Visite dans les locaux lillois du 3114, le numéro de prévention du suicide
Lille De Odile Senellart Mardi 16 avril 2024 Par France Bleu Nord
Chaque jour, environ 800 appels sont passés au 3114, le numéro national de prévention du suicide. Une partie des appels arrivent au centre d'écoute basé au CHU de Lille où nous avons pu nous rendre.
Une vingtaine de répondants, tous infirmiers ou psychologues, répondent au centre d'écoute de Lille du 3114 - © 3114 Numéro National de Prévention du Suicide
Une vingtaine de "répondants" se relayent jour et nuit au centre d'écoute du 3114 de Lille pour recevoir une partie des 800 appels passés chaque jour à ce numéro national de prévention du suicide qui est gratuit. Il fait partie des dix premiers centres d'appel à avoir ouvert ses portes en France en octobre 2021, il y en a aujourd'hui 17 répartis dans la France entière. Ce centre d'appel se trouve au CHU de Lille, précurseur dans la mise en place de ce numéro puisque c'est lui qui avait été choisi pour coordonner la mise en place de ce service.
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Le 3114 reçoit en moyenne 800 appels par jour dans les 17 centres d'écoute, dont celui de Lille - © 3114 Numéro National de Prévention du Suicide
Le délégué interministériel à la jeunesse auprès du Premier Ministre, Mathieu Maucort, a visité ce centre lillois le mardi 16 avril puisque le 3114 fait partie des dispositifs que le gouvernement souhaite renforcer dans les prochaines semaines, le gouvernement ayant fait de la santé mentale de la jeunesse la grande cause de 2024. Pour lui, il s'agit de l'un des outils qu'il faut développer : "On a environ un jeune sur cinq qui connait des symptômes de dépression dans l'année. C'est deux fois plus qu'avant le Covid. Et on constate une permanence de ce phénomène."
"On n'est pas chronométrés, on a le temps"
Dans le centre d'écoute du 3114, les répondants sont donc formés pour recevoir ces appels. Ils durent souvent de 20 à 30 minutes et sont confidentiels. Estelle Bonduelle est infirmière, cela fait deux ans et demi qu'elle travaille dans ce centre. Elle souligne l'importance de l'empathie, de l'écoute: " On est là pour tenter une désescalade sur les idées suicidaires. Notre rôle, c'est surtout d'évaluer le risque: savoir si on est sur des idées suicidaires avec un risque de passage à l'acte immédiat ou pas. Sur des crises d'angoisse, on va tenter de faire une désescalade, ce qui marche assez bien. Surtout, on prend le temps, on n'est pas chronométrés, on prend le temps**."**
Le centre d'écoute du 3114 de Lille fonctionne 24 heures sur 24 grâce à une vingtaine de répondants © Radio France - Odile Senellart
Si nécessaire, les répondants peuvent déclencher des secours qui vont se rendre directement là où la personne se trouve en cas de danger imminent. Souvent, il s'agit d'orienter l'appelant vers les structures qui pourront l'accompagner dans une prise en charge. Ils orientent les personnes en souffrance, mais aussi les proches, amis et personnels soignants pour les conseiller également dans la façon d'aider la personne en souffrance.
"Le 3114 sauve des vies"
Le 3114, lancé en 2021, a déjà reçu plus de 500.000 appels et Charles-Edouard Notredame, psychiatre de l'enfant et de l'adolescent, et coordinateur national adjoint du numéro national de prévention du suicide rappelle que ce numéro sauve des vies : "Quand on a des idées suicidaires, on est aveuglé par sa douleur, par sa souffrance. C'est comme si on avait des œillères , on n'arrive plus à réfléchir correctement. Ce n'est pas comme si c'était un choix rationnel. Alors quand on appelle le 3114, et qu'on arrive à faire redescendre un peu la pression, finalement les idées suicidaires soit s'estompent, soit n'aboutissent pas à un passage à l'acte parce qu'on arrive à retrouver un tout petit peu de sérénité qui suffit à ne pas passer à l'acte."
