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EN PRISON, LE TAUX ANNUEL DE SUICIDE 10 FOIS PLUS ÉLEVÉ POUR LES HOMMES ET 40 FOIS POUR LES FEMMES
Sur la base de ces données de surveillance, l'agence "considère que le taux de mortalité par suicide chez les personnes détenues constitue un point d'attention et met en avant l'importance de renforcer le déploiement des dispositifs de prévention du suicide en milieu carcéral".
Cette synthèse s'appuie sur une étude menée par Alexis Vanhaesebrouck dans le cadre de sa thèse de doctorat en santé publique.
Sur la période 2017-2021, 627 personnes écrouées sont décédées par suicide (par pendaison dans 90% des cas) dont 598 personnes détenues. Ces dernières étaient écrouées dans 144 établissements pénitentiaires différents, soit environ les trois quarts des établissements français.
Le taux de suicide était de 17,5 cas pour 10.000 personnes sur un an pour les personnes détenues, contre 4,8 pour les personnes écrouées non détenues.
Il était deux fois plus élevé pendant la détention provisoire, pendant laquelle sont survenus près de la moitié des cas. Plus des trois quarts des cas sont survenus en maison d'arrêt ou en quartier maison d'arrêt, soit un taux de suicide multiplié par 1,7 par rapport aux autres types d'établissement.
Les données de santé étaient disponibles pour 78% des cas, ces derniers étant représentatifs de l'ensemble des personnes détenues pour toutes les caractéristiques sociodémographiques, pénales et carcérales.
Les comparaisons avec les études menées en population carcérale générale indiquent que les troubles psychiatriques ne seraient pas plus fréquents, voire le seraient moins, en cas de suicide. Cela s'explique probablement par une sous-estimation des troubles psychiatriques dans la présente étude, concernant 64% des personnes.
Il apparaît que 46% des personnes qui se sont suicidées avaient déjà tenté de le faire une ou plusieurs fois, avant ou pendant l'incarcération. La semaine qui a précédé le suicide, un événement marquant a été retrouvé pour 61%, et 60% avaient consulté à l'unité sanitaire. Au moment du suicide, un risque suicidaire avait été repéré par l'administration pénitentiaire pour 44% des cas.
Un suicide sur neuf a eu lieu la première semaine de détention, soit un taux de suicide six fois plus élevé que pour le reste de la détention, et les deux tiers la première année de détention. Le risque suicidaire a tendance à être plus modeste la dernière semaine avant la libération.
De manière surprenante, les personnes décédées par suicide au cours des trois premiers mois présentaient un meilleur état de santé avant et pendant l'incarcération, et notamment par une fréquence moins importante de consommation de substances addictives et de certains troubles psychiatriques, que celles s'étant suicidées après plus de trois mois de détention. Des explorations complémentaires seraient nécessaires.
Globalement, le taux de suicide des personnes détenues a diminué d'environ un tiers au tournant des années 2000 mais il est stable depuis une quinzaine d'années. L'écart avec la population générale se creuse en raison de la diminution du taux de suicide en population générale, observe SPF, rappelant que la France a l'un des taux de suicide en prison les plus élevés du monde.
Cette étude exhaustive à l'échelle nationale est la première sur les suicides des personnes détenues à regrouper des données issues à la fois de l'administration pénitentiaire et des unités sanitaires. Ces résultats ont fait l'objet de retours auprès des parties prenantes, notamment la direction générale de la santé (DGS) et la direction de l'administration pénitentiaire (DAP) du ministère de la justice.
Des échanges pilotés par la DGS, en lien avec la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam), ont par ailleurs eu lieu pour évaluer la faisabilité de l'utilisation du système national des données de santé (SNDS) pour décrire le recours aux soins et la mortalité chez les personnes écrouées, ajoute SPF.
ld/nc/APMnews