévères lors de leur sortie

  • L'équipe EMOT de l'hôpital Marchant accompagne les détenus souffrant de troubles psychiatriques dans les semaines qui suivent leur sortie de prison.
    L'équipe EMOT de l'hôpital Marchant accompagne les détenus souffrant de troubles psychiatriques dans les semaines qui suivent leur sortie de prison. DDM - MICHEL VIALA
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l'essentiel L'hôpital psychiatrique Gérard Marchant, à Toulouse, vient d'inaugurer son unité EMOT. Depuis un an, une équipe mobile accompagne des détenus souffrant de troubles psychiatriques sévères au moment de leur libération. Les semaines qui suivent leur sortie de prison constituent une période critique où les risques de mortalité sont majeurs. 

Après la prison, ses barreaux et ses murs, le vertige. Pour les anciens détenus, la période qui suit la libération est synonyme de grande vulnérabilité, avec un risque plus important de mortalité. Et c'est encore plus vrai lorsqu'ils souffrent d'une maladie psychiatrique. 

"À leur sortie de prison, deux détenus sur trois présentent un trouble psychiatrique. C'est un moment où les risques de suicide, de rechute psychiatrique, d'overdose et de réincarcération augmentent. Les trois mois qui suivent la libération sont critiques, et le premier mois, encore plus. Notre but est d'accompagner ce moment-là, d'amener les patients vers le soin pour éviter les décès, les rechutes et les passages aux urgences", résume le Dr Anne-Hélène Moncany, chef du pôle psychiatrie et conduites addictives en milieu pénitentiaire à l'hôpital Gérard Marchant de Toulouse, à l'origine du projet EMOT (Equipe MObile transitionnelle) qui a également été déployé à Lille. 


"Ne pas les perdre en attendant leur prise en charge"

Lancée en novembre 2021, l'équipe mobile transitionnelle EMOT de Toulouse a accompagné ses premiers patients en mai 2022. Avec une file active de 25 patients, elle a déjà suivi 40 personnes, dont 4 femmes. Les résultats sont encourageants. "À ce jour, nous n'avons pas eu à déplorer de décès, de mise en danger ou d'overdose et seulement un passage aux urgences psychiatriques. Des démarches de sevrage ont même été engagées par certains patients. Quant à ceux qui ne sont plus dans le dispositif EMOT, on sait qu'ils suivent des soins ", déclare le Dr Maxime Védère, médecin responsable de l'EMOT. Le psychiatre témoigne également du retour positif des familles et des patients : "Ils nous appellent beaucoup et disent se sentir perdus sans nous. Les délais d'obtention d'un rendez-vous dans un centre médico-psychologique (CMP) sont longs. Pour ne pas perdre nos patients, nous les accompagnons en attendant leur prise en charge dans les structures de soins". "Réaccueillir quelqu'un qui sort de prison, c'est difficile et ça l'est encore plus quand ces personnes présentent des troubles psychiatriques. Nous sommes là aussi pour guider les proches", ajoute le Dr Anne-Hélène Moncany. 


Schizophrènes, bipolaires, psychotiques

Le dispositif s'adresse aux détenus nouvellement libérés souffrant de troubles psychiatriques sévères (schizophrénie, troubles sévères de la personnalité, troubles psychotiques, bipolarité) et/ou de troubles en lien avec une addiction. Avant leur sortie, pour faire connaissance et être bien identifiée, l'équipe EMOT rencontre les volontaires à la maison d’arrêt de Seysses et au centre de détention de Muret. Si les questions de soins et d'hébergement ont généralement été traitées en amont, la sortie met les anciens détenus face à une grosse problématique sociale. "Il faut rouvrir tous les droits de base (couverture sociale, papiers d'identité) et tout est très compliqué. Or, un patient qui n'a plus de carte vitale ne peut plus aller chercher ses médicaments et se soigner. Le risque de rechute et de récidive est important", souligne le Dr Anne-Hélène Moncany. 


Le dispositif a fait parler de lui jusqu'au Québec

L'équipe EMOT a reçu un financement annuel de 332 000 € au titre du fond d'innovation organisationnelle en psychiatrie. Elle fonctionne, en équivalent temps plein, avec un éducateur spécialisé, une assistante sociale, deux infirmières, un médecin et une secrétaire et rayonne sur un secteur à 1 heure maximum de distance de Toulouse. L'accompagnement est prévu pour deux mois, renouvelables deux fois. "Nous sommes là pour un temps donné et nos patients le savent. C'est important pour qu'ils ne vivent pas la sortie de prison comme un abandon", déclare le Dr Maxime Védère. 

Le dispositif EMOT sera évalué dans deux ans, mais il a déjà fait parler de lui jusqu'au Canada où il n'existe pas d'équivalent. La chef du service de psychiatrie en milieu pénitentiaire de Montréal a prévu de rendre visite aux équipes toulousaines au mois de juin prochain.



66 % des hommes et 75 % des femmes présentent un trouble psychiatrique à leur sortie de prison

La F2RSMpsy (Fédération régionale de recherche en psychiatrie et santé mentale Hauts-de-France) a publié, en février 2023 à la demande de la Direction générale de la santé, un rapport national sur la santé mentale de la population carcérale.

Selon les conclusions, les deux tiers des hommes et les trois quarts des femmes sortant de détention présentent un trouble psychiatrique ou lié à une substance. Un tiers des hommes et la moitié des femmes sont concernés par des troubles de l'humeur incluant la dépression. Un tiers des hommes et la moitié des femmes sont concernés par des troubles anxieux ; 10 % des hommes et un sixième des femmes sont concernés par un syndrome psychotique.

Au moment de leur sortie de prison, 32,3 % des hommes et 58,8 % des femmes sont considérés comme modérément à gravement malades pour les hommes tandis que le risque suicidaire est estimé à 27,8 % pour les hommes et 59,5 % pour les femmes.

Emmanuelle Rey

https://www.ladepeche.fr/2023/04/17/cette-equipe-accompagne-les-prisonniers-souffrant-de-troubles-psychiatriques-severes-lors-de-leur-sortie-11130899.php