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Il rappelle également à quel point il est important de parler du suicide qui ne doit pas être un sujet tabou: " On parle régulièrement dans l'espace social de sujets très tristes, on parle de cancers, on parle de maladies, mais on ne parle pas du suicide. Or, le suicide n'est pas plus grave, plus sérieux que les cancers mortels et pourtant on n'en parle pas. Il est temps d'en parler! Plus on parle des idées suicidaires, des tentatives de suicides, moins ce silence s'intériorise chez les gens en honte et en culpabilité, et moins ils sont seuls avec ça".
https://www.francebleu.fr/infos/sante-sciences/visite-dans-les-locaux-lillois-du-3114-le-numero-de-prevention-du-suicide-5669178
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Prévention du suicide : le 3114, un numéro pour sauver des vies 7 jours sur 7
Les locaux du 3114 au Centre hospitalier de Lille. • © France Télévisions
Écrit par Claire Chevalier Publié le 16/04/2024 https://france3-regions.francetvinfo.fr/*
Vingt ans que les professionnels le réclamaient. Il existe enfin. Un service de prévention du suicide national par téléphone, ouvert en permanence. Au bout du fil des infirmiers, psychologues formés et supervisés par un médecin psychiatre. Car face à une personne qui a des idées suicidaires, il est possible d'agir.
Pour les professionnels, c'est l'aboutissement d'une demande et d'une évidence scientifique ancienne. Empêcher les passages à l'acte par une présence téléphonique compétente et formée.
Le 3114, c'est 24 heures sur 24, 7 jours sur 7
"Quelle que soit la souffrance ressentie, le 3114 est ouvert tout le temps. Il n'y a pas de question idiote, la prévention du suicide, c'est l'affaire de tous, on peut faire quelque chose".
Il n'y a pas de question idiote, la prévention du suicide c'est l'affaire de tous.
Christophe Debien, médecin responsable du déploiement du 3114
Et pour preuve, depuis le début des années 2000, le nombre de suicides a chuté de 20 %. Depuis la mise en place d'une prévention active par les pouvoirs publics. Aujourd'hui, avec le 3114, les professionnels confrontés à ces drames espèrent aller plus loin.
Si le numéro fonctionne depuis octobre 2021, Mathieu Maucort, délégué interministériel à la jeunesse auprès du Premier ministre, affirme que la hausse des appels ces derniers mois "évidemment, ça nous interpelle, ce qu'on observe depuis le covid : le doublement des consultations pour idées suicidaires des adolescents. C'est une réalité qu'on doit regarder les yeux dans les yeux. L'idée que l'adolescent doit souffrir pour grandir, il faut que ça cesse, tout comme celle que "ça passera tout seul". Ce n'est pas normal, c'est un cri qu'on doit entendre. Ça suffit autant d'adolescents dans le pays en souffrance !"
Ça suffit autant d'adolescents dans le pays en souffrance !
Mathieu Maucort - Délégué interministériel à la jeunesse auprès du Premier Ministre
Une demande des soignants depuis 20 ans
Peu ou pas de pays disposent d'un tel dispositif. Désormais, dans toutes les régions de France (y compris les départements et régions d'Outre-mer) des professionnels des Centres hospitaliers répondent spécifiquement via le 3114. Et surtout, ils ont été formés à ces demandes spécifiques et parfois vitales. Un ancrage territorial qui facilite l’orientation des appelants à proximité de leur lieu de vie.
Une formation a été imaginée, au Centre hospitalier de Lille, à partir de la littérature disponible sur le sujet, mais aussi par l'écoute de personnes qui ont fait des tentatives de suicide. Un "référentiel des bonnes pratiques" pour les professionnels a alors été structuré et sert de modèle à la formation des infirmiers et psychologues qui répondent aux appels, toujours supervisés par un médecin psychiatre.
L'affiche du 3114 • © Ministère de la Santé
Accueillir la souffrance intime, la détresse psychique
"Il faut être capable d'accueillir la souffrance intime, d'écouter les éléments qui font souffrir, d'établir un lien avec les personnes qui appellent. On peut alors faire beaucoup de choses" explique Christophe Debien qui est aussi responsable du déploiement du 3114. "Nous avons alors deux modes d'actions : apaiser la souffrance, enclencher une désescalade émotionnelle, mais aussi orienter le suicidaire vers les ressources autour de lui, famille, médecin traitant, associations, assistantes sociales".
Christophe Debien explique qu'il faut distinguer la crise suicidaire, qui met du temps à s'installer, de l'urgence suicidaire. La période de crise, sourde, peut s'installer sans bruit pendant des semaines, des mois. "On a donc du temps pour intervenir" précise Christophe Debien.
Quand on souffre, on communique mal, on a des difficultés à aller chercher de l'aide. On rassure ses proches en disant "ça va passer" ou en dissimulant.
Christophe Debien, praticien hospitalier CHU de Lille
Et puis, l'urgence suicidaire, c'est la proximité du passage à l'acte, avec une goutte d'eau qui fait déborder le vase. C'est toujours une accumulation de faits. "La tentative de suicide est toujours soudaine, par contre" Surtout, il faut éviter de culpabiliser les proches "quand on souffre, on communique mal, on a des difficultés à aller chercher de l'aide. On rassure ses proches en disant "ça va passer" ou en dissimulant".
Christophe Debien explique "La stigmatisation des troubles psychiques est très ancrée dans notre société, c'est vu comme un aveu de faiblesse, c'est un frein dans l'accès aux soins" avant d'ajouter que "70 % des personnes qui font une tentative de suicide n'ont pas de maladie mentale".
70 % des personnes qui font une tentative de suicide n'ont pas de maladie mentale.
Christophe Debien, médecin responsable du déploiement du 3114
Faire connaître le 3114
"Un enfant de 13 ans qui a des idées suicidaires ne va pas en parler à sa maman. Il faut des sentinelles, des gens, des profs parfois qui prennent le temps de regarder, de s'intéresser à l'autre. Le temps, ça se prend " poursuit Christophe Debien.
Alors, le Délégué interministériel à la jeunesse auprès du Premier Ministre, Mathieu Maucort est venu à Lille pour rencontrer les équipes qui ont participé à la mise en place de ce numéro et travaillent à la formation de "sentinelles".
Le projet 3114 porté par le CHU de Lille
À travers une équipe projet, nommée "Pôle national" et coordonnée par le Professeur Pierre Thomas, le CHU de Lille est chargé du déploiement, de la supervision, de l’animation, de la coordination et du développement du 3114.
"C'est un outil utile, une innovation lilloise qui essaime au national. Désormais le 3114 est bien ancré dans le paysage national, il manque juste d'un peu de notoriété liée au fait que la santé mentale a longtemps été taboue" explique Mathieu Maucort, le délégué interministériel à la jeunesse auprès du Premier Ministre, en visite à Lille ce mardi 16 avril 2024.
Le 3114 compte actuellement 17 centres de réponse fonctionnant en journée. La nuit, à partir de 21 heures, les centres de Lille, Brest et Montpellier prennent en charge les appels de l’ensemble du territoire.
"Mon soutien psy" évolue
Et puis, rappelle Mathieu Maucort, le délégué interministériel à la jeunesse auprès du Premier Ministre, a profité de sa visite au Centre hospitalier de Lille pour rappeler que Gabriel Attal vient d'annoncer l'évolution du dispositif "Mon soutien Psy".
La séance remboursée passera de 30 à 50 euros pour le psychologue. L’accès direct sera possible, sans passer par le médecin généraliste. Le patient pourra bénéficier de 12 séances annuelles au lieu de 8